Les Tunisiennes militent pour pouvoir épouser des non-musulmans

Les Tunisiennes militent pour pouvoir épouser des non-musulmans

Une circulaire vieille de 40 ans empêche des milliers de femmes d’épouser librement l’homme de leur vie.

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C’était en 1973 : le ministre de la Justice d’Habib Bourguiba publiait une circulaire interdisant aux Tunisiennes musulmanes de se marier avec une personne d’une autre confession. À rebours des formidables avancées féministes menées sous le gouvernement de l’artisan de l’indépendance tunisienne, cette mesure reste l’un des derniers freins légaux à l’égalité de fait entre les Tunisiennes et les Tunisiens.

C’est ce qui a poussé une soixantaine d’associations à se fédérer pour lancer un appel au gouvernement, l’exhortant à revenir sur cette circulaire rétrograde. Si l’égalité hommes-femmes est inscrite dans la Constitution de 2014, elle n’est pas appliquée dans de nombreux domaines. Le mariage en est un. Alors que les hommes peuvent choisir librement leur compagne, musulmane ou pas, les femmes, elles, doivent impérativement présenter le certificat de conversion de leur futur époux. Sans quoi le mariage est purement et simplement interdit.

Cette conversion n’est la plupart du temps, comme le souligne Le Courrier de l’Atlas, qu’une formalité, et il suffit au futur mari de prononcer en arabe la profession de foi musulmane (“Il n’y a de Dieu que Dieu et Mahomet est son messager”) devant un imam habilité. Pas de circoncision, pas de cérémonie officielle, pas de paperasse. Mais malgré sa simplicité, ce passage obligatoire est vu par beaucoup de couples comme une atteinte à leur liberté de penser, et ils sont nombreux à s’y refuser par conviction.

Une circulaire “de valeur juridique quasiment nulle”

La circulaire de 1973 détone dans le bilan extraordinairement progressiste de Habib Bourguiba en faveur de la cause féminine. Reconnaissance du droit de vote des femmes, interdiction de la polygamie, mise en place du planning familial, avortement libre et gratuité de la pilule : la liste des avancées dans le domaine des droits des femmes est longue comme le bras. Malgré tout, ce frein légal aux mariages interconfessionnels est toujours en place.

“Il est aujourd’hui inadmissible qu’une simple circulaire, de valeur juridique quasiment nulle […], commande la vie de milliers”, a vitupéré Sana Ben Achour, présidente de l’association Beity. D’autant que la Constitution tunisienne affirme la liberté de conscience et l’égalité entre les citoyens. Les ONG engagées prévoient donc de rencontrer au plus vite les membres du gouvernement pour aller dans le sens d’une suppression pure et nette de la mesure, d’ici novembre 2017.