Internet a encore un problème avec le porno féministe, la preuve

Internet a encore un problème avec le porno féministe, la preuve

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Par Lydia Morrish

Publié le

Erika Lust a posté une vidéo érotique non explicite sur YouTube qui a été retirée. Forcément, la réalisatrice féministe n’a pas laissé passer cette censure qu’elle juge hypocrite. 

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Erika Lust réalise des films pornos et se considère comme une “féministe pro-sexe”. Elle embauche principalement des femmes qui travaillent en coulisses pour ses films et crée des histoires érotiques qui mettent l’accent sur les femmes.

Il y a un peu plus de deux semaines, la Suédoise, pionnière dans son domaine, a mis sur YouTube une version non-explicite de l’un de ses pornos, As-tu envie de sucer mes orteils ? (“Do You Find My Feet Suckable ?”). Les scènes explicites de nudité et de sexe ont été retirées afin de créer un film beau et inspirant, qui met l’accent sur une relation équilibrée et intense (avec du fétichisme des pieds) entre deux être humains.

Alors même le film avait déjà généré plus de 200 000 vues, la plateforme d’hébergement de vidéos l’a retiré sous prétexte qu’il “violait les directives de la communauté”. Soyons clair : il n’y avait aucune scène de nudité ou de sexe, ou quoi que ce soit légalement interdit aux moins de 18 ans.

Après le retrait de son film, Erika Lust a écrit une lettre ouverte et tourné une vidéo pour souligner l’hypocrisie de la plateforme. Dans cette lettre publiée sur Medium, Erika Lust dénonce un double standard : pourquoi certains clips et autres contenus pornographiques qui représentent les femmes de façon dégradante sont toujours sur YouTube  tandis que sa vidéo, de bon goût, qui met l’accent sur le plaisir féminin  a été retirée ?

La vidéo faite en réponse à cette censure a été mise sur YouTube par l’équipe de la réalisatrice. Erika Lust y tourne en dérision les incohérences de la politique de la plate-forme. Dans cette vidéo, elle montre des clips légèrement pornographiques “acceptés” sur YouTube et parfois interdits aux moins de 18 ans.

“C’est n’importe quoi”

On peut ainsi voir des extraits de Caméras dans des vagins, Meilleur cul de femme (Latino) et Le spectacle de Lisa Ann à poil qui remue son cul et ses seins sexys, ainsi que de clips sur lesquels des danseuses et des mannequins nues apparaissent. Erika Lust explique :

“Ce que je vous montre, ce n’est que du contenu que vous montrez sur votre site. Si vous décidez de retirer et censurer [ma vidéo], c’est n’importe quoi.

Si je fais un court métrage artistique, beau, érotique où je retire absolument toute scène de nudité (je ne montre même pas une bout de sein, je ne montre pas de rapport sexuel, ce sont seulement deux personnages et leur désir l’un pour l’autre) alors ce type de contenu ne devrait pas non plus être sur YouTube.

Ce que je veux, c’est que vous m’expliquiez ce qui ne va pas avec le film que j’ai mis sur votre site.”

Ironie du sort, cette vidéo a également été retirée.

Dans sa lettre ouverte, Erika Lust écrit que la censure de son contenu résume “toute la fainéantise de la société quand il s’agit de parler d’éducation sexuelle”. Elle ajoute que cela montre que nous sommes incapables de “mettre en place des initiatives qui sont réelles et efficaces pour éradiquer la violence et les comportements sexuels négatifs”.

“Dans un monde où Les meilleurs culs de femmes, Spectacles nus et Caméras dans des vagins sont gratuits et récoltent des millions de vues, je pense que des films intelligents avec du contenu érotique devraient être encouragés plutôt que bannis.”

Comment se débarrasser du double standard ?

Comme Erika Lust l’explique dans sa vidéo de réponse à YouTube, les images de femmes nues, qui nourrissent le regard masculin, sont aussi visionnées par des individus qui n’approuvent pas les représentations modernes des femmes. Les clips ont normalisé l’apparition de femmes qualifiées de “trainées” ou de “salopes”, les films pornos mainstream mettent toujours en scènes des actes violents et certains pubs au contenu misogyne passent comme une lettre à la poste.

La société de production d’Erika Lust, “XConfessions”, qui invente des histoires basées sur les fantasmes de ses utilisateurs, défie les normes du porno de bas étage : dans ses films, elle présente le sexe comme un acte basé sur le plaisir, l’égalité, qui inclut tout le monde et ressemble à la réalité, tout en restant très excitant. Ce genre de porno éveille le désir tout en faisant en sorte que personne ne soit blessé pendant l’acte sexuel ni pendant le visionnage.

Dans un monde qui se fait de l’argent grâce à des contenus qui explorent la sexualité féminine de façon violente, les films comme ceux d’Erika Lust (et ceux des nombreux autres réalisateurs/trices féministes) sont nécessaires. Il est vital que les jeunes puissent regarder du contenu érotique alternatif qui présente une vision positive du sexe, mais qui ne mette pas forcément en scène des rapports sexuels violents.

Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois.