Les électeurs de Mélenchon et de Fillon seraient de plus en plus nombreux à être tentés par l’abstention

Les électeurs de Mélenchon et de Fillon seraient de plus en plus nombreux à être tentés par l’abstention

Couplée au début de campagne difficile d’Emmanuel Macron, cette forte dynamique de l’abstention pourrait bien porter Marine Le Pen au pouvoir. 

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On ne va pas se cacher derrière son petit doigt fébrile d’électeur anti-FN : les sondages font flipper. Désolé, mais tout le reste de l’article va adopter ce même ton catastrophiste. Alors que Marine Le Pen opère une inquiétante remontée dans les sondages et qu’Emmanuel Macron pouvait difficilement plus mal démarrer cette campagne de second tour, l’abstention chez les électeurs déçus de Jean-Luc Mélenchon et de François Fillon monte en flèche.

Un sondage Ifop-Fiducial pour Paris Match, CNews et Sud Radio montre que 39 % des électeurs de Mélenchon ne comptent pas accorder leur voix à Macron au second tour, un chiffre qui a progressé de 9 points depuis lundi dernier. Du côté des fillonistes, ils sont 31 % à ne pas vouloir trancher entre les deux candidats restants, soit une progression de 5 points. L’abstention connaît une percée vertigineuse dans ces électorats et ramène tous les jours Marine Le Pen un peu plus près de la barre fatidique des 50 % de suffrages exprimés.

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce refus du traditionnel front républicain, déjà brandi en 2002, puis à tous les scrutins locaux organisés depuis cette date historique. En voici une liste non exhaustive :

  •  Emmanuel Macron ne parle qu’à ses électeurs, mais faut-il lui rappeler qu’ils ne pèsent que 24 % des voix ? En criant un peu partout qu’il refuse de donner des gages à la gauche comme à la droite, Macron pousse vers l’abstention tous ces Français qui, ne lui en déplaise, croient encore en ces socles partisans qui ont balisé la politique française depuis grosso modo deux siècles. Une stratégie qui tient du suicide, comme le rappelle cet excellent billet de blog hébergé par Mediapart.
  • En ne délivrant pas de consigne de vote claire pour faire barrage au FN au second tour, Jean-Luc Mélenchon a donné carte blanche à ses militants : ils peuvent choisir de s’abstenir, de voter Macron ou de voter blanc. Et pour 39 % d’entre eux, le “banquier” représente un danger social au moins aussi grand que celui du FN. Une fuite massive vers l’abstention qui aurait pu être endiguée grâce à un appel au front républicain dès l’annonce des résultats, au soir du premier tour.
  • Le Front national ne fait plus aussi peur qu’avant, il peut remercier Marine Le Pen et sa “dédiabolisation”. Même si sous le vernis, le parti reste une ignominie antirépublicaine, force est de constater que les thèmes favoris du FN, comme les dangers de l’immigration ou l’incompatibilité de l’islam avec la République, résonnent chez nombre de Français. Alors, forcément, quand on leur dit aujourd’hui qu’il faut à tout prix faire barrage au FN, beaucoup d’entre eux font la moue et pensent à leur journée de pêche du dimanche 7 mai.
  • Tout le monde croit qu’Emmanuel Macron a déjà gagné, et ça énerve. Pire, ça démobilise. “Bon, bah, je vais pas voter, il va passer de toute façon, ça serre à rien que je me bouge les fesses”, sauf que non, c’est pas encore fait : il reste encore une semaine de campagne. Et si Macron continue à jouer le futur président qui n’a pas besoin de rassembler 50 % des électeurs, on risque tous de se retrouver comme 65 millions de cons devant notre télé le 7 mai, avec une néofasciste à la tête du pays.