Portrait : Jules Pélissier, l’acteur qui joue le jeu et casse les règles

Portrait : Jules Pélissier, l’acteur qui joue le jeu et casse les règles

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( © Versus )

photo de profil

Par Lucille Bion

Publié le

Du télécrochet au Festival de Cannes, Jules Pélissier n'est pas qu'un acteur au parcours surprenant. Focus sur ses ressources.

Jules Pélissier, aka Jean-psartek derrière la caméra, a un parcours indéfini entre théâtre, cinéma, musique, peinture et art. Ce touche-à-tout passionnant répond aujourd’hui présent en tant qu’acteur. Il incarne Brian, un jeune colérique et violent dans Versus, le premier film noir et singulier de François Valla. Pour ce rôle, des cicatrices ornent son visage mais, derrière ce physique effrayant, c’est un grand cœur qui se cache.

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Disparu du grand écran depuis La Danseuse, Jules Pélissier gravite ici aux côtés de Victor Belmondo, Karidja Touré, Jérémie Duvall et sa complice Lola Le Lann, avec laquelle il multiplie les collaborations. Après Un moment d’égarement, il a retrouvé la comédienne et chanteuse sur le plateau de Versus et vient tout juste de réaliser son clip pop et aérien “Lola à l’eau” :

En multipliant ses moyens d’expression, Jules Pélissier ne cherche pourtant pas à se faire entendre, ni à se montrer. “Je n’arriverai jamais à dire : ‘Je suis artiste, je fais de l’art'”, avoue-t-il. Discret, peu confiant mais néanmoins bavard, l’électron libre revient sur son parcours original et peu conventionnel. “Je n’aime pas trop le confort. J’aime bien me mettre en danger”, confie-t-il d’emblée.

Essayant toujours d’être là où on ne l’attend pas, Jules fait le grand écart entre plusieurs disciplines et s’aventure sur des terrains toujours différents, c’est la règle. Déterminé à tordre le cou à la dichotomie du milieu – une signature très française –, il se faufile tête baissée dans tous les milieux, à l’aise. Mais toujours humble et reconnaissant.

“J’ai grandi avec la télé”

Tout commence à Vence, dans un village de 20 000 habitants près de Nice. Son père est artisan joaillier, sa mère sert des cafés. À 7 ans, il entre dans une compagnie de théâtre où il apprend la danse, les claquettes, l’expression scénique et la musique. Après un passage au Club Mickey et à Canal J, il marque Graines de star sur M6 en présentant l’émission aux côtés de Laurent Boyer et remet des disques d’or du haut de ses 12 ans.

Un an plus tard, il se met sérieusement à la musique et envoie ses maquettes. Précoce, l’adolescent marginal ne trouve toujours pas sa place :

“J’ai grandi avec la télé. Mes parents n’ont même pas le bac. Je viens d’un monde où tu réussis quand le monde du mainstream t’approuve. Bizarrement, j’avais une radicalité. J’aimais les trucs indépendants un peu en cachette. Je me suis intéressé très tôt à Larry Clark, Harmony Korine et, dans ma ville, c’était bizarre. C’était considéré comme des trucs d’artistes maudits, de galériens…

J’étais un adolescent dissipé mais curieux, plein de paradoxes. J’étais turbulent, limite insolent, donc beaucoup collé mais en même temps, tous les samedis matin, j’étais à la bibliothèque et à la médiathèque. Car en 2005, il n’y avait pas de streaming [rires].”

Finalement, en montant à Paris grâce au tremplin de la Nouvelle Star, l’ex-sosie de Zac Efron époque High School Musical découvre un univers plus ouvert. Seul hic ? Ce sentiment d’illégitimité qui ne le quitte pas. Pourtant, il y a peu d’ados sans nom et sans background qui parviennent à tirer leur épingle du jeu dans des domaines aussi différents et inaccessibles :

“Après la ‘Nouvelle Star’, c’est compliqué car les gens pensent que tu as juste envie d’être une star et de te montrer. Pour moi, c’est tout l’inverse : je viens d’un milieu où on réussit quand on est connu. Je n’ai pas du tout un parcours institutionnel avec le conservatoire ou les grandes écoles.”

“Je ne me sentais jamais à ma place”

(© Studio Canal)

Le jeune acteur débute dans Bus Palladium, après avoir été repéré par une directrice de casting sur MySpace :

“L’équipe du film avait déjà vu tout Paris, tous les bébés rockeurs de l’époque, c’était la grande mode. Je n’étais pas du tout à l’aise car je me suis présenté alors que je n’avais jamais fait de cinéma, de casting de ma vie. Je me souviens que pour le casting, Patrick Eudeline m’a prêté une veste pour faire un peu bébé rockeur [rires].”

Il manie la basse sur scène aux côtés de François Civil avec lequel il forme un groupe de rock, Lust. Ce premier film de Christopher Thompson apportera plus de confiance à l’acteur en herbe qui, bientôt, se retrouvera sur la Croisette pour Simon Werner a disparu…, thriller imaginant les disparitions successives de trois élèves de la même classe. La machine est lancée.

Présenté dans la section Un certain regard, le film de Fabrice Gobert (également réalisateur des deux saisons de la série Les Revenants diffusées sur Canal +) se fait remarquer. Là encore, il évolue avec une bande de jeunes acteurs : Ana Girardot, Arthur Mazet ou encore Laurent Delbecque et découvre, du haut de ses 22 ans, les joyeusetés du Festival de Cannes et les coulisses des Césars :

“J’observais. Je restais un peu bloqué dans ce truc d’illégitimité de provinciaux. Tu sais, tu t’excuses toujours un peu mais en même temps, c’est ce qui fait mon ADN. J’ai toujours eu ce complexe de l’imposteur. Je ne me sentais jamais à ma place. Là, c’était encore pire car j’étais l’un des premiers gars qui a fait un télécrochet et se retrouve à Un certain regard.

Certains journalistes ont été adorables et ont fait fi de mon parcours à la télé. Faire la ‘Nouvelle Star’, c’est toujours compliqué car les gens pensent que tu as juste envie d’être une star, de te montrer, alors que pour moi, c’est tout l’inverse. Je n’ai pas du tout un parcours institutionnel avec le conservatoire ou les grandes écoles. Mais après Cannes, tu as envie d’aller plus loin.”

En dévoilant cette facette dont on n’aurait jamais pu imaginer l’existence, le trentenaire aux cheveux désormais platine n’hésite pas à citer Fianso pour conclure : “Eux, ils ont pris l’ascenseur, moi j’ai pris les escaliers.” Et il faut se rendre à l’évidence : c’est quatre à quatre qu’il gravit les marches.

À l’affiche d’un Versus qui fait du bien à l’Hexagone, tant par sa proposition esthétique que par son ambiance fougueuse et farouche dictée par la relève du cinéma français, Jules Pélissier partage son temps entre son atelier à Châtenay-Malabry (92), le théâtre et ses prochains projets ciné, parmi lesquels L’Horizon d’Émilie Carpentier et l’emballante pièce The Normal Heart de Larry Kramer, fondateur d’Act Up dans les années 1980. À suivre…