Lettre d’un militant de droite déçu à François Fillon

Lettre d’un militant de droite déçu à François Fillon

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Par Konbini

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Dans cette lettre ouverte Eudes Simon a pris sa plume pour faire part à l’ancien Premier ministre de sa déception.

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Monsieur le Premier ministre,

Cher François,

Comme tout le peuple de droite, j’ai vécu la matinée du 1er mars dans la plus grande anxiété.  Croyant encore dans mon candidat et redoutant le pire, je suis parti au travail pour découvrir chaque heure une rumeur plus folle que l’autre – Mediapart ayant le pompon avec sa fausse information, corrigée depuis, d’une mise en garde à vue de l’épouse du candidat. 

L’attention du monde entier était braquée sur cet immeuble sans âme de la rue Firmin Gillot. Même les marchés financiers retenaient leur souffle. L’information comme quoi vous serez bien mis en examen, dans un exercice judiciaire d’une célérité jamais vue, avait fuité depuis et j’attendais comme nombre de mes camarades que vous vous retiriez ainsi que vous l’aviez annoncé publiquement au mois d’août 2016 sur BFM TV :

“Si j’étais mis en examen, je considérerais que je ne suis pas en mesure d’assurer la direction du pays dans des conditions exemplaires. C’est une question morale.”

Et plus récemment, le 26 janvier dernier, sur TF1 : “Il n’y a qu’une seule chose qui m’empêcherait d’être candidat c’est si mon honneur était atteint, si j’étais mis en examen.”

Seulement voilà, vous avez choisi de vous maintenir, revenant complètement sur vos déclarations passées et préférant la stratégie de la terre brûlée à celle d’une décision douloureuse, j’en conviens, mais honorable.

À 16 jours de la clôture des candidatures pour l’élection présidentielle, cette décision est incompréhensible et à terme dangereuse pour votre camp politique dont vous semblez faire fi. Votre évolution sémantique évoque une trumpisation accélérée de votre personnage politique, en vous posant en victime du système qu’il soit judiciaire ou médiatique. Victime vous l’avez été car il est clair que quelqu’un a voulu vous abattre en balançant au Canard enchaîné un dossier sur lequel il ou elle devait être assis depuis longtemps, sauf que ce n’est plus le sujet.

“Votre situation est intenable”

Depuis le premier jour, votre défense est catastrophique : votre prestation sur TF1 où vous avez réussi à incriminer vos propres enfants était un modèle de ce qu’il ne fallait pas faire. Depuis, vous semblez totalement hermétique à l’effet désastreux que cette affaire a eu sur votre électorat. Vous ne pouvez plus vous déplacez ou presque, vous ne pouvez plus faire passer un message ou une idée et la seule chose dont vos soutiens sur le terrain entendent parler est l’affaire de l’emploi supposé fictif de votre femme et de vos enfants.

Il est grand temps de retirer vos œillères et de voir la réalité en face, votre situation politique est intenable. Tenter une mobilisation désespérée de vos plus ardents supporters comme un Nicolas Sarkozy, un Donald Trump ou un Silvio Berlusconi ne résoudra rien. Vous évoquez une tentative “d’assassinat politique” mais ce n’est plus une tentative, vous êtes politiquement mort depuis le début et vous ne le savez pas encore.

Entraînez le reste de la droite radicalisée et paranoïaque dans votre chute n’est pas digne de vous et de l’image que je me faisais de vous. Il y aurait mille choses à dire sur la soudaine efficacité des juges, il y aurait mille choses à dire sur le respect du secret de l’instruction et la présomption d’innocence. Malheureusement la campagne présidentielle n’est pas le moment pour avoir ce débat qui mérite mieux qu’une ambiance survoltée de campagne où la mauvaise foi règne en maîtresse, surtout lorsque l’on fait de la morale publique un argument de campagne contre ses adversaires de la primaire.

“Il faut cesser de croire que le scénario de la primaire peut se répéter pour la présidentielle”

Vous vouliez être le chevalier blanc, mais du point de vue de la justice votre armure est tachée. Vous demandez au peuple de droite de se réveiller pour ne pas se faire voler son élection, mais c’est votre obstination qui nous en prive. Si vous continuez dans cette voie, il n’y aura pas de miracle le 23 avril prochain et vous perdrez faute d’avoir pu mener campagne.

Le vote de la colère sera chez Marine Le Pen et non chez vous, il faut cesser de croire que le scénario de la primaire peut se répéter pour la présidentielle, vous et ceux de votre équipe qui demeurent à vos côtés ont trop d’expérience pour cela.

Cher François, je comprends la douleur que représente la perspective d’une fin de carrière politique sous les lazzis et le sentiment d’injustice qui peut vous habiter… mais désormais il n’est plus uniquement question de votre personne mais celle de votre famille politique, celle du peuple de droite que l’on prive d’élection et au nom de tout ce que vous avez réalisé à son service depuis tant d’années, je vous demande, en toute amitié, de renoncer à la campagne afin de nous laisser une chance d’avoir l’alternance politique dont nous avons besoin pour le pays.