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Entretien : Robert Culat, prêtre et métalleux

Entretien : Robert Culat, prêtre et métalleux

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Par Théo Chapuis

Publié le

C’est bien connu : les religieux voient d’un mauvais oeil le grand méchant heavy metal. “La musique de Satan”, m’voyez. Surprise : un prêtre français, Robert Culat, fait tout ce qui est en son pouvoir pour réhabiliter cette musique. La Bible à la main et la liberté d’expression au coeur. Interview.

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Les histoires les plus passionnantes sont celles qui brisent les clichés, qui confrontent les idées, qui créent les contradictions… et finalement, remettent en cause notre propre ouverture d’esprit. Qui a dit que prêtrise et passion pour le metal n’allaient pas de paire ? Probablement pas Robert Culat. Après avoir découvert le metal, ce prêtre catholique s’est attelé à écrire des livres à son propos.

À la base : une réelle curiosité, dénuée de tout a priori, nécessaire à la découverte. En cela, le parcours de Robert Culat relève de la prouesse : il a effectué ce travail personnel de recherche pour comprendre cette musique, son milieu, son histoire, ses croyances. Même celles qui affrontent les siennes. Même celles qui flirtent avec Satan. La preuve :

Konbini Vous avez été ordonné prêtre en 1993. En revanche, quand et comment avez-vous connu le metal ?

Robert Culat C’était en 1994, lors de mon premier poste en tant que prêtre dans le Vaucluse, à travers ma fonction d’aumônier public à Orange. Deux jeunes étaient alors fans de metal. C’est d’abord leur look qui m’a rendu curieux : ils avaient les cheveux longs et des vêtements noirs. Typique des métalleux. Je m’interrogeais, parce que je sortais de cinq ans d’études ecclésiastiques à Rome, où je n’étais pas trop au contact de la population “réelle”. En plus, j’habitais un département rural, le Vaucluse. À Paris ou dans d’autres grandes villes, c’est plus habituel.

Je ne savais pas à quoi ce look correspondait… En tout cas pas au “look catho” – plutôt BCBG – qu’arborent les catholiques d’un certain milieu, qui, eux aussi, prouvent leur appartenance à une tribu. C’est amusant d’ailleurs. J’ai donc téléphoné à leurs parents qui m’ont expliqué que cela correspondait à une musique : le metal. C’était la première fois de ma vie que j’entendais ce mot.

K Et c’est à partir de là que vous vous êtes intéressé à la musique metal ?

Oui. Cela m’a semblé intéressant : c’étaient des jeunes catholiques assez engagés et en même temps, fans de metal. Dans mon inconscient, c’était contradictoire. Ou paradoxal, du moins. Je me suis alors dit que ça ne l’était pas tant que ça puisque je me retrouvais avec deux exemplaires en chair et en os devant moi. Ils m’ont passé quelques revues metal pour que je m’informe. Au début, j’ai vraiment voulu comprendre par curiosité, je le voyais un travail de documentation.

K Vous avez fini par aimer ça ?

Oui et c’est une expérience qui peut être typique pour beaucoup de domaines culturels. Pour la musique, il y a une grosse partie d’accoutumance de notre ouïe au son. C’est certain que le metal, de prime abord, c’est un peu agressif – après, ça dépend des styles… mais au fur et à mesure, on peut en tirer un réel plaisir.

Je n’aime pas le metal “en général”. Des tas de groupes me laissent indifférent. Et j’ai évolué depuis les années 90 vers le metal extrême. Un metal plus… dépaysant. Dans les années 2000, j’écoutais du heavy classique, des groupes très proches de la musique classique et très accessibles. Avec une instrumentation symphonique, beaucoup d’utilisation de claviers… C’est très beau d’emblée.

Mais c’est vrai que ça m’a lassé après trois ou quatre ans. J’ai voulu trouver quelque chose de plus original, de plus fort. Ce qui est bien avec le metal c’est que le genre est tellement varié qu’on trouve forcément quelque chose à son goût. Je me suis dirigé vers le metal extrême : le doom et le death metal mais surtout le black metal.

Funeral Mist – The God Supreme

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K Parmi les thèmes abordés récurrents dans le metal extrême se trouve ce bon vieux satanisme. Comment arrive-t-on à conjuguer la fonction de prêtre et écouter de la musique qui chante l’adoration de Satan, dont les visuels représentent des croix inversées et des pentagrammes ?

Dans le black metal, c’est surtout une atmosphère qui me touche. C’est ce que je cherche dans la musique : quelque chose qui va me toucher profondément. Et le black metal, en ce sens, est presque une musique spirituelle.

Le BM, en terme de thématiques, est assez varié. Il est souvent réduit au satanisme. Mais depuis ses origines scandinaves (ou quelles que soient ses véritables origines, là-dessus on pourra débattre un moment), j’ai l’impression que, de plus en plus, les groupes se séparent de ce satanisme un peu primaire qui caractérisait les thèmes abordés alors.

K Considérant ces groupes de black metal scandinaves des années 80, ne s’agissait-il pas plus d’anti-christianisme que de véritable satanisme ?

Exactement. Et je crois qu’eux-mêmes, aujourd’hui, s’en fatiguent. Je pense que tous les artistes, quels qu’ils soient, s’en rendent compte : ressasser à longueur de temps des clichés, ce n’est pas créatif. Ce que j’apprécie, c’est que le BM s’est beaucoup diversifié : tendances folk, pagan… Tiens, “pagan”, par exemple. Par pagan, ou païen, on comprend une opposition à chrétien.

Mais de ce que j’en perçois, c’est surtout une référence à la nature et un véritable culte qui lui est témoigné. C’est sûr que ce n’est pas la même vision que celle de la théologie chrétienne, même si elle-même parle de création, de la place de la nature et de l’univers créé par rapport à l’homme. Certains groupes évoquent aussi le passé, l’Histoire…

Après, c’est vrai, il y a des groupes en opposition frontale. Mais il y a différents thèmes. Finalement, le black metal est assez traditionnaliste. Il y a donc un lien avec la religion car elle s’appuie aussi beaucoup sur des traditions et un passé.

De toute façon, lorsqu’on prend les thématiques qui ont trait à Satan, elles sont directement liées à la religion. D’une manière ou d’une autre c’est religieux, puisque si on parle de Satan c’est qu’on a une certaine idée de Dieu. Pour un prêtre, c’est très intéressant. Dans ma vie de tous les jours, j’élargis la chose au-delà de la musique, vers le cinéma ou encore le théâtre… je suis convaincu qu’il est important de s’intéresser à ce qui se fait dans la culture contemporaine.

Pour un prêtre c’est important car ça lui donne un indice de comment la personne lambda perçoit le christianisme. Il ne va pas renoncer à sa foi mais cela va lui permettre de se rendre compte que ce qui lui paraît évident ne l’est peut-être plus pour d’autres. Il y a toujours un travail intellectuel à faire.

Après, c’est vrai, le black metal est tout à fait associé à cette image satanique. Beaucoup de prêtres ne sont pas d’accord avec moi et ne m’approuvent pas – je ne fais pas part d’un prétendu avis officiel de l’Église catholique là-dessus… mais certaines chansons de Black Metal sont pour moi magnifiques. Par exemple “Inno a Satana” du groupe Emperor. Je sais bien de quoi parle cette chanson [une ode à Satan, ndr] mais je n’ai pas conscience de mettre en danger ma foi.

Si c’était aussi facile, aussi dangereux, aussi magique que cela pour me tourner vers Satan, cela donnerait à la musique le pouvoir divin. Un autre exemple : ce n’est pas parce que je vais écouter la Flûte Enchantée de Mozart que je vais rentrer en loge maçonnique demain.

Emperor – Inno A Satana

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K Selon vous, il convient donc de faire une dissociation entre la musique et son message intrinsèque ?

Les artistes ne sont pas toujours d’accord avec ça mais… [une pause] la musique est une chose, les paroles qui sont derrière en sont une autre. Je peux trouver la musique très belle et très réussie et ne pas aimer les paroles. Dans les opéras de Mozart, certaines histoires ne me touchent pas du tout. Mais si la musique est belle et qu’elle me transporte, à la rigueur, je m’en fous !

Je préfère que la musique soit belle et me touche. La musique n’est pas de la littérature, même si elle y touche. Si je veux de la littérature, je lis un livre. Mais ce n’est pas à confondre avec la musique. Je pense que tout art permet d’ouvrir l’accès à la beauté. Et à travers la beauté, il y a un chemin vers la spiritualité… et donc vers Dieu.

K Même dans le Black Metal sataniste ?

Exactement. Encore une fois, si cette musique est belle, qu’elle touche mon âme profondément, qu’elle m’ouvre vers un au-delà, alors dans ce cas : oui. Selon moi, le but de l’art est de nous offrir une transcendance. Quelque chose qui dépasse le quotidien, qui va faire rêver. L’art nous libère d’une perspective seulement horizontale et nous élève. Donc c’est une porte ouverte vers ce que moi j’appelle Dieu…

K Vous en êtes arrivé à écrire un livre publié chez Camion Blanc intitulé L’Âge du Metal. Pourquoi, comment ?

Dans les années 90, j’ai cherché de la littérature sur la musique metal en langue française. À cette époque, il y avait très peu de choses. Beaucoup de livres étaient dans la condamnation facile et ne traduisaient pas du tout mon expérience de contact avec les métalleux que je connaissais. Et j’en côtoyais de plus en plus. Quand je voyais ces jeunes, ils me semblaient tout à fait normaux et bien dans leur peau. Je n’avais pas l’impression d’être avec des jeunes qui sacrifiaient quoi que ce soit à Satan… ou qui étaient sur le point de se suicider.

Après, il faut être honnête : j’ai connu des métalleux qui se sont donné la mort. Pas des dizaines, mais quelques-uns. Cela dit, il s’agit d’être méfiant lorsqu’on attribue le suicide d’un jeune à une cause unique : surtout parce qu’il avait un CD de Suicidal Tendencies dans sa chambre. Cela me paraît plus complexe que ça… Alors que c’est un raisonnement qui va dédouaner un peu trop facilement le reste de son environnement, dont les parents.

Je voulais donc écrire quelque chose de plus scientifique, de plus objectif sur le sujet. J’ai mené une étude de type sociologique sur le sujet. J’ai établi un questionnaire avec des questions de profil typiques (âge, sexe, profession, lieu de résidence…) puis des questions centrées sur la musique. Parmi elles, “Comment avez-vous découvert le metal ?” Ou encore “Quel est votre groupe culte ?”, “Pensez-vous que dans 10 ans vous serez toujours fan de metal ?”… et bien d’autres.

J’ai obtenu 552 réponses. J’ai tiré une synthèse d’abord statistique établie par deux fans de metal de ma connaissance qui avaient les compétences pour le faie. Je me suis basé sur leur travail et la première partie du livre est un commentaire des résultats obtenus.

K En quelques mots, qu’avez-vous relevé ?

Le metal semble se découvrir vers 14 ou 15 ans. Il y avait une question en rapport à la religion : quelque chose comme “Comment vous situez-vous par rapport à la religion, êtes-vous athée, croyant, agnostique…? si vous êtes croyant, à quelle religion êtes-vous attaché ?” Le résultat, je pense, correspond bien à la jeunesse de France de manière générale : ceux qui se déclarent athées sont les plus nombreux. Mais il y avait un groupe non négligeable qui s’est déclaré indifférent, aussi.

Ce qui est plus surprenant, c’est qu’il y a eu entre 10 et 15% de répondants qui se sont déclarés croyants. Pour la majorité, catholiques. L’option sataniste, qu’on pouvait choisir en l’ajoutant dans “Autre” et en développant, n’a récolté que 5% des suffrages. 5% ! Il y avait donc double de croyants que de satanistes…

K Vous abordez donc la dimension religieuse à travers le metal dans votre livre ?

Oui. Pour commencer, j’ai donné une liste de tous les clichés du metal dans le questionnaire : violence, satanisme, vampirisme, guerre, lutte entre le Bien et le Mal…etc. Je demandais dans mon questionnaire : “Dans lequel de ces termes vous retrouvez-vous le plus ?” Le terme “Satanisme” a obtenu une majorité de réponses.

Pour moi, on peut tout à fait écrire “satanismes”, avec un “s” à la fin du mot : je caricature peut-être un peu mais à la rigueur, chaque groupe de metal peut se créer son propre satanisme à lui, sa propre vision des choses. La plupart du temps, Satan est en fait utilisé comme symbole de liberté par rapport à ce que les églises voudraient imposer.

Dans les annexes, j’ai un article qui s’intitule “l’anti-chrisitanisme dans le metal” où je liste les objections principales reprochées au Christianisme par le milieu metal. Typiquement, on trouve que c’est à cause de la vision chrétienne du monde que l’homme a perdu le respect de la nature et que nous avons un problème écologique aujourd’hui. Ou alors que les chrétiens seraient des gens totalement naïfs, coupés du monde, qui voient la vie en rose et qui ne sont donc pas réalistes. Pour cet article, je me suis basé sur des interviews d’artistes metal où ils s’exprimaient à propos de leur vision du christianisme.

J’ai entretemps participé à l’écriture d’un livre sur un groupe bien particulier : Opeth. Je l’ai écrit avec un ami, Nicolas Bénard [auteur, lui aussi, de nombreux ouvrages sur la question metal, ndr]. Moi je me suis occupé du thème des paroles. Et Mickael Ackerfeldt [le chanteur/guitariste et leader d’Opeth, ndr] aborde souvent les thématiques religieuses, notamment dans l’album Still Life, qui est l’un de mes préférés et dans lequel il laisse la place à ses considérations religieuses.

Opeth – The Moor

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K Quel est le point de vue de Mickael Akerfeldt sur la religion ? Est-il sataniste ?

Non, pas du tout. Akerfeldt n’est pas sataniste. Mais comme beaucoup de métalleux, il est allergique à toute forme de religion. D’un côté, il pense que les histoires bibliques n’ont pas plus de réalité que Donald Duck. C’est sa première attaque : ce sont des légendes pour enfants et nous, adultes, ne devrions plus y prêter attention. Deuxième point : il n’a pas envie de s’intéresser à une religion qui, selon lui, a fait tellement de mal à travers l’Histoire.

K Est-ce que ça vous blesse d’entendre le leader d’un de vos groupes favoris répondre cela ?

Ça ne me blesse pas parce que je ne suis pas surpris. C’est le contraire qui eût été étonnant. Je sais très bien que c’est une idée courante dans le milieu metal. D’autant que nous avons déjà été en contact et il a toujours été très charmant avec moi. Il sait que je suis prêtre. Il sait seulement faire la part des choses…

K Auriez-vous préféré qu’il soit catholique ou bien pensez-vous que ça aurait au contraire pu être un frein à la création artistique ?

Je ne pense pas que ce soit un frein d’être croyant…

K … mais pensez-vous que ces groupes qui se réclament si ce n’est du satanisme, du moins de l’anti-christianisme, auraient pu arriver à produire une musique d’une telle qualité s’ils avaient plutôt prié Dieu ?

[une pause] … Pfiou. [rires] Bonne question. Difficile de répondre avec certitude. Prenons plutôt un exemple : le white metal [metal chrétien, ndr]. Dans mon livre, j’en parle très peu car c’est une réponse qui me semble beaucoup trop diamétrale au black metal sataniste.

Pour moi, ces genres antagonistes sur le fond comportent pourtant le même danger : l’instrumentalisation de la musique au service d’une cause. À partir de là, on menace l’art. À savoir qu’il y a des artistes de metal clairement chrétiens, qui ont la foi, mais qui ne la laissent pas transparaître. Pour eux, la musique n’est pas un moyen de propagande.

Après, la question de l’art sacré, qu’on pourrait me reprocher d’éviter, c’est autre chose. L’art sacré de Bach, de Mozart, n’est pas de la propagande car il a été créé pour un usage liturgique. Donc pour être joué dans les églises exclusivement. Même si aujourd’hui on peut l’écouter chez nous, c’était sa destination primaire. À l’inverse, un musicien de death metal qui va répéter “je crois en Jésus” dans ses paroles… pfff. Cela me semble un peu ridicule. Le fond et la forme ne vont pas coller. Après, s’il veut aborder le Déluge ou Dieu qui fait périr les enfants des Égyptiens… Là ça va coller. Car il y a aussi des choses très violentes. On peut penser par exemple au groupe israélien Orphaned Land qui traite justement du déluge dans son album Mabool.

Orphaned Land – Norra El Norra

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K Dans votre milieu, avez-vous dejà subi des pressions, des remarques ? Quelles réactions suscitez-vous de par votre passion pour le metal ?

Je crois que dans l’Eglise catholique, il y a encore des différences de points de vue très grandes sur la culture. Forcément, j’ai été confronté à des réactions positives et à d’autres négatives. Je m’y attendais. En tant que prêtre, lorsqu’on va dans des domaines “originaux”, c’est rarement sans risque.

On va toujours subir des remarques désobligeantes ou être accusé par certains de s’égarer un peu. J’essaie toujours de me référer à l’Evangile parce que c’est la base pour un prêtre.

Et j’ai l’impression qu’on l’oublie beaucoup, mais Jésus, la plupart de son temps, il l’a passé avec des personnes qui n’étaient pas des religieux. Il n’était pas avec des prêtres. Plutôt avec des gens qui étaient “mal-vus”, des marginaux… et considérés comme tels, justement, par les religieux. Ce serait donc dommage que l’Eglise reproduise le même schéma.

Je ne me sens donc pas du tout en décalage avec l’attitude du Christ. Au contraire, je pense même que lui serait allé encore plus loin…

K Pour conclure, une réaction sur l’association qui reproche régulièrement au Hellfest sa programmation et demande l’arrêt des subventions au festival ?

Il me semble que c’est typiquement français et nord-américain, comme réaction. Le pays le plus metal d’Europe, c’est l’Allemagne. Il ne me semble pas que les protestants (puisque c’est la première religion dans le pays) ou les catholiques ont eu le même genre de démarche. Pourquoi ? C’est tout de même bizarre. Alors il y a peut-être quelque chose qui est lié à à une sensibilité française…

K …plus que catholique ?

“Catholique française”, je dirai. Dans le sens où en France, certains catholiques sont encore un peu dans l’esprit “l’Eglise contre la République”. Le refus, finalement, de la laïcité. Je ne dis pas que c’est leur cas, mais il y a peut-être un peu de ça. Après, tout le monde paye des impôts. Il se trouve que ces impôts, il est normal qu’ils rejaillissent sur tout, dans la culture notamment. On ne va pas seulement subventionner le rap, ou quoi que ce soit… mais toutes les formes de musique. Ca me semble relever de la liberté de l’expression artistique et du principe d’égalité. Après, c’est la responsablitié de celui qui organise un festival. L’organisateur du Hellfest, Benjamin Barbaud, a refusé certains groupes qu’il avait programmés à la base [dont Satanic Warmaster, l’histoire chez nos confrères de Radio Metal, ndr].

Si la censure doit venir, elle doit venir de l’organisateur lui-même. Ça me paraît malsain que ce soit une pression de l’Eglise, car sinon on retourne à l’époque où Eglise et monarchie de droit divin se protégeaient mutuellement.

J’ajoute que par définition, nul n’est obligé d’aller voir un spectacle. Dans ce cas, si je suis choqué par les sex-shops, je vais alors demander d’interdire les sex-shops…? C’est sans limite. N’importe qui peut être choqué par n’importe quoi et ça risque de créer une société où il n’y plus rien de transgressif. C’est bien que toutes les formes d’art soient subventionnés. Et les subventions du Hellfest ne sont pas faramineuses… Si l’on n’est pas capable de supporter qu’une idée autre que la nôtre puisse s’exprimer, on va vers une société intolérante.

K Pour finir, vous considérez-vous vous-même comme un métalleux ?

Ca dépend de ce que l’on met sous le terme. Je ne suis pas un gros consommateur de musique. Je n’en écoute pas tous les jours. C’est pour moi un moment à part, qui se déguste à la manière d’un très bon restaurant. On ne va pas dans un très bon restaurant tous les jours…

Alors je ne suis pas un métalleux dans ce sens. Mais je me considère comme métalleux dans la mesure où il y a des choses dans cette musique qui me font frémir. Cela dit, je n’y pense pas tous les jours.

K Et faites-vous les “cornes” en concert ?

Non, jamais. Parce que je sais ce que ça veut dire et je suis prêtre, tout de même. Puis ça me semble relever d’une pose et ça ne m’est pas très naturel.