Le photographe Sujatro Ghosh tire le portrait de femmes indiennes masquées d’une tête de vache, afin de critiquer la condition de la femme en Inde.
À voir aussi sur Konbini
“Une personne dont je tairai le nom pour des raisons de sécurité affirme : ‘Le masque apporte un sentiment d’apaisement dans un monde rempli de regards pervers et de commentaires obscènes. Il me fait me sentir plus puissante et en sécurité. Puissante parce que je peux élever ma voix contre ces bandits politiques, et en sécurité parce qu’il cache mon identité.'”
En Inde, les vaches sont considérées comme des divinités. Dans la religion hindoue, elles personnifient les dieux et représentent l’origine de l’univers. De fait, elles déambulent de façon régalienne dans les rues et il est culturellement interdit de leur faire du mal et, bien sûr, insensé de les tuer pour manger leur viande.
En photographiant des femmes indiennes portant un masque de vache, l’artiste Sujatro Ghosh ne cherche pas à critiquer ce respect pour les vaches. Il souhaite plutôt dénoncer les priorités de sa société, qui fait tout pour ne pas heurter ces bovins, sans mettre en place de mesures efficaces contre le harcèlement et les violences subies par les femmes au quotidien. Sur son compte Instagram, il écrit : “Dans mon pays, les vaches sont plus importantes que la sécurité de la vie d’une femme.”
L’épidémie du viol en Inde
Si la culture indienne est célébrée, entre autres, pour la richesse de son septième art, de sa cuisine et, bien sûr, de sa façon de voir le monde à travers la méditation et le travail sur le corps, la société indienne est aussi tristement connue pour la place qu’y occupent les femmes et leur statut. Selon L’Express, une femme est violée toutes les 20 minutes en Inde. Une journaliste de Courrier international décrivait en fin d’année dernière les difficultés rencontrées par les femmes qui ne peuvent pas “flâner dans les rues” sans se faire interpeller, harceler, voire violenter dès qu’elles mettent un pied dehors. Le même journal déplorait le silence du gouvernement face à ces agressions, s’exprimant seulement pour culpabiliser les victimes.
C’est pourquoi, dans un geste de révolte, le photographe a décidé d’immortaliser des femmes de classes sociales différentes dans plusieurs régions de l’Inde. Les masques permettent de dénoncer non seulement les priorités du gouvernement, mais aussi de donner une voix aux femmes (qu’il cite parfois sous ses images). Les citations illustrent le fait qu’elles ne sentent en sécurité que lorsqu’elles se soustraient au regard des hommes.
Sujatro Ghosh souhaite poursuivre son projet à travers le pays, en faisant de son art un porte-voix pour mettre fin aux violences quotidiennes et aux inégalités inhérentes à sa société.
Nicole dit : “Au moins quand je marche dans la rue avec un masque de vache, les probabilités que je me fasse harceler sont assez maigres. Personne ne voudra embêter quelqu’un qui ressemble à une divinité ou qui en représente une.”
Vous pouvez retrouver Sujatro Ghosh sur son compte Instagram.