Gregg Segal s’était fait remarquer en 2016 avec sa série Daily Bread, qui s’attachait à représenter de façon visuelle et graphique la santé et l’alimentation des enfants. Le photographe avait mis en scène une kyrielle d’enfants originaires du monde entier, entourés de leurs mets préférés.
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Le projet avait pour but de sensibiliser le public à l’alimentation, souvent jugée trop grasse et trop sucrée, des plus jeunes, ainsi qu’au gaspillage alimentaire. Quatre ans plus tard, l’artiste a repensé sa série, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (l’UNHCR). Undaily Bread se penche sur les conditions dramatiques des enfants vénézuélien·ne·s obligé·e·s de migrer hors de leur pays.
© Gregg Segal
“Nathalia Rodríguez, 9 ans, a été photographiée le 27 septembre 2019 à Bogotá, en Colombie. Nathalia a marché de Barquisimeto, au Venezuela, à Bogotá avec sa mère. Elles ont emporté quelques produits de base (des vêtements, des couvertures, un livre d’histoires bibliques). Durant les sept jours de leur voyage, Nathalia n’a mangé que du pain, des cookies, des arepas, des chips, de l’eau, du jus, deux sucettes et le seul fruit qu’elles pouvaient s’offrir : des bananes. Cela fait trois ans que Nathalia n’a pas mangé une pomme, parce qu’une seule pomme coûte plus de 5 000 Bolivas.
Nathalia est une petite fille résistante, mais si ses besoins essentiels (tels que la nourriture et la santé) ne sont pas remplis, son avenir est en danger. Ce portrait a été pris en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, afin de rendre compte de la situation désespérée dans laquelle se trouvent les réfugié·e·s, de récolter des fonds pour aider les mères et leurs enfants et leur permettre d’avoir accès à des bilans de santé ainsi qu’aux premiers soins.”
Cette fois, l’objectif n’est pas de pointer du doigt l’abondance, mais bien de souligner le dénuement auquel font face ces enfants et leurs parents, en quittant – souvent à pied – leur pays. Selon l’UNHCR, environ 4,5 millions de Vénézuélien·ne·s ont été obligé·e·s d’échapper à “la violence, l’insécurité, les menaces ainsi qu’au manque de nourriture, de médicaments et de services de base”. Après des jours, voire des semaines de voyage, les réfugié·e·s arrivent affamé·e·s et épuisé·e·s dans les pays voisins, où la situation politique et sociale n’est pas forcément optimale.
Conscient que les statistiques “n’intéressent pas vraiment les gens”, Gregg Segal a mis en image des familles vénézuélien·ne·s entouré·e·s des quelques vivres et objets avec lesquels elles ont voyagé : “[Les photographies] sont remplies d’émotions parce qu’elles montrent à quel point les gens ont peu”, souligne-t-il. Les clichés sont accompagnés d’une légende racontant l’histoire des enfants, afin de mettre des images, mais aussi des mots sur des nombres. En montrant quelque chose d’aussi universel que des produits alimentaires, le projet de Segal ne manque pas d’insister sur le fait que le sujet nous concerne tous et toutes.
© Gregg Segal
“Dans son sac à dos, Arianny Torres avait emporté quelques vêtements de rechange, des jouets, des médicaments, des couches, un biberon, des photos de ses proches et sa Bible. Avec son fils, Lucas, et sa fille, Alesia, elle a parcouru 976 kilomètres, de Maracaibo à Bogotá. Parfois, ils ont fait de l’auto-stop. D’autres fois, ils ont pris le bus, piochant dans la maigre somme qu’Arianny gardait pour manger.
Maintenant, elle vend des bonbons sur la place Bolivar [à Bogotá, ndlr] et, bien que les choses puissent être meilleures, la vie est au moins plus stable qu’au Venezuela et ses enfants mangent trois fois par jour. Dans le regard fixe d’Arianny, je vois sa détermination à trouver une vie plus prometteuse.”
© Gregg Segal
“Michell est une mère célibataire qui a fait le voyage avec ses enfants deux fois. À son deuxième essai, Michell a fait une crise d’épilepsie et a perdu conscience. Seize jours plus tard, elle est arrivée. Dans ce portrait, Michell contient la double énergie de ses enfants, elle essaie de calmer sa fille tandis que son fils fait semblant de conduire un bus. Après la séance photo, son petit garçon a pris sous son bras deux morceaux de pain, les réservant pour plus tard.”
© Gregg Segal
“Quand j’ai rencontré le petit Williams, âgé de 7 ans, il m’a montré son sac à dos dans lequel il transportait des objets venant de chez lui, dont son dernier devoir. Le poulet de sa grand-mère et ses arepas lui manquent. Sur la longue route entreprise depuis le Venezuela, il n’y avait que du pain, de l’eau, des cookies et des fruits.”
© Gregg Segal
“La fille de Yosiahanny sent les coups de pied de son frère ou de sa sœur dans le ventre de sa mère. Elles ont fait le voyage depuis le Venezuela en ne mangeant que des arepas et de l’eau. Bien que la vie à Bogotá soit difficile, Yosiahanny est reconnaissante de manger plus d’une fois par jour. Ce qui rend la crise tolérable, c’est l’amour, affirme-t-elle.”
Vous pouvez suivre Gregg Segal sur son site et sur son compte Instagram.