Qui était Adolfo Kaminsky, photographe aux mille vies qui se sont éteintes hier ?

Qui était Adolfo Kaminsky, photographe aux mille vies qui se sont éteintes hier ?

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© Leonardo Cendamo/Getty Images

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Par Konbini avec AFP

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Roi des faussaires et résistant, le photographe Adolfo Kaminsky a mené mille vies.

Le photographe Adolfo Kaminsky, homme aux mille vies qui fut le “roi des faux papiers” au service de la Résistance puis des mouvements anticoloniaux, est décédé lundi 9 janvier, à l’âge de 97 ans, a annoncé sa fille à l’AFP. Kaminsky était un “humaniste, photographe et résistant français, spécialisé dans la fabrication de faux papiers”, a résumé Sarah Kaminsky, qui avait raconté la vie de son père dans le livre Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire.

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Juif d’origine argentine, Adolfo Kaminsky était un “photographe talentueux [qui] devint un faussaire de génie, fournissant en faux papiers la Résistance et les Juifs traqués, avant de s’engager après-guerre pour d’autres causes”, a salué la Fondation pour la mémoire de la Shoah.

De la Résistance aux mouvements, Adolfo Kaminsky fut, dans la clandestinité, le pourvoyeur de faux papiers de toutes les luttes du XXe siècle. Fils d’immigré·e·s russes juif·ve·s, né à Buenos Aires avant de venir en France, il se rêvait artiste-peintre. Mais à 17 ans, il s’engage dans la Résistance à Paris, après être sorti du camp d’internement de Drancy.

Kaminsky offre ses connaissances en chimie et en photogravure, utiles pour la décoloration des encres qui vont servir à fabriquer de faux papiers, dans un laboratoire clandestin, sauvant des milliers de vies. Le début d’une riche carrière de trois décennies, au péril de sa vie et au mépris de sa santé, sous couvert d’une activité de photographe tout ce qui il y a de plus banal dans ses ateliers du Quartier latin ou du quartier du Sentier.

“J’ai eu la chance de sauver des vies humaines. J’ai travaillé jour et nuit, au microscope. J’en ai perdu un œil mais je ne regrette rien”, soulignait en 2012 auprès de l’AFP celui qui était alors connu sous le pseudonyme de M. Joseph. Il travaille pour les services secrets français jusqu’à la capitulation de l’Allemagne nazie, aide les rescapé·e·s juif·ve·s des camps de la mort à émigrer en Palestine.

Il se fera ensuite faussaire politique en devenant l’expert en faux papiers de toutes les luttes anticoloniales et antifascistes : pour le réseau FLN pendant la guerre d’Algérie, pour les antifranquistes en Espagne, pour les anti-Salazar au Portugal, pour la lutte contre les colonels en Grèce, pour le Printemps de Prague, pour les luttes contre les dictatures en Amérique latine, pour l’ANC, la Guinée, Angola, les déserteurs états-uniens de la guerre du Vietnam et même pour Daniel Cohn-Bendit en mai 1968…

En 1971, il avait mis fin à ses activités de faussaires. Son œuvre de photographe, à l’humanisme rappelant Doisneau, avait été exposée, notamment au musée d’Art et d’Histoire du judaïsme en 2019.