Cannes : Omar la fraise est un grand film de gangsters nouvelle génération

Cannes : Omar la fraise est un grand film de gangsters nouvelle génération

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Par Manon Marcillat

Publié le , modifié le

Tout en respectant les codes, Elias Belkeddar renouvelle le genre pour le transcender avec humour et virtuosité.

Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.

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Omar la fraise, c’est quoi ?

Premier long-métrage d’Elias Belkeddar, Omar la fraise était présenté cette nuit en Séance de minuit au Grand Théâtre Lumière à Cannes et impressionne sur tout point de vue.

Pour son galop d’essai, le réalisateur s’est payé les services de Reda Kateb en Omar du titre et de Benoît Magimel — qui a définitivement trouvé dans les personnages de petites et grandes crapules sa signature — dans le rôle de son fidèle Roger, tous deux figures du grand banditisme à l’ancienne, rattrapés et assignés à résidence en Algérie. Ensemble, ils vont désormais devoir accepter leur nouvelle vie rangée dans le calme dans leur immense villa abandonnée, alors qu’ils n’ont jusqu’à présent vécu que dans la débauche et la violence.

Mais, c’est bien ?

Si les meilleurs films de mafieux sont aussi et souvent les meilleurs films sur la famille, Omar la fraise est surtout une grande et belle histoire d’amitié. Elias Belkeddar y filme, avec tendresse et beaucoup d’humour, la bromance improbable entre Omar et Roger, liés par une fidélité à toute épreuve. Le temps des casses étant derrière eux, il ne reste plus que leur ennui qu’ils traînent dans cette villa désaffectée, au bord de leur piscine sans eau et seulement un canapé sur lequel se vautrer. Mais entre séances de sport alcoolisées, tentatives de cuisine ratées et jeux cocaïnés, les deux larrons se suffisent à eux-mêmes.

Reda Kateb et Benoît Magimel sont tous deux remarquables en antihéros en djellaba et leurs scènes à deux, à domicile ou en sortie en boîte de nuit, figurent parmi les plus drôles et les meilleures du film. Mais Omar l’indomptable ne résistera pas à l’envie d’ailleurs et d’argent et parviendra à se faire embaucher dans une usine de pâtisseries où son flair pour les bonnes combines le liera dans le secret — et plus si affinités — avec la manageuse, Samia, (tout aussi excellente Meriem Amiar), qui magouille elle aussi, à son échelle.

Aux côtés d’Elias Belkeddar aux manettes de ce grand renouveau du film de mafieux, il y a le célèbre scénariste Thomas Bidegain, fidèle plume de Jacques Audiard, notamment sur Un prophète. Ensemble, ils ont composé cette partition féminine avec soin et subtilité et Samia n’hésitera par exemple pas à laisser Omar passer une nuit ou deux en prison afin qu’il réfléchisse au tapage nocturne, tendance harcèlement, qu’il lui fera subir, alcoolisé, une nuit sous sa fenêtre, pensant faire preuve d’un romantisme antédiluvien.

Une substance qui fait souvent défaut aux personnages féminins dans les films de mafieux et qui fait d’Omar la fraise un film qui respecte les codes du genre tout en étant résolument moderne. L’amitié entre Omar et Roger est pure, il n’y a aucune trahison ni compétition ou démonstration de virilité quand Samia déboulera dans leur vie, et extrait le film de toute masculinité toxique. 

Sous couvert d’humour, le film n’omettra pas non plus un certain discours politique, notamment sur les conditions carcérales du pays, qui entasse ses prisonniers dans des prisons insalubres et surpeuplées, s’intéressant une nouvelle fois aux problématiques de notre époque moderne, sans jamais ne devenir démonstratif ni perdre son ton décalé.

Derrière et devant la caméra, toute l’équipe d’Omar la fraise était en pleine maîtrise de son art : de Fouad Trifi et Karine Malika Bouchama, le directeur et la directrice de casting qui ont réuni un véritable trombinoscope de gueules cassées dans des rôles secondaires impeccables ou d’intenses enfants acteurs, à Noémie Veissier, la cheffe costume qui a pensé l’improbable vestiaire de ces mafieux modernes.

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Avec son directeur de la photo André Chémétoff, Elias Belkeddar a su filmer l’Algérie, où il a ses racines, avec un regard neuf, dans toute sa beauté et ses aspérités. Sa mise en scène fourmille d’inventivité et de trouvailles géniales avec une mention spéciale pour la virtuose course à dos de dromadaires, point culminant de ce premier film très réussi.

On retient quoi ?

L’acteur qui tire son épingle du jeu : Les nombreux et improbables seconds couteaux.
La principale qualité : Son inventivité.
Le principal défaut : Être projeté à minuit et demi.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Pulp Fiction, Le Monde est à toi, The Big Lebowski, La Vegas Parano.
Ça aurait pu s’appeler : Omar et Roger.
La quote pour résumer le film : “Le grand renouveau du film de mafieux.”