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“Hey baby” : quand un réseau neuronal est enrôlé pour écrire des phrases de drague

“Hey baby” : quand un réseau neuronal est enrôlé pour écrire des phrases de drague

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Par Thibault Prévost

Publié le

La chercheuse Janelle Shane a demandé à une intelligence artificielle de générer des phrases d’approche pour séduire, et le résultat est rafraîchissant.

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Demandez à n’importe quelle femme croisée dans la rue son avis sur les “pick-up lines”, ces phrases d’approche aussi spontanées qu’un poème lu en public par un grand timide, et il y a de fortes chances pour que vous obteniez une moue désabusée accompagnée d’un profond soupir de lassitude. À l’heure de Tinder et des pick-up artists, les stakhanovistes de la séduction ont remplacé les Cyrano d’antan et la prise de contact avec un partenaire potentiel se résume désormais, dans l’immense majorité des cas, à un insipide “salut”, voire à une formule franchement gênante de mauvais goût. Jadis, la séduction était un art ; en 2017, elle est devenue un sport. Grande perdante de ce nouveau paradigme : l’originalité.

Mais tout espoir n’est pas perdu : le progrès technologique, dans sa permanente duplicité, pourrait peut-être devenir la solution au problème qu’il a lui-même contribué à causer, et les Cyrano d’après-demain pourraient peut-être prendre la forme… d’intelligences artificielles, maniant les mots comme les grands écrivains de notre histoire. La chercheuse Janelle Shane, rapporte The Verge, a ainsi tenté de mettre à contribution son réseau neuronal pour qu’il génère des phrases d’approche susceptibles de séduire votre interlocuteur(trice).

En suivant la méthode classique du machine learningla chercheuse explique sur son blog avoir d’abord fait ingérer à sa machine une base de données de phrases d’approche pour qu’elle comprenne comment les humains se draguent entre eux. Premier souci, “la plupart [des phrases] étaient obscènes, agressives, un peu insultantes”, précise Janelle Shane, qui visiblement n’avait pas saisi l’ampleur du désastre qu’est devenue la séduction épistolaire contemporaine. Une fois remise de sa déception, explique-t-elle, elle a néanmoins constaté que la machine avait vite saisi les structures basiques de la phrase d’approche, entre “hey baby, tu veux…” et “tu dois être… parce que…”, en mettant toute seule de côté les formulations les plus grossières. À défaut d’être un poète, le réseau neuronal sait au moins reconnaître l’irrespect.

“You look like a thing and I love you”

Quant à ses propres créations, détaillées par la chercheuse, elle font parfois preuve d’une surprenante poésie absurde, difficile à traduire en français. Morceaux choisis : “You are so beautiful that you make me feel better to see you”, le fragile “I want to see you to my heart” ou le brillant (et gênant) “You look like a thing and I love you”, une phrase qu’on pourrait facilement retrouver dans un film sur la rencontre amoureuse de deux adulescents sociopathes qui décident d’inventer leur propre réalité alternative pour fuir leur peur des responsabilités en jouant du ukulélé entre deux monologues nihilistes sur l’ennui du monde moderne, le tout incarné par Paul Dano et Aubrey Plaza. Grand prix garanti à Sundance. Le reste des phrases est purement inintelligible, ou présente de sacrés problèmes de syntaxe, mais jamais – JAMAIS – le robot ne génère de phrases vulgaires ou irrespectueuses… lui.

Si le système de Janelle Shane est une approche pour le moins novatrice de la séduction au XXIe siècle, elle n’est pas la première à y penser : en février, le site CNET consacrait déjà un article à la multiplication des algorithmes de drague, des “assistants personnels” qui s’occupent de parcourir les sites de rencontre pour vous dégoter les meilleurs partenaires potentiels, les contacter et discuter tranquillement avec eux en se faisant passer pour vous. Cyrano de Bergerac est mort, vive les intelligences artificielles Bernie et Audrey. L’histoire ne dit pas, en revanche, comment vous vous débrouillerez une fois en face d’une personne qu’un robot a charmé à votre place avec une complexe alchimie de mots judicieusement dosés. Mais rassurez-vous, les robots aussi trouvent qu’aller à l’essentiel est une bonne manière d’attirer l’attention : parmi les phrases générées par l’IA de Janelle Shane, on trouvait aussi…“Hello”. Tout simplement.