Le sculpteur du Charging Bull accuse la ville de New York de porter atteinte à ses droits d’auteur en autorisant la Fearless Girl à défier son taureau.
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Mais qu’est-ce que ça vient faire là ce truc ? Le sculpteur italien Arturo Di Modica n’a visiblement pas apprécié l’installation de la désormais célèbre petite fille en bronze qui fait face, poings sur les hanches, au taureau emblématique de Wall Street (dans l’anglais de la finance, l’expression “bullish” désigne une situation de prospérité). Jugeant que cette Fearless Girl fout en l’air et émascule tout le message viril incarné par son Charging Bull (testostérone, puissance brute et grosses coucougnettes), il ne s’est pas gêné pour accuser la ville de New York de porter atteinte à ses droits d’auteurs. Il menace même d’engager une action en justice.
Car devant le succès planétaire de la petite fille de métal, le maire de la ville, Bill de Blasio, a décidé de lui accorder une année de plus pour continuer à défier l’imposant animal. Une longévité pas vraiment du goût d’Arturo Di Modica. Il considère ainsi la petite statue comme un “ruse de publicitaire”, ourdie par State Street Global Advisors (SSGA), un think tank qui milite contre l’inégalité entre les femmes et les hommes. “C’est injuste ! Ils insultent tout le peuple américain, et moi, et mon travail”, se plaint-il au NY Daily News. Ah ouais, quand même.
Il peut en tout cas s’estimer heureux. Car l’artiste Kristen Visbal souhaitait à la base créer une petite fille chargeant carrément le taureau, avant de se résoudre à une œuvre plus consensuelle et plus en phase avec la commande du SSGA. Oui, la sculpture a bien été sollicitée par un think tank, mais de là à la traiter de “advertising trick” …
“Ça nous passionne, comme beaucoup de New-Yorkais !”
Car bloquer sur ces considérations marketing de bas étage, c’est passer volontairement à côté de toute la force symbolique de cette œuvre. Installée la veille de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, la Fearless Girl incarne la lutte contre les inégalités et l’affirmation de la place des femmes dans une société masculinisée à outrance. Un cyclone viril dont Wall Street, avec ses golden boys en costard, son incassable plafond de verre et son gros taureau, serait l’épicentre.
Dans sa colère, Arturo Di Modica oublie qu’il avait posé son Charging Bull sans rien demander à personne. Après le krach boursier de 1987, Di Modica avait profité de la nuit pour le planter en loucedé devant la Bourse de New York, en hommage à la résilience et à la force du peuple américain, selon lui. Un modus operandi qui n’est pas sans rappeler celui suivi par Kristen Visbal pour sa Fearless Girl, 30 ans plus tard – d’autant plus que Di Modica avait lui aussi dû batailler avec la ville pour obtenir un sursis à son œuvre.
Et comme le taureau à son époque, la petite fille a aujourd’hui le soutien indéfectible de la mairie de New York. Dans un communiqué, la porte-parole de la ville, Natalie Grybauskas a encensé la statue : “Cette installation temporaire a suscité une controverse importante sur les femmes et le leadership, et cela nous passionne comme beaucoup de New-Yorkais !”
N’en déplaise à Arturo Di Modica, la mairie a donc bien l’intention de tout faire pour pérenniser l’installation. “Nous étudions tous les moyens possibles pour garder la Fearless Girl plus longtemps que ce qui est permis aujourd’hui”, a ainsi déclaré Natalie Grybauskas, totalement conquise par le projet. Et vu la longévité du taureau, on se dit que sa petite adversaire a encore de beaux jours devant elle.