Témoignage : militant de la France insoumise, je ne comprends pas la position de Mélenchon

Témoignage : militant de la France insoumise, je ne comprends pas la position de Mélenchon

L’un de nos lecteurs est un militant de la France insoumise qui ne comprend pas l’absence de consigne de vote de Jean-Luc Mélenchon pour le second tour. Il nous détaille ses interrogations et nous explique pour qui il va finalement voter.

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J’ai 18 ans, et j’ai voté pour la première fois le dimanche 23 avril. Ce vote était plus que mûrement réfléchi, puisque je milite pour la France insoumise, à proprement parler, depuis le mois de novembre. Mais je connaissais déjà Jean-Luc Mélenchon. Cela fait depuis la première que je suis son blog et son activité au Parlement européen.

C’est lui qui m’a transmis une passion pour l’action politique et le militantisme. Je me souviens avoir été totalement aux anges lors de ma première manifestation, en février 2015, pour soutenir Alexis Tsipras et Syriza, élus en Grèce pour faire reculer l’austérité. Le diagnostic politique de Mélenchon sur la faillite du Parti socialiste (qu’il avait vécue de l’intérieur) et son immense culture m’ont toujours donné envie de rejoindre ses combats et de m’intéresser aux idées qu’il développe, ainsi que de m’ouvrir aux lectures philosophiques et politiques.

Pourquoi j’ai voté pour la France insoumise

Avec des amis, nous sommes allés voir Jean-Luc Mélenchon lors de son meeting de la place Stalingrad à Paris, en juin dernier, pour voir le contenu politique qu’il proposait avec son nouveau mouvement, la France insoumise. Je n’étais pas encore immédiatement convaincu, d’autant plus que nous sortions tout juste de longues luttes pour obtenir le retrait de la loi El Khomri. Pour moi, c’était un peu tôt pour avoir la tête plongée dans la présidentielle, et certains aspects du programme n’ont pas instantanément fait “tilt” dans ma tête. Mais avec le temps, il m’a vraiment semblé être le plus adapté.

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En votant pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle, j’attendais avant tout de voir un président de gauche au pouvoir – qui essaye au moins d’appliquer les grandes idées développées durant la campagne. Même si je n’avais pas encore le droit de vote, le quinquennat de François Hollande fut assez difficile à supporter. J’ai peut-être trop naïvement cru en ses promesses d’égalité, de lutte contre la finance, de réduction des inégalités quand je n’avais pas encore quinze ans. Ces valeurs-là, celles de la gauche républicaine combative, il n’y a que chez Mélenchon que je les retrouve.

La convocation d’une Assemblée constituante pour définir les bases de la VIe République aurait, selon moi, favorisé un grand moment d’éducation populaire, de réflexion, de stimulation intellectuelle, où chacun aurait eu les moyens de se demander ce qui fait de nous un peuple, ce qui nous lie dans cette société, quelles institutions nous souhaitons et ce que nous voulons faire concrètement pour améliorer notre quotidien.

Il y avait l’espoir de bâtir un nouveau contrat social pour la France du XXIe siècle. En tant qu’étudiant, j’étais intéressé par le traitement de la question de l’autonomie de la jeunesse dans le programme L’Avenir en commun. L’allocation d’autonomie m’aurait permis de me lancer dans la vie active sans devoir tout prendre en compte par rapport aux seuls parents. En ce qui concerne la notion de République, quand tous les autres candidats ou élus l’utilisent pour donner des leçons de morale inintelligibles ou stigmatiser une partie de la population en fonction de ses origines ou de ses croyances, il n’y avait que Mélenchon pour vraiment l’expliquer. Il a transmis aux jeunes, mais également aux citoyennes et citoyens les moins insérés dans la société, la signification du terme, qui renvoie à un idéal politique et à une devise : “Liberté, égalité et fraternité !”

La déception de Jean-Luc Mélenchon

Au moment des résultats, on était forcément un peu dans le déni avec tous ceux avec qui j’ai pu faire campagne sur le terrain. Le cas de 2012 nous avait montré que des candidats qui avaient fait fort dans les petits villages peuvent avoir des pourcentages qui baissaient mécaniquement au fur et à mesure que l’on dépouille les résultats des grandes villes. Quand j’ai su le fin mot de l’histoire, je n’ai pas regardé, de près ou sur un écran, la déclaration de Jean-Luc Mélenchon en direct. Je l’ai écoutée bien plus tard dans la soirée. Sur le moment, je ne savais pas trop quoi en penser. Ça se voyait qu’il était extrêmement déçu, voire meurtri. C’est un homme de conviction qui ne fait pas les choses à moitié. Mais très rapidement, j’ai tout de suite pensé qu’il aurait pu être plus classe, comme on dit, en mettant clairement un “stop” au FN.

Il aurait été préférable d’assurer franchement qu’il était de notre devoir républicain de voter contre l’extrême droite, national-populisme, ou fascisme rampant, appelons-les comme vous voulez. Jean-Luc Mélenchon aurait dû plus parler de lui, de son passé politique et de ses souvenirs de luttes, pour marteler que jamais nous nous mêlerons aux vichystes ! Son autorité morale aurait eu du poids pour contrer les récupérations indécentes auxquelles se livre le Front national, entre les mises en scène avec les salariés de Whirlpool et les faux tracts. J’attendais de lui qu’il use de sa figure d’homme respecté et écouté, pour détourner suffisamment de gens du vote Front national, qui n’est qu’une immense arnaque pour les plus précaires, ceux qui souffrent au quotidien !

Comment peut-on avoir voté pour “l’Avenir en commun” et l’universalité des aides, pour ensuite se reporter vers un parti qui hait les pauvres, mais aussi les syndicats, les étudiants, les droits des femmes, etc. ? Rappelons que des municipalités FN suppriment la gratuité des cantines scolaires pour les enfants de chômeurs. J’aurais aimé qu’il donne comme consigne de nous rendre à la fois aux manifestations syndicales du 1er Mai, mais également aux urnes pour exprimer notre refus de l’extrême droite. D’autant plus qu’avec 19,58 % des voix, notre force est crédible : on ne peut pas se laisser endormir.

Une position dangereuse, à replacer dans son contexte

C’est bien trop tôt pour dire si cette réaction profite ou nuit au mouvement. Pour ma part, je ne pense pas qu’elle puisse porter atteinte à la dynamique interne au mouvement, mais cela pourrait nous fragiliser au sein du nouvel échiquier politique qui semble se dessiner, et nous pousser à assumer des positions assez inconfortables. Il y a suffisamment d’avis divergents au sein des groupes d’appui et des différents réseaux militants qui se sont mis en place, que ces discussions se seraient posées, quoi qu’il en soit. Cela ne renvoie pas un message de grande clarté pour les jeunes générations, et les “insoumis” pour qui il s’agissait du premier engagement politique

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Il reste quelques jours avant le second tour pour réaffirmer certains principes, alors ne restons pas distants et désintéressés des enjeux immédiats. Néanmoins, je reconnais à JLM sa critique d’une partie de la classe politique, qui instrumentalise le front républicain pour masquer ses échecs. Certains en ont même joué pour essayer de satisfaire leurs prédilections. Pendant un moment, cette élection s’est réduite à une seule question : “Qui arrivera deuxième derrière Le Pen ?” On aurait dû débattre des programmes, des bilans, des attitudes respectives… Donner des leçons d’antifascisme à Jean-Luc Mélenchon, c’est hypocrite.

Dimanche prochain, je voterai contre Marine Le Pen

Pour le second tour, j’ai eu énormément de mal à me fixer. Cela fait depuis le dimanche 23 avril que je change d’avis pratiquement tous les quarts d’heure. Il faut dire que Macron a l’air de vouloir jouer avec nos nerfs. J’espère qu’il réussira enfin à comprendre que lorsque l’on est opposé à l’extrême droite, il faut adopter une carrure présidentielle et réunir un minimum les différentes sensibilités du pays pour pouvoir fédérer, ne serait-ce que pour trois semaines.

En face, Marine n’est pas Jean-Marie. Elle a envie d’accéder au pouvoir, pas comme son père – et son entourage spécialisé dans la communication est assez efficace. J’irai voter pour Emmanuel Macron, car je n’ai pas envie que Marine Le Pen fasse 45 % ou plus, puisqu’elle deviendrait alors assez légitimement la chef de l’opposition. À 30 %, ce sera déjà bien plus dur (et préférable pour ne pas souffrir lors des législatives d’une dynamique FN amplifiée par un score extrêmement élevé au second tour).

Propos recueillis par Mélissa Perraudeau.