De la street au feed : à travers sa série “Graffitriches”, Meuh mêle graffiti et trompe-l’œil

De la street au feed : à travers sa série “Graffitriches”, Meuh mêle graffiti et trompe-l’œil

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Par Konbini

Publié le

À la découverte du travail de Meuh, graffeur qui apporte de la couleur à la rue comme à ton feed Instagram.

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Sur Instagram, le graffeur Meuh nous a fait rire en postant ses “graffitriches”, des autocollants qu’il positionne façon trompe-l’œil pour couvrir les murs de son pseudo. Nous sommes allées à la rencontre de l’artiste pour qu’il nous parle de sa démarche et de ses projets.

Cheese | Qui es-tu ? Peux-tu te présenter ?

Meuh | Salut, je m’appelle Meuh, je suis Français et j’ai une trentaine d’années, dont les 8 dernières que j’ai passées entre la France, l’Angleterre, la Colombie et surtout le Liban. Je pratique joyeusement le vandalisme de bas étage depuis mes 16 ans, mais j’ai réellement commencé le graffiti à vocation “esthétique” il y a quatre ans.

J’ai appris à peu près toutes les bases auprès de mes talentueux frères libanais, ce qui fait que même si mon style reste très simple, je parviens à rester assez propre sur papier comme sur mur. Je continue à tagger partout où je passe, au marqueur surtout, ça reste la base du graffiti (même si c’est aussi ce que le public apprécie le moins).

Cela dit, j’aime aussi demander la permission aux habitants des villes où je passe, pour pouvoir produire de grosses pièces en plein jour et en prenant mon temps. Ça permet aussi d’avoir un contact avec les passants, de faire peindre leurs gosses parfois, d’échanger avec ceux qui le souhaitent.

Ce n’est donc clairement pas la vision la plus “hardcore” du graffiti, mais c’est celle qui me convient le mieux, bien que j’aime aussi massacrer des stores métalliques à 3 heures du matin de temps en temps.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire tes “graffitriches” ?

J’ai trouvé l’idée du graffitriche par hasard. J’avais, comme toujours, mes graffitis sur papier, bien découpés dans mon sac. D’habitude je les découpe à la main pour ensuite les scanner, en faire des stickers que je colle partout, et que je vends et offre aussi.

J’étais assis avec des amis, j’ai eu envie de prendre une photo amusante, donc j’ai tenu le sticker devant le mur auquel je faisais face, en essayant de donner l’impression que c’était un vrai graff. Devant la réaction de mes potes et d’autres personnes face au résultat, je me suis dit que ça valait le coup de pousser le concept un peu plus loin.

En prenant chaque photo, j’essaie de montrer ce que donnerait tel ou tel mur s’il était couvert de couleurs, et ça me permet aussi de poser mon nom ou d’autres mots sur des surfaces qui me seraient normalement inaccessibles à cause de la police, du budget ou de l’espace.

C’est clairement le truc le plus éloigné de l’esprit original du graffiti, puisque étant sans danger et légal, ça ne procure aucune adrénaline et ne génère aucune réputation parmi les autres graffeurs. C’est pour ça que j’ai appelé ça “graffitriche”, par souci d’honnêteté.

C’est juste amusant, et le reste des photos que je poste montrent que je fais surtout de la peinture sur mur, illégalement le plus souvent. Mais c’est évidemment encourageant d’avoir trouvé un concept qui semble plaire, et qui au final est encore plus éphémère qu’un graffiti classique, ce qui reste dans le ton de la discipline en général.

Tu produis des autocollants depuis longtemps. En quoi cette activité est complémentaire de ta pratique du graffiti ?

Les stickers font partie des bases du graffiti depuis le début. C’est un support que j’adore. J’aime autant en faire que scruter les poteaux, panneaux et autres partout où je passe, pour découvrir les plus beaux ou les plus drôles.

En général, quand je travaille mes lettres dans mon blackbook, j’aboutis à un graffiti sur papier, et pour qu’il ne reste pas là à dormir, je le scanne pour pouvoir lui donner une vie. Au cours de mes voyages, surtout en Colombie et au Liban, je réalisais aussi des stickers aux noms des villes où j’allais, ou avec le nom de l’équipe de foot locale, et je les vendais ensuite à un prix très accessible. Ça m’a permis de rester là-bas plus longtemps que prévu !

Pour finir, dans le monde du graffiti, on s’échange souvent des stickers entre graffeurs, street artistes et autres, et puisque j’en ai toujours sur moi et que j’aime les donner ou les échanger, je commence à avoir une sacrée collection internationale.

On voit que le street-art et le graffiti deviennent de plus en plus présents sur les réseaux sociaux. Quel regard portes-tu là-dessus ? Est-ce que la pratique a presque autant lieu en ligne que dans la rue à présent ?

Évidemment les réseaux sociaux sont, pour le véritable graff comme pour pas mal d’autres choses, une bénédiction et une malédiction à la fois. C’est génial de pouvoir avoir accès aux œuvres de graffeurs du monde entier en ouvrant Instagram et de s’en servir pour rencontrer facilement des artistes locaux quand on voyage.

Mais c’est aussi désolant de voir certaines personnes vivre pour leur nombre de “likes”, et surtout devenir célèbres et adulées par les profanes, juste avec une poignée de photos d’œuvres réalisées légalement, alors que d’innombrables artistes qui risquent chaque jour leur liberté restent dans l’ombre.

Les “stories” et autres, c’est bien beau, mais le street-art et le graff sont à la base le fruit d’énormément de travail, de prises de risques, et leur but premier est d’être vu dans la rue, dans des endroits abandonnés ou difficiles d’accès…

Pour un graffeur, lorsque des clients potentiels semblent s’intéresser davantage au nombre de followers qu’aux pièces que l’on peut voir sur son profil, c’est parfois un peu décourageant. C’est la peinture (ou les stickers !) qui compte, pas la notoriété !

C’est quoi tes projets en ce moment ?

Je retourne bientôt dans ma ville d’adoption, Beyrouth, où je vais continuer à vivre de mes stickers, de mes toiles, de mes graffitis, en tant qu’assistant de mes potes plus talentueux ou tout seul. Je fais aussi du journalisme et du doublage de voix, et j’ai créé là-bas un “graffiti tour” qui marche bien et que je compte bien reprendre dès mon arrivée. L’avenir s’annonce plein de peintures, et ça me va !

Vous pouvez retrouver le travail de Meuh sur son compte Instagram ainsi que sur sa page Facebook.