Rencontre : on a discuté de féminité avec Curated by GIRLS, le collectif artistique inclusif et explosif

Rencontre : on a discuté de féminité avec Curated by GIRLS, le collectif artistique inclusif et explosif

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Par Naomi Clément

Publié le

Deux ans après sa création, la plateforme berlinoise, qui s’est donné pour mission de prôner la diversité des femmes à travers l’art, est aujourd’hui l’une des plus prisées d’Europe. L’occasion de discuter avec l’une de ses fondatrices, l’inspirante Laëtitia Duveau.

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Beaucoup de choses se sont passées depuis notre dernier entretien avec Laëtitia Duveau, en 2016. À l’époque, la Française, qui avait fui son train-train parisien pour l’énergie libératrice de Berlin, venait tout juste de donner vie à Curated by GIRLS, une plateforme lancée au côté de son amie photographe Ophélie Rondeau, dont le but est de mettre en lumière des artistes visuel·le·s prônant la beauté sans aucune discrimination de genre, d’origine, de physique ou de génération.

“On voulait défendre le droit à la différence et ne pas se cantonner uniquement au féminisme, soulignait alors cette insatiable touche-à-tout, également membre du groupe de musique Free Free Dom Dom. Notre ambition était d’offrir une plateforme où tout le monde soit représenté (peu importe le genre, la sexualité, l’ethnicité), d’exposer une vraie diversité et d’aider à ce que la différence ne soit plus assimilée à une agression mais au contraire : qu’elle soit acceptée.”

Deux ans et une dizaine d’expositions et de collaborations plus tard, le collectif est aujourd’hui l’un des plus en vue d’Europe. Preuve en est : grâce à une sélection d’artistes aussi riche que variée, que l’on a notamment pu retrouver au cœur de l’exposition “New Femininity”, Curated by GIRLS réunit aujourd’hui une communauté de plus de 30 000 abonnés sur Instagram, aussi bien basés à Berlin qu’à Londres, Paris ou Madrid. Laëtitia Duveau revient pour nous sur cette irrésistible ascension.

“La féminité, et plus généralement la beauté, est autre chose que ce que nous proposent les médias”

Cheese : Le compte Instagram de Curated by GIRLS réunit aujourd’hui plus de 30 000 abonnés. Comment expliques-tu l’engouement des utilisateurs pour une plateforme qui a parfois tendance à véhiculer une image très uniformisée de la féminité ?

Laëtitia Duveau : Tu as l’idée de Curated By GIRLS : proposer autre chose que l’image uniformisée de la femme qu’on voit dans tous les magazines ou sur les réseaux style Instagram, où la trend est à la fille super sexy en tenue légère. La féminité, et plus généralement la beauté, est autre chose que ce que nous proposent les médias en général, et les artistes présents sur Curated By GIRLS contribuent grandement au renouveau de cette idée de beauté “fake”, imposée par les marques ou les magazines.

Je crois que de plus en plus de gens sont lassés par les stéréotypes et veulent voir autre chose, quelque chose de plus authentique, de plus réaliste. Les artistes sont justement là pour proposer une autre vision, une vision parfois drôle et décalée, mais aussi parfois dure et réaliste.

Je suis assez surprise du soutien que j’ai reçu depuis le début de l’aventure – mais c’est ma nature : je ne prends jamais rien pour acquis. Quand je me suis lancée dans le projet, je m’y suis mise à 200 % ! Étant moi-même artiste (dans le secteur musique), je sais à quel point il est difficile de se faire entendre ou connaître. Curated By GIRLS est l’une de mes contributions pour construire un monde meilleur. La plateforme est, et restera gratuite pour les artistes.

“Je suis aussi ouverte à tous les genres, pourvu que l’artwork reste dans le thème de la diversité”

Justement, comment choisis-tu les artistes que tu mets en lumière à travers Curated by GIRLS ?

Cela dépend. Je reçois énormément de propositions par mail, et je passe beaucoup de temps à regarder ce qu’on m’envoie. Je fais pas mal de recherches aussi. Je suis très attentive à ce qu’il se passe autour de moi. Pour la curation, le choix, j’écoute mon ressenti, je fonctionne à l’instinct. Je ne regarde pas les stats ou le nombre de followers : si ça me parle, ça me parle.

Ma ligne directrice, c’est d’essayer de montrer une vision plus diverse et plus moderne de ce que représentent la femme et la féminité de nos jours. Mon focus se fait principalement sur les artistes féminines, mais pas uniquement : je suis aussi ouverte à tous les genres, pourvu que l’artwork reste dans le thème de la diversité. Aussi, j’ai remarqué qu’il y avait souvent beaucoup de douceur dans les images que je partage, une palette assez pastel… C’est vrai que j’aime quand il y a une certaine poésie ; mais il y a aussi pas mal de provocation dans ces visuels… Ce contraste-là me parle.

Je dois également faire très attention à ce que je partage sur Instagram. J’ai eu beaucoup de posts supprimés ces derniers temps, et mon compte Facebook est actuellement bloqué à cause d’un post qui ne respectait soi-disant pas leurs règles… Ces censures me fatiguent ! Je trouve ça très frustrant, et tellement hypocrite !

On est continuellement submergés de comptes montrant des femmes à moitié dénudées dans des positions hypersexualisées, on accepte sans problème de montrer un téton masculin ; mais on est tout de suite censuré·e·s si on choisit de mettre en lumière une photo artistique avec un bout de sein. Où est la logique ?

“Permettre aux individus de définir eux-mêmes leur féminité”

Peux-tu me parler plus en détail de “New Femininity”, l’une des premières expositions que tu as organisée à Berlin au sein de Curated By GIRLS ?

New Femininity” est effectivement la toute première exposition que j’ai organisée à Berlin, il y a presque deux ans. Je suis attachée à ce titre et à ce thème, car il représente bien ce qu’est Curated By GIRLS. L’idée de “New Femininity”, c’est de montrer une nouvelle vision, plus diverse, de la représentation de la femme. De permettre aux individus de définir eux-mêmes leur féminité.

Je souhaite mettre en avant cette idée que la féminité n’appartient pas à une part unique de la population : elle est universelle. Nous avons tous une part de féminité en nous – et c’est sûrement l’une des plus jolies parts de nous-mêmes. Pour cela, j’ai fait une sélection de 23 artistes féminines, avec des œuvres que je trouve pertinentes pour raconter l’histoire de la nouvelle féminité.

J’ai adoré les photos d’Ashley Armitage, dont on a déjà parlé sur Cheese et qui faisait partie de “New Femininity”. Qu’est-ce qui t’a attirée dans son travail ?

Ashley Armitage est une des premières artistes partagées et exposées sur Curated By GIRLS. Elle soutient le projet depuis le début, et je suis très fière qu’elle en fasse partie ! J’ai pu admirer son évolution incroyable ! J’aime son univers anti-tabous et anti-complexes. Ce qu’elle transmet est très important. À travers ses photos, elle célèbre une image plus authentique de la femme et contribue au mouvement du body positivism. Totalement dans la lignée de Curated By GIRLS !

“Je me sens aussi responsable des hommes qui ont cette féminité en eux”

Les artistes que tu exposes et les personnes qui consultent ta plateforme sont aussi bien basées à Berlin qu’à Madrid, Paris ou Londres. As-tu l’impression de faire partie d’un mouvement à l’échelle européenne ?

Oui, et je suis fière quand je rencontre une personne qui vient de Grèce ou d’ailleurs, qui me dit qu’elle connaît mon projet et qu’elle le suit depuis le début. Je pense que ma contribution à l’amélioration de la place de la femme dans notre société par le monde de l’art est importante. Mais je me sens aussi responsable vis-à-vis des hommes qui ont cette part de féminité en eux, et qui l’acceptent. Je ne veux rejeter personne. Je n’adhère pas à l’agression, quelle qu’elle soit. Mon but est de délivrer un message de paix et d’harmonie.

Finalement, quel est le message que tu souhaites faire passer à travers Curated by GIRLS ?

L’idée derrière mon travail est de montrer l’importance de la diversité dans notre monde. J’aimerais montrer que toutes ces barrières que nous nous imposons sont des mirages et que, si l’on veut, on peut être ouverts à l’autre, on peut le comprendre et on peut l’aimer.

En règle générale, j’espère inspirer le spectateur à s’apprécier, s’accepter, et surtout à s’aimer. Nous ne devrions pas avoir honte d’être ce que nous sommes, et la société, et ce qu’elle propose, est en grande partie responsable de nos complexes.

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