On a discuté avec Garrard Conley, rescapé d’une thérapie de conversion sexuelle

On a discuté avec Garrard Conley, rescapé d’une thérapie de conversion sexuelle

Image :

( © Universal )

photo de profil

Par Lucille Bion

Publié le

Garrard Conley, rescapé du centre anti-gay Love in Action, a écrit un livre sur cette douloureuse expérience adaptée au cinéma.

À 19 ans, au début des années 2000, Garrad Conley est envoyé dans une thérapie de conversion sexuelle sur ordre de ses parents. Sa mère, fervente catholique, et son père pasteur viennent de découvrir que le jeune homme est homosexuel. Son livre témoignage, Boy Erased: A Memoir, a inspiré Joel Edgerton qui passe derrière la caméra pour le film tout juste en salles Boy Erased, bouleversant.

À voir aussi sur Konbini

À l’écran, on retrouve la violence psychologique de ces pratiques réelles et inhumaines, de l’exorcisme à l’accompagnement psychospirituel qui conduit certains “sujets”, considérés comme des âmes perdues, au suicide. Russell Crowe, Nicole Kidman, Lucas Hedges, Xavier Dolan et même Troye Sivan s’engagent contre ces centres anti-gay en s’appuyant notamment sur l’histoire de Garrard Conley.

Déjà dénoncés par Desiree Akhavan dans The Miseducation of Cameron Post l’an passé, ces centres religieux sont censés remettre leurs pensionnaires dans le droit chemin. Garrard Conley, qui est aujourd’hui un homme ouvertement homosexuel, est devenu l’une des figures militantes de la communauté LGBTQ+ pour diffuser un message de tolérance et d’acceptation.

La publication de son ouvrage en 2016, et aujourd’hui en France chez Autrement, retrace l’enfer qu’il a commencé à vivre en 2004, lorsqu’il intègre Love in Action, alors dirigé par John Smid, qui a instauré un règlement intérieur très strict pour suivre au mieux le programme de reconversion sexuelle.

Tout d’abord, les garçons doivent toujours porter une chemise (et surtout pas un débardeur) et se raser tous les jours en laissant les pattes, au sommet de l’oreille. Du côté des filles, les jupes ne doivent pas s’arrêter au-dessus du genou et elles doivent se raser les jambes et les aisselles au moins deux fois par semaine.

Outre cette incontestable discipline du code vestimentaire, la première étape du programme de Love in Action consiste à “admettre à quel point vous êtes dépendant du sexe et de tout ce qui est profane”. Ainsi, vous pourrez commencer à “guérir, vous arrachez de vos péchés et vous élevez vers la lumière divine”.

Ma plus grande peur était de découvrir que LIA avait raison, que Dieu ne me voulait pas tel que j’étais.

(<em>Boy Erased</em> © Universal)

Il aura fallu des années à l’auteur pour trouver la force d’achever son histoire et se confronter à ses souvenirs :

“J’ai passé presque dix ans à essayer d’éviter les souvenirs liés à la thérapie de réorientation sexuelle. Je ne voulais pas parler de quelque chose qui m’était si étrange, des années après, maintenant que j’ai eu une vie d’homme ouvertement gay. Une fois que j’ai compris que mon passé faisait partie de moi, j’ai commencé à interroger ma mère et mon père pour avoir leur point de vue.

Je n’allais pas seulement écrire sur ma propre expérience parce que je savais que ça n’aboutirait jamais à un travail littéraire. Je voulais montrer comment cette famille, en tant que groupe, a décidé d’aller en thérapie de réorientation sexuelle et ainsi expliquer pourquoi les gens ordinaires peuvent adopter un comportement illogique et néfaste.”

Pour écrire cette histoire traumatisante, Garrard Conley a donc pris le temps de réfléchir à ses idées, quitte à renouer contact avec ceux qui étaient internés. Si en moyenne, les patients suivent cette thérapie au mois trois mois, certains décident de rester le plus longtemps possible pour se couper de leurs relations à l’extérieur, qu’ils jugent néfastes. La plupart des membres de l’équipe de Love in Action sont d’ailleurs d’anciens patients qui ont aimé mieux rester que retrouver leur ancienne vie.

“Je me suis fait beaucoup d’amis, et notamment des survivants gays de Love in Action après que mon livre a été publié, mais avant la publication, c’était très compliqué de rester en contact avec ceux que j’avais rencontrés là-bas. J’ai même publié une annonce sur Facebook pour que les gays qui avaient survécu à la thérapie viennent me raconter leur témoignage. À la fin, j’ai retrouvé John Smid, le directeur de Love in Action, et nous avons évoqué les évènements.”

Si, à la suite de la publication de son livre, Garrard Conley a pu retrouver les membres de la communauté LGBTQ+, il a aussi été contacté par un Joel Edgerton fasciné. Voyant le projet du cinéaste comme une opportunité d’évoquer les problèmes des centres anti-gays, Garrard Conley accepte immédiatement de se prêter au jeu :

(© Universal)

Comme sur le tournage de The Miseducation of Cameron Post où il était consultant, l’écrivain a participé au tournage de Boy Erased, tant sur le scénario, derrière la caméra qu’en tant que figurant, devant la caméra. Ayant eu un rôle prépondérant dans ces deux longs-métrages aux mêmes thématiques, le rescapé de Love in Action pense qu’on entre dans une ère où il faut libérer la parole sur ces procédés tabous :

“Il est grand temps d’en parler. Il ne faut plus attendre pour réclamer des droits. On doit les exiger tout de suite. En matière de droit de l’homme, c’est non négociable. La torture est non négociable.”