“Choisir ses vices, c’est une saine façon de sombrer”

“Choisir ses vices, c’est une saine façon de sombrer”

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La basse. L’homme. (Crédits : blackrebelmotorcycleclub.com)

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Par Théo Chapuis

Publié le

Konbini est allé à la rencontre de Robert Levon Been, le bassiste chanteur de Black Rebel Motorcycle Club, visiblement pas étouffé par la joie de vivre. Avec le musicien, on a discuté musique, jeux vidéo et cinéma. Entre autres addictions. Entretien.

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Robert Levon BeenEh bien ça fait un moment qu’il a commencé maintenant, mais c’est comme si elle commençait aujourd’hui. On a fait une pause de quelques semaines pour passer un peu de temps chez nous mais… je ne crois pas que j’aime beaucoup ça. Ça me fait flipper de rester chez moi.

Vous êtes à Rock En Seine aujourd’hui. La dernière fois que vous étiez à Paris, c’était en mars pour un concert au Trianon en tournée pour votre dernier disque. Comment était-ce ? Le public français vous plaît-il ?

Ouais, ce concert était surprenant ! Je ne pensais pas que le public français adhérerait aussi bien au dernier album. Je ne me l’explique pas mais il y a plus de passion ici pour cet album que… partout ailleurs, en fait. Ça s’est très bien passé dans les autres endroits. Mais ici, c’était un peu plus intense. En France, il y a de l’intimité, c’est différent. Après, en festival, je ne sais pas ce que ça va donner.

C’est souvent la première chose à disparaître en festival, l’intimité.

Si vous étiez l’un des festivaliers de Rock En Seine, quels artistes iriez-vous voir ?

J’attends Nine Inch Nails avec impatience. Je ne connais pas Wall Of Death mais leur nom est cool ! Savages, aussi… J’aurai aimé les voir.

Vous avez joué dans de nombreux festivals… Vous avez forcément quelques histoires à nous raconter ?

Euh… [il cherche, une longue pause] J’ai remarqué qu’à chaque fois, juste avant qu’on joue, il y avait une tempête qui se déclenchait, et aujourd’hui il se passe la même chose. On est toujours là, tu vois ! Et à chaque fois qu’on se pointe à un festival où il fait beau, les promoteurs nous saluent, ils sont contents de nous voir et de nous accueillir… et d’un seul coup, le temps se gâte.

On a même parfois joué dans des conditions où c’était presque dangereux pour nous ou le public, on a parfois eu peur d’électrocuter quelqu’un… C’est la malédiction de BRMC en festivals, édition 2013 !

Préférez-vous tourner en festivals d’été ? Ou bien dans des salles de concerts lorsque vous sortez un disque ?

J’aime bien les concerts en salle. Tu peux t’approprier la scène plus facilement qu’en festival. Il y a plus de partage, plus d’énergie… Pendant les festivals d’été, ça change tout. Je peux aussi m’en contenter, et puis ça permet de convertir certains à notre musique, c’est une bonne chose…

Mais au fond, je compte les jours où on retournera jouer dans une petite pièce remplie par l’odeur de transpiration du public…

Voulez-vous dire que le public vient pour de nombreux groupes et pas uniquement BRMC, donc ils sont moins intéressés par votre groupe ?

…Tu ne peux jamais savoir comment ça va se passer. Parfois, certains concerts en festivals sont très bons et les gens très réactifs à nos chansons. D’autres fois, le public ne se montre que pour les têtes d’affiche et n’en ont rien à foutre des autres groupes. Le bon côté des choses, c’est qu’en festival, tout le monde semble célébrer la musique ensemble. Et ça c’est cool.

Écoutez-vous certains groupes français ?

Non, je n’en connais pas beaucoup.

Qu’est-ce que vous écoutez, plutôt des artistes américains ?

Euh… oui. Je ne sais pas. Je n’écoute pas beaucoup de musique en fait. Ça peut être mauvais pour la santé, parfois [une pause, Robert semble absent]. Mais j’écoute plutôt des groupes britanniques ou américains, canadiens parfois. Timber Timbre, c’est un bon groupe…

Vous êtes connus pour faire partie de ce fameux revival garage rock / psychédélique avec Dandy Warhols et le Brian Jonestown Massacre. Qu’en pensez-vous ?

J’aime le rock psychédélique. Il y a une place pour chacun de nous dans ce style. C’est une musique où chacun peut se perdre. La plupart des groupes font ça bien, ils ont de bonnes influences bien crues. Mais en tant qu’artiste, il faut savoir prendre les bons côtés du passé afin d’appréhender le futur : il faut savoir piocher dans les deux, c’est ce que j’aime faire en tout cas. Mais de toute façon, je ne suis pas spécialement impliqué dans cette scène-là.

D’ailleurs, je m’implique assez peu dans quoi que ce soit. Tout finit par m’ennuyer au bout d’un moment.

Certaines de vos chansons apparaissent dans des films, des séries comme Sons Of Anarchy… Qu’en pensez-vous ? Est-ce que ça vous plaît que vos chansons apparaissent dans ce genre de diffusions ?

Je n’en ai pas vu beaucoup… Je ne savais même pas qu’on était dans Sons Of Anarchy [leur chanson “Stop” apparaît dans le pilote de la série créée par Kurt Sutter, ndr]. Je sais qu’on a une chanson dans la série Hell On Wheels et je sais qu’ils l’ont utilisée d’une très bonne manière. Mais parfois, c’est juste pour avoir un son “typiquement rock”, tu vois. Non, vraiment, je préfère qu’ils l’emploient à bon escient plutôt que ça soit utilisé à des fins purement commerciales.

Vous avez aussi des chansons dans des jeux vidéo (NHL 11, Nascar : The Game 2011, Guitar Hero World Tour…) Vous jouez vous-même ?

J’ai joué aux jeux vidéo. Nintendo, Atari… J’étais vraiment obsédé par ça. Pendant un moment de ma vie, je pouvais y passer des jours entiers. À un tournant de ma vie, il a fallu décider si ça serait la guitare ou les jeux vidéo. Mais ça n’a pas été un choix facile, tu sais. C’est le même genre d’énergie obsédante pour les deux, mais j’ai fini par trouver plus intéressant de m’impliquer à fond dans la musique que d’essayer de faire des top scores dans des jeux.

Après, tout est simplement une question de choisir sa propre addiction. Parfois, tu n’as pas le choix. Tu sais que l’une de ces addictions va le remporter sur d’autres, ce n’est pas comme si tu pouvais l’empêcher. Choisir ses vices, c’est une saine façon de sombrer, en quelque sorte.

Pensez-vous que chacun de nous doit faire ce genre de choix ?

Personne ne doit être obligé à faire quoi que ce soit mais… je ne sais pas, je crois que les jeux vidéo sont extrêmement bons et créatifs aujourd’hui. Il y a une part d’innovation qui te permet d’être plus imaginatif. Je serai carrément capable d’être inspiré pour une chanson en regardant quelqu’un jouer aux jeux vidéo.

Les jeux vidéo peuvent exercer l’imagination à écrire des histoires.

Y’a-t-il des films pour lesquels vous auriez aimé écrire la bande-son ?

Je ne sais pas. Les films que j’aime ont déjà une bande-son remarquable écrite par quelqu’un d’autre. La musique de Neil Young écrite pour le film Dead Man de Jim Jarmusch est absolument parfaite. Donc je n’aimerai pas avoir à la remplacer pour le film mais si je le faisais un jour, j’aimerais que ça sonne un peu comme ça. There Will Be Blood a une excellente bande son aussi.

En fait, il y a un film en ce moment sur lequel un ami travaille et Black Rebel Motorcycle Club doit en faire la bande son. Ça sera un film indépendant et je pense que ça sera bon. Avant de décoller pour l’Europe, nous avons vus quelques rushes du film, on pense déjà au travail que nous fournirons pour le film. Rien n’est fixé pour le moment. Je ne l’avais jamais fait auparavant mais ça fait partie des choses qu’on veut faire depuis des années… malheureusement, on n’a jamais eu le temps de se pencher sérieusement dessus à cause du rythme de tournée, d’écriture et d’enregistrement, qui nous prend déjà pas mal de temps… On n’a pas beaucoup de temps libre, que ce soit pour les jeux vidéo ou autre chose… (rires)

Est-ce que ça risque de ressembler à la musique que BRMC joue d’habitude, ou bien doit-on s’attendre à quelque chose de différent ?

Ce sera plus lent même si pour l’instant on n’a que le plan directeur. Normalement, ça ne devrait pas ressembler à BRMC tant que ça. Ce sera moins électrique, plus acoustique et trippé. Psychédélique et acoustique, mais aussi minimaliste. Afin de laisser de la place à ce qui se passe à l’écran.