Frank Horvat avouait “ne pas être un coloriste impliqué”. Aujourd’hui, alors qu’on apprend sa disparition à l’âge de 92 ans, on ne peut s’empêcher de penser le contraire, tant il a insufflé couleurs et vie à ses images. Bien loin de ses portraits studio en noir et blanc de photographe de mode, ses images de New York donnent par exemple à voir des couleurs qui sautent au visage du public – surtout lorsque les tirages impression “Fine Art” sont vus en vrai (comme c’était le cas en début d’année à la galerie in camera, à Paris).
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Les couleurs, qui explosent à travers l’objectif du photographe, permettent de rendre compte de l’exubérance de la Grosse Pomme, de cette impossibilité “de tout regarder”, telle que la décrit Frank Horvat : une “véritable profusion inespérée, comme la peinture de Pollock”.
1983, Midtown, New York. (© Frank Horvat)
Pendant quatre ans, à partir de 1982, il n’en finit pas de revenir marteler le bitume de la ville, lors d’une douzaine de voyages outre-Atlantique, nécessaires selon lui, parce qu’“à chaque fois, [il avait] besoin de voir [son] sujet d’un œil nouveau”. Devant un taxi dans lequel s’apprête à monter une femme naine ; sur un trottoir, face à une silhouette sans visage tenant à bout de bras un sac imprimé d’une grosse pomme ; face à un wagon de métro bondé ou une ligne de buildings, Frank Horvat balade son appareil de haut en bas de la ville :
“Les hauts et les bas de New York ne sont pas que les alternances entre ‘uptown’ et ‘downtown’, entre la claustrophobie du métro et la vue depuis les derniers étages des gratte-ciels, entre les températures de janvier et celles de juillet. Ce sont aussi les retournements, d’un jour au lendemain et parfois d’une minute à la prochaine, entre la déception et l’exaltation, le triomphe et l’échec, la plénitude et la solitude”, racontait-il dans son livre Please don’t Smile.
Uptown, New York, 1984. (© Frank Horvat)
Dans les années 1980, l’artiste souhaite se “libérer du rôle de photographe de mode”. Il explique son choix de shooter New York exclusivement en hiver et en été (“les mauvaises saisons, quand il faisait trop froid, ou trop chaud”), par son désir de renouveau et d’inédit, son souci d’éviter “les redites et le style fleur bleue”.
Une époque propice à l’émancipation
C’est dans cette veine qu’il conçoit trois projets bien distincts les uns des autres : Portraits d’arbres, New York Up & Down et Very Similar. “Bien que ces trois projets aient été réalisés dans les mêmes années, peu de gens les reconnaîtraient comme du même auteur [… et] peu de ces personnes aiment les trois”, racontait le photographe. Chacune des images qui constituent New York Up & Down porte ainsi une fraîcheur truculente.
Les couleurs et la vie qui grouillent dans ses clichés leur confèrent une dimension intemporelle, à la croisée du documentaire et du saugrenu, rappelant le travail en couleur de la désormais célèbre Vivian Maier, dans les années 1950.