Safari, votre navigateur Web préféré pour le complotisme et la désinformation

Safari, votre navigateur Web préféré pour le complotisme et la désinformation

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Par Thibault Prévost

Publié le

Quand l’alt-right militarise les moteurs de recherche

Même si Safari n’est pas le navigateur le plus utilisé du marché (les statistiques lui accordent entre 5 et 15 % de parts), la question de la pertinence des résultats n’est pas à prendre à la légère. Ce qui est étonnant ici, rappelle The Verge, c’est qu’Apple utilise Google pour l’autosuggestion des résultats de recherche, après avoir lâché Bing en 2017.
Pourtant, démontre BuzzFeed, les résultats proposés par Safari sur les questions complotistes sont bien différents de ceux du moteur de recherche de Mountain View. La distorsion vient donc bien d’Apple. En soi, le navigateur made in Apple, n’est pas pire qu’un autre, il est simplement le dernier touché par la manipulation des résultats de recherche, nouveau sport national des complotistes en tous genres.
Rappelons qu’en 2016, le tout-puissant Google était épinglé par The Observer pour s’être fait “militariser” par plusieurs groupes de l’alt-right, qui exploitaient le fonctionnement de l’autosuggestion pour faire remonter des sites complotistes et néonazis en haut de certains résultats de recherche. La technique s’appelle search engine manipulation effect (SEME) et, selon une étude d’août 2018, elle aurait le pouvoir, rien qu’en biaisant les résultats de Google, d’influencer les choix électoraux de 20 % de la population des votants indécis.
Plus inquiétant encore, la manipulation des résultats de recherche est parfois les résultats de politiques internes à ces moteurs de recherche : la semaine dernière, le Wall Street Journal révélait ainsi que des employés de Google avaient discuté l’idée de favoriser les sites pro-immigration après l’annonce, par Trump, de l’interdiction de voyage aux États-Unis des ressortissants moyen-orientaux. En juin 2017, l’Union européenne infligeait une amende record de 2,7 milliards d’euros au moteur de recherche pour avoir artificiellement favorisé son propre service d’achats en ligne, contrevenant ainsi aux lois anticoncurrence.

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Le data void, l’angle mort des algorithmes

Dans le cas de Safari, cependant, l’explication la plus probable est celle de la militarisation des résultats affichés par des groupes d’alt-right. Ceux-ci profitent d’un effet appelé data void (“vide de données”), qui décrit ces recherches qui ne donnent que très peu de résultats car trop spécifiques ou trop étranges pour les algorithmes de recherche.
Selon Michael Golebiewski, auteur d’un (trop rare) livre sur le sujet en mai dernier, ces vides de Google, Bing et consorts peuvent facilement être exploitées à des fins politiques : il suffit de créer des noms de domaines (URL) qui correspondent à ces recherches, vides de contenu, qui redirigeront immédiatement vers d’autres plateformes.
Dans le cas de Safari, les sites recensés par BuzzFeed (désormais introuvables) ont ce profil : mal foutus, assemblés à la va-vite, et clairement faits pour offrir une réponse à une recherche farfelue. Apple semble avoir pris le problème au sérieux et pour le moment, Safari a l’air d’avoir cessé ses délires complotistes sur les thèmes évoqués plus hauts. Mais la SEME est bien devenue le sport national de l’alt-right et aucune plate-forme n’est épargnée – sauf Internet Explorer, parce que tout le monde se fout d’Internet Explorer.