Blesea et Baby.K sont des enfants des années 1990, biberonnés au Club Dorothée, à Dragon Ball Z et Goldorak. Nés à Cherbourg, où ils vivent toujours, ils insufflent cette culture populaire le long des plages nord-manchotes, sur des blockhaus de la Seconde Guerre mondiale.
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Les bunkers des environs, laissés à l’abandon et faisant usage de “pissotières géantes depuis quarante ans”, sont transformés par leurs soins en personnages issus, le plus souvent, de leurs séries et films préférés. En se baladant sur la côte cherbourgeoise, on peut ainsi admirer ces œuvres mêlant des patrimoines historiques et culturels, hommages à la croisée des genres et des époques.
À Réville. (© Baby.K et Blesea)
Le premier date de 2015. Baby.K avait transformé un blockhaus en vaisseau de Star Wars. Les projets se sont ensuite enchaînés au fil des années et des inspirations, seuls ou à quatre mains, de Dark Vador à Shenron (de Dragon Ball Z), en passant par un sphinx esseulé sur une plage ou l’église du film Le Jour le plus long (sur le clocher de laquelle un parachutiste reste accroché), comme un clin d’œil au Débarquement.
L’idée des bunkers est venue tout naturellement, après des années à graffer pans de murs et usines désaffectées, rappelle Baby.K : “Ce sont des supports qu’on peint depuis très longtemps. Ils ont toujours été graffés, depuis une bonne trentaine d’années, et sont parfaits pour créer des aspects grâce à leurs volumes. Leurs formes biscornues peuvent suggérer des personnages.”
À Fermanville. (© Baby.K et Blesea)
Blesea confirme que c’est souvent le volume et la forme du blockhaus qui inspirent un personnage – bien qu’il n’y ait pas de recette et qu’il leur arrive de partir à la recherche d’un blockhaus de forme particulière pour coller à un projet précis (le sphinx, par exemple).
Le street artiste se plaît à appréhender sa création artistique en volumes, “à contextualiser des personnages, à les mettre en scène de façon dynamique et interactive en travaillant la perspective et en jouant avec les sols, les murs et le mobilier”.
À Fermanville. (© Baby.K et Blesea)
S’il n’y a pas d’impulsion historique à la base de leur projet, les deux artistes se réjouissent que leurs œuvres éveillent des discussions et permettent aux enfants (qui viennent parfois avec leur école) de découvrir cette partie de l’histoire. De même, leurs réalisations permettent aux bunkers de survivre au-delà de l’abandon, à une grosse centaine de kilomètres des bunkers protégés des plages du Calvados.
“Par chez nous, c’est devenu presque pédagogique. On ne pensait pas que ça allait prendre autant d’ampleur, on a commencé en en faisant un, deux, trois, en se planquant, puis on a fini par avoir des e-mails de maires qui nous remerciaient”, confie Baby.K.
Malgré le succès de leurs œuvres, Baby.K et Blesea ne fonctionnent jamais à la commande, plutôt à la surprise : “En se baladant, les gens découvrent qu’on a peint le matin même un blockhaus.” Les plages deviennent ainsi des terrains de jeu et de chasse aux trésors, où les graffitis apparaissent et disparaissent rapidement (au bout de quelques années) à cause du “béton gorgé de sel”. “Pas grave, conclut Baby K, pour nous, c’est le kif du moment qui importe. Ensuite, l’œuvre appartient à tout le monde et à personne en même temps.”
À Biville. (© Blesea)
Fermanville. (© Baby.K)
À Urville-Nacqueville. (© Baby.K)
À Urville-Nacqueville. (© Baby.K et Blesea)
À Réville. (© Baby.K et Blesea)
À Biville. (© Blesea)
À Fermanville. (© Blesea)
© Baby.K