Vidéo : deux Syriennes filment Raqqa en caméra cachée au péril de leur vie

Vidéo : deux Syriennes filment Raqqa en caméra cachée au péril de leur vie

Deux femmes ont caché une caméra sous leur niqab pour donner un aperçu de leur vie à Raqqa, la “capitale” de Daech. Leur initiative courageuse permet de découvrir une ville désertée, mortifère.

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Seriez-vous prêt à risquer votre vie pour donner un aperçu de votre quotidien au monde entier ? Probablement pas. C’est pourtant ce qu’ont fait  deux femmes qui résident dans la “capitale” de Daech, Raqqa. Ces deux Syriennes anonymes ont eu le courage de filmer en caméra cachée la vie au quotidien dans une ville opprimée par l’organisation terroriste.

Si tous les habitants – ou du moins, ce qu’il en reste – de cette cité sont opprimés par Daech, la situation est encore pire pour les femmes. Elles n’ont pas le droit de montrer leur visage en public, de monter dans un taxi quand elles sont seules, et surtout pas de filmer un documentaire pour “l’ennemi”.

Cette vidéo, commandée par la chaîne suédoise affiliée à CNN, Expressen TV, met en scène ces femmes voilées, lors d’une journée tout à fait banale : elles font les magasins, prennent un taxi, se promènent. La ville est vide, désertée, et même les tâches les plus simples sont compliquées pour les femmes à Raqqa. L’une d’elle montre qu’elle ne peut même pas acheter une teinture pour cheveux, comme nous pouvons le faire chez nous : sur les boîtes, des gribouillis cachent les visages et le nom de la couleur.

La ville, considérée comme une “prison géante”, est au cœur de la guerre civile syrienne depuis que le conflit a éclaté il y a cinq ans. Daech s’est emparé de Raqqa en 2013 et a imposé la loi de la charia. Dans cette vidéo, les femmes expliquent :

“Tout le monde est parti. Les soldats étrangers de l’EI ont installé des checkpoints, ont pris les cartes d’identité des Syriens et les utilisent pour aller en Turquie.”

À part quelques hommes armés, les rues sont vides

Dans cette vidéo, la ville semble surnaturelle, inquiétante. À part quelques hommes armés, les rues sont vides, sans âme qui vive. Une femme raconte avoir assisté à une exécution publique : elle explique que les condamnés à mort ont été abattus et décapités, puis leurs têtes ont été plantées sur des piques. Elle ajoute également que parfois les corps des victimes sont laissés sur la chaussée, pour que les voitures roulent dessus.

L’acte de bravoure de ces deux femmes est incroyable et témoigne de leur désespoir.

Selon les Nations unies, la guerre a coûté la vie à 250 000 personnes dans tout le pays et a forcé 9 millions de Syriens à migrer. Les zones contrôlées par les rebelles sont majoritairement occupées par le Front al-Nosra, le groupe Jaysh al-Islam, et l’EI, mais d’autres groupes se battent pour ces territoires comme les Frères musulmans, le Hezbollah libanais et al-Qaida.

On ne sait pas ce que ces deux femmes sont devenues, mais, comme vous pouvez le constater dans la vidéo, leur ville a perdu son âme et certains de ses trésors, comme la mosquée Uwais al-Qarni, détruite par l’EI à son arrivée à cause de son architecture chiite.

Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois