Et si le peintre Walter Sickert était en fait… Jack l’Éventreur ?

Et si le peintre Walter Sickert était en fait… Jack l’Éventreur ?

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© Hazlitt Holland-Hibbert

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Par Lise Lanot

Publié le

Une folle théorie lie l’assassin aux œuvres moroses, cyniques et sombres du peintre anglais Walter Sickert.

Une de ses œuvres présente La Chambre de Jack l’Éventreur, une représentation de son propre appartement – où aurait vécu le tueur en série. Un hasard célébré par l’artiste qui a attisé certaines curiosités : et si Walter Sickert était l’homme non identifié qui a tué (au moins) cinq prostituées dans de sombres rues londoniennes en 1888 ?

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De son vivant, le peintre n’a pas été embêté par ces théories – bien que certain·e·s imaginaient qu’il jouait sciemment à se faire passer pour le meurtrier. Ce n’est que quatre-vingts ans après la mort du peintre, dans les années 1970, que l’affirmation selon laquelle il aurait été Jack l’Éventreur est devenue populaire. Parmi les “preuves” invoquées, on retrouve les thématiques chères à Walter Sickert, ses œuvres et sa représentation, plutôt lugubre, de l’espèce humaine.

Walter Richard Sickert, Autoportrait, vers 1896. (© Leeds Museums and Galleries, U.K./Bridgeman Images)

Le Petit Palais, qui présente actuellement une exposition de ses œuvres, parle d’un peintre “très provocateur”, de “choix de couleurs aussi virtuoses qu’étranges”, et de “sujets énigmatiques et souvent déstabilisants”. Une des séries les plus célèbres du peintre consiste en des détournements de “scènes de genre classique et traditionnel de la peinture anglaise en des tableaux ambigus, menaçants, voire sordides”. Un programme qui semble tout à fait coller avec l’image qu’on se fait d’un fou du couteau.

Du sombre, du morose et du mystère

Walter Sickert se plaisait à reproduire ce qui se passait dans l’obscurité, qu’il s’agisse de soirées au music-hall ou de scènes de vie intimes, de portraits sombres et troublants. Le cynisme – voire la misanthropie et le peu de crédit qu’il semblait accorder à ses congénères – qui émane de ses toiles a paru suspect aux yeux de certain·e·s passionné·e·s d’histoires sanglantes. Son intérêt pour les corps dénudés de femmes des classes populaires aussi.

Sa décision, au début des années 1900, de peindre des nus féminins, “dans des chambres du Londres pauvre”, précise le Guardian, n’inspire pas confiance à celles et ceux qui doutent de son innocence. Plusieurs auteur·rice·s passionné·e·s d’histoires criminelles, à l’image de Patricia Cornwell ou Stephen Knight, ont publié des livres soutenant que Walter Sickert était l’auteur des crimes de 1888.

La théorie a depuis été décriée par plusieurs publications via des analyses ADN et des études. Il est notamment rapporté que le peintre aurait passé le plus clair de son année 1888 hors du Royaume-Uni, tel que le précise un article du Guardian qui débute par l’assertion suivante : “Walter Sickert n’était pas Jack l’Éventreur, mettons cela au clair dès le départ.”

Plus de 130 ans après cette odieuse série de meurtres, la véritable identité de Jack l’Éventreur demeure un mystère. À côté du nom de Walter Sickert, ceux du prince Albert Victor et de l’écrivain Lewis Carroll ont également été soulevés, sans preuve suffisante.

Il est peu probable qu’on découvre un jour le fin mot de l’histoire mais, en attendant, on ne peut que s’émerveiller devant la sinistrose postimpressionniste du travail de Walter Sickert. On y trouvera l’influence des impressionnistes français que le peintre a côtoyés, l’ennui domestique de la classe moyenne (à la Hopper) qu’il s’est plu à décrire, ainsi que la lassitude que chacun·e d’entre nous peut parfois éprouver face au reste du monde.

L’exposition “Peindre et transgresser” consacrée à Walter Sickert est à visiter au Petit Palais jusqu’au janvier 2023.