Et la lumière Kendrick Lamar éblouit l’AccorHotel Arena… avant de vite s’éteindre

Et la lumière Kendrick Lamar éblouit l’AccorHotel Arena… avant de vite s’éteindre

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Par Rachid Majdoub

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On n’a pas vraiment vu le même concert de Kendrick Lamar ce dimanche 25 et lundi 26 février 2018 à l’AccorHotel Arena de Paris. S’il a frôlé la perfection, le show n’a finalement pas été à la hauteur du proclamé meilleur rappeur vivant.

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Et la lumière Kendrick Lamar fut avant de vite s'éteindre.

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Show éclair. Tel une étoile filante qu’on a à peine le temps d’enregistrer. Yeux scintillants et chair de poule par moments, j’admirais celui qu’une horde de fans inconditionnels étaient venus voir : le proclamé meilleur rappeur vivant – à juste titre. De son entrée explosive sur “DNA” à un “Humble” scandé en chœur par 20 000 personnes, Kendrick Lamar, seul sur scène, a tenu d’une main de maître un spectacle millimétré mais un peu trop carré. Et quelque peu sans saveur, bien que l’efficacité et la pureté de la prestation peuvent être largement louables. Car avec peu d’artifices, le King Kunta a tout de même été éblouissant tout au long d’un récital dont je suis finalement sorti tiraillé, et qui à coup sûr ne marquera pas ma vie à jamais. 

C’est sur “God” que le messie vêtu d’une cape en laine blanche enfonçait en douceur le clou du spectacle, après une heure et vingt maigres minutes de concert. Pas de dégoût, mais plutôt de la frustration. Un peu comme déguster un super gâteau, le plus beau et brillant qui puisse être, puis rester sur sa faim. Cet appétit ne serait pas aussi grand si la carrière, la discographie et le statut de l’enfant de Compton n’étaient pas si importants.

Et vous-mêmes savez à quel point je voue admiration et respect au meilleur rappeur de notre génération, et ce depuis son tout premier EP et Section.80. Section.80, justement, une période (presque) révolue : si Kung Fu Kenny, entre deux courts-métrages amusants dans lesquels il joue le rôle d’un moine Shaolin, a interprété quelques-uns des plus gros hits de ses quatre albums, avec un avantage normal pour son dernier bijou, DAMN., les fans de la première heure à qui il s’est pourtant adressé peuvent être en reste.

Pas de “Hiii Power” ni de “Hold Up” au détour d’un braquage bien planifié mais assez évident. Une petite demi-heure supplémentaire et une scénographie encore plus impressionnante auraient pourtant pu rendre ce concert historique. C’est ici que la satisfaction navigue entre deux eaux, sans savoir où et quand amarrer.

Car ne jetons pas non plus la pierre à un spectacle unique, et riche en singles cultes tels que “Money Trees”, “Backseat Freestyle”, “King Kunta”, “m.A.A.d city”, “Bitch, Don’t Kill My Vibe”, l’incontournable “Alright” et même un “untitled 07” ainsi que les couplets de “Goosebumps” et “Collard Greens” ; le tout permettant aux albums Good Kid, M.A.A.D City et To Pimp a Butterfly d’être bien représentés par un rappeur seul dans l’arène, fort en maîtrise et en énergie, l’âme d’un gladiateur en moins.

Mais le King n’a pas le temps. Face à une plèbe dans tous les cas déchaînée, prête à exploser, et aux devants d’un groupe de musiciens audibles tout en étant invisibles car bien cachés dans un coin, le Californien n’a pas mis sa grandeur au service de la générosité. Lui qui, au sommet du hip-hop, déploie pourtant sa plus grosse tournée à ce jour. On pourrait alors dire que sa carrière est promise à une longévité et à un succès sans précédent, que chaque chose en son temps, blablabla… Oui, bien entendu. Mais derrière, certains ne vivront ce moment qu’une fois dans leur vie, tandis que d’autres veulent aussi leur couronne, et y mettent davantage de cœur pour y accéder.

Le parallèle avec le seul rappeur capable de défier le fer de lance de TDE sur le même terrain est logiquement tentant. Même si c’est à contrecœur, comparons le comparable : en tenue de détenu, J. Cole donnait il y a quelques mois au Zénith de Paris un concert à la hauteur de son aura et de son engagement, devant une cellule de prison renfermant tout un groupe de musiciens.

L’énergie déployée par le rappeur tout au long d’une prestation puissante n’a cessé d’être en osmose avec un public averti, connaissant sur le bout des doigts les paroles de chacun des nombreux morceaux interprétés et entrecoupés d’histoires fortes racontées par un orateur qui a donné aux spectateurs ce qu’ils étaient venus voir : une représentation humble et prenante, jusqu’à la dernière miette. Si Kung Fu Kenny pouvait se permettre d’avoir des allures de dieu derrière le micro, J. Cole rayonne au-dessus de la scène.