Pourquoi les œuvres de Marina Abramović reflètent si bien la Balance

Pourquoi les œuvres de Marina Abramović reflètent si bien la Balance

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Par Lise Lanot

Publié le

Quand les flèches tendues en plein cœur et les face-à-face fédérateurs de Marina Abramović sentent bon la Balance.

Chaque mois, notre rubrique “Artstrology” vous fait (re)découvrir des œuvres et artistes à la lumière d’un signe astrologique. Ce mois-ci, c’est au tour de la Balance de passer sous notre loupe.

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Un signe d’air

Le signe de la Balance, comme le Verseau et les Gémeaux, est un signe d’air, élément rattaché à l’intellect, à la communication et au monde des idées de manière générale. Souvent en avance sur leur temps et se considérant comme éloignés de considérations trop terrestres, les signes d’air nous éblouissent de leur curiosité et de leur trop-plein d’idées.

La longue et prolifique carrière de Marina Abramović enclave absolument toutes ces qualités – c’en est presque trop beau pour être vrai. Histoire de cerner le personnage et vous prouver que la carrière de Marina Abramović vole au-dessus des cimes de nos petites têtes et côtoie les nuages, débutons par un florilège de ses performances les plus marquantes.

Rappelons une de ses premières créations réalisées avec celui qui deviendra son partenaire (et compagnon), Ulay, Breathing in/Breathing out. Les deux artistes collent leurs bouches l’une contre l’autre jusqu’à ne plus échanger que du dioxyde de carbone et se retrouver, littéralement, à bout de souffle l’un de l’autre, au bord du malaise. Si vous ne voyez pas là la victoire de l’art et de l’esprit sur le physique, je ne vois pas ce que je peux faire pour vous.

Toujours plus extrêmes, Marina Abramović et Ulay imaginent en 1977 Relation in Space, une performance où leurs corps se percutent pendant une heure. En 1980, c’est au tour de Rest Energy de voir le jour. Ulay y tend un arc et une flèche en direction du cœur de Marina, un “exercice de confiance”. Ses performances fortes et composées de multiples couches d’interprétation rejoignent bien cette propension des signes d’air à s’élever vers un idéal céleste, éloigné des considérations plan-plan du quotidien.

À noter que le couple s’est séparé comme il a existé : en performance. En 1988, chacun·e commence à marcher depuis un bout opposé de la Grande Muraille de Chine. Ils se rejoignent au milieu de la muraille, marquant ainsi la fin de leur couple et de leur duo d’artistes. Même dans le déchirement de l’intimité, l’art conceptuel demeure plus fort.

Un signe cardinal

Aux côtés du Bélier, du Cancer et du Capricorne, la Balance fait partie des signes cardinaux – des signes qui ouvrent une saison, sont en mouvement, insufflent nouveauté et créativité et s’épanouissent quand ils y parviennent. Ce sont des leaders nés qui voient les choses en grand et indiquent le chemin à emprunter.

Selon le site Astrothème, les signes cardinaux auraient également “la particularité d’être égoïstes, [de penser] trop à eux-mêmes, et [de vouloir] toujours être en tête de liste”. Je préfère utiliser des guillemets pour ne pas me mettre à dos les Balance qui gravitent autour de moi, mais il est vrai que Marina Abramović est au centre, physiquement et mentalement, de toutes ses performances et est devenue une grande référence de l’art corporel.

Surnommée la “grand-mère de l’art performance”, Marina Abramović a ouvert la voie à toute une génération d’artistes s’épanouissant dans l’art conceptuel. Ses créations sont régulièrement remises au goût du jour. En 2019, la Royal Academy of Arts de Londres recrutait par exemple des jeunes gens afin de recréer sa célèbre performance Imponderabilia.

Présentée pour la première fois en 1977 à la galerie d’art moderne de Bologne, en Italie, la performance avait dérouté le public. Pendant 90 minutes, Marina Abramović et Ulay se sont tenu·e·s nu·e·s, l’un en face de l’autre, à l’entrée du musée. Pour entrer dans la galerie, le public devait passer dans l’espace restreint laissé entre leurs deux corps dénudés et immobiles. La performance devait durer trois heures mais, à mi-parcours, la police est venue mettre fin aux réjouissances.

Engagée et avant-gardiste, Marina Abramović n’a laissé aucune de ses prédispositions sociales lui barrer la route. Artiste femme dans un monde d’hommes, née en 1946 à Belgrade avec une enfance “marquée de sévices quotidiens” (“Pire est votre enfance, meilleur artiste vous deviendrez”, déclarait-elle aux Inrocks peu après la sortie de son livre), elle affirme ses convictions – notamment concernant le droit à l’avortement – et sa radicalité dans des performances mémorables. Suivant son chemin sans concession, elle a ouvert la voie à nombre d’artistes toujours plus radicaux·ales.

Un signe représenté par… les reins et les fesses

Si le signe de la Balance est représenté par des paires (deux reins, deux fesses – si tout se passe bien), c’est parce qu’on considère qu’elle est indécise et qu’elle balance constamment entre les possibilités qui s’offrent à elle. Bon, on vient de vous dire que Marina Abramović était particulièrement radicale, donc on se rend bien compte que nos propos ont l’air un peu contradictoires mais laissez-moi m’expliquer avant de rageusement fermer cet onglet.

Déjà, sachez que je dois faire entrer Marina Abramović dans les codes de la Balance, donc on va bien trouver quelque chose, n’est-ce pas. Ça, c’est le premier point. Le deuxième point, c’est que l’artiste semble refuser de choisir entre les disciplines et les possibilités. Mieux : elle choisit tout.

Image de “The Life”. (© Marina Abramović et Tin Drum)

La “grand-mère de l’art conceptuel” est au four et au moulin, comme qui dirait. Fière d’une carrière de cinquante ans dans l’art conceptuel, Marina Abramović multiplie les supports, les œuvres et les univers. En octobre 2020, elle vendait une œuvre de réalité mixte, c’est-à-dire une création qui intégrait au monde réel des éléments virtuels, des sortes d’hologrammes visibles grâce à des verres transparents (et non à travers un écran, comme c’est le cas pour la réalité augmentée).

Passionnée par la réalité virtuelle et la possibilité de se créer des avatars, l’artiste se plaît à imaginer “plusieurs Marina [qui pourraient] courir de-ci de-là dans le monde”. La démultiplication pour vivre toutes les options du monde ? Excusez-moi, mais c’est sacrément Balance ça.

Avec The Life (“La Vie” en français), Marina Abramović indiquait mettre son immortalité en vente. Ainsi, elle interrogeait l’essence même de l’existence au XXIe siècle : que signifie exister, ou même être présent·e quelque part, lorsqu’on peut continuer à montrer son image aux autres des années après sa mort ?

“Le fait que ce projet puisse être répété n’importe où dans le monde alors que je n’y suis pas est à couper le souffle. Je peux me trouver n’importe où sur la planète”, s’émerveillait l’artiste. Balance on vous dit : être partout à la fois sans décevoir personne.

Un signe tourné vers les autres

Star de son art, Marina Abramović n’en oublie pas son public, qu’elle met à contribution et éduque. La performeuse a par exemple créé un jeu de cartes conceptuel pour partager sa “Méthode”. Le jeu de trente cartes a été imaginé pour stimuler son imagination et nourrir sa force mentale. Il revient sur ses performances phares et la façon dont elle s’y est préparée et propose des exercices “développés” par l’artiste elle-même “pour se préparer à ses performances”.

De même, en décembre 2020, elle proposait un cours de cinq heures sur la performance. L’année suivante, elle proposait de partager sa passion pour le travail de Vincent van Gogh dans un salon virtuel psychédélique. Les performances de Marina Abramović ont majoritairement lieu en public afin, parfois, que ce dernier participe. Souvent, l’œuvre n’existe pas sans public – c’est sans doute le cas pour toute œuvre d’art, mais c’est un autre sujet. Comme noté plus haut, le public était partie prenante d’Imponderabilia, mais on le retrouve aussi dans une des créations phares de l’artiste : The Artist is Present.

En 2010, elle imagine un face-à-face avec son public. Au Moma, elle installe deux chaises, se place sur la première et laisse les volontaires s’installer sur la seconde. Assise, elle fixe du regard quiconque prend place. Certaines personnes “rient, d’autres pleurent, encore d’autres sont perturbateurs. Le silence est complet et l’art remplit la salle de son magnétisme”, nous rapportions-vous en 2020.

L’acme de l’œuvre survient lorsque Ulay, son ex-mari, décédé en mars 2020, s’assied face à elle. Difficile de retenir ses larmes face à cette scène poignante et silencieuse, qui plonge la salle dans un mutisme respectueux et ébahi. La performance n’est plus signée seulement de Marina Abramović, elle est également l’œuvre d’Ulay et des nombreuses personnes présentes ce jour.

Animée d’une force collective, l’œuvre résonne particulièrement bien avec le signe de la Balance, connu pour s’épanouir “le plus au contact des autres”, tel que le note Sophie Laroche, experte astro de Konbini. “C’est aussi celui qui se fait le miroir d’autrui en s’alignant à ses désirs. Une dimension qui fait écho à l’œuvre d’Abramović qui explique qu’il n’y a nulle part où aller durant la performance, si ce n’est à l’intérieur de soi. C’est en faisant ce voyage interne qu’on épouse ses émotions.”

Alors cet automne, on oublie les grands manteaux et les boissons à la citrouille, on suit l’exemple de Marina Abramović et des Balance et on communie avec les autres pour apprendre à se connaître soi.