Une étude parue la semaine dernière pointe les inégalités effarantes de l’industrie musicale, où une petite minorité d’artistes gagne la majorité des revenus du disque. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, Internet ne fait que renforcer cette tendance.
A l’heure où l’industrie musicale vit de plus en plus sur la Toile, la chance de se faire entendre est donnée aux artistes émergents. Mais les indé tirent-ils vraiment leur épingle du jeu ? Non, bien au contraire. C’est ce qu’affirme une étude menée par le cabinet Midia Consulting, publiée mardi 4 mars et relayée par Pigeons and Planes. On y apprend que plus des trois quarts des revenus de la musique atterrissent dans la poche d’une poignée d’artistes dominants.
Les bénéfices liés à la production musicale sont passés de 3,8 milliards de dollars (plus de 2,7 milliards d’euros) en 2000 à 2,8 milliards de dollars (plus de 2 milliards d’euros) en 2013. Sur ce total, la part des artistes a progressé de 14% en 2000 à 17% en 2013, “mais cette répartition est loin d’être uniforme au sein de la communauté artistique”, souligne l’étude.
Et pour cause :
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L’industrie musicale est une économie des superstars, c’est-à-dire qu’une très petite portion de tous les artistes et œuvres rassemble une part disproportionnellement grande de tous les revenus. Ce n’est pas une distribution de type Loi de Pareto (80/20) mais quelque chose de bien plus spectaculaire : 1% d’artistes gagne 77% de tous les revenus des artistes musicaux.
Les consommateurs, ces “moutons”
Spontanément, on aurait pu croire qu’Internet, avec son offre pléthorique (Bandcamp, Soundcloud, etc), favoriserait l’émergence de “petits” artistes et équilibrerait le rapport de forces entre un Jay Z et un nobody.
Mais c’est exactement le contraire qui se produit, selon l’étude :
En réalité, les services de musique digitale ont intensifié la concentration de superstars plutôt que de la diminuer. Cette tendance contre-intuitive est portée par deux facteurs clé :
a) un plus petit nombre d’espaces de promotion sur les services digitaux, spécialement sur les appareils mobiles ;
b) la submersion des consommateurs par la “tyrannie du choix”, selon laquelle trop d’alternatives différentes empêchent, en réalité, de découvrir de nouveaux artistes.
Conséquence, loin d’offrir une alternative, Internet ne fait que refléter la domination des artistes majeurs de l’industrie. La découverte de nouveaux artistes reste l’apanage des aficionados de la musique, tandis que le grand public adopte une attitude suiviste :
Le marché nous a montré que les humains sont des moutons qui ont besoin d’être guidés, autant sur Internet que hors ligne. […] La plupart des consommateurs mainstream veulent être guidés par la main du sommet du panier du catalogue musical.
Pollution digitale
Autre problème pointé par l’étude, l’offre digitale (25 millions de chansons) saturée par des contenus peu pertinents, comme les versions karaoké ou les sound-alikes, ces morceaux qui sonnent à la manière de. Ces chansons gonflent artificiellement les stocks et encouragent les sites musicaux dans leur “course aux catalogues”, au détriment de l’expérience du consommateur et de la qualité des sélections.
Le salut de la longue traîne passe, selon l’étude, par les services de sélection et de programmation musicale :
Avec le temps, la programmation et la découverte dans les services de musique digitale devrait pousser l’aiguille vers les artistes émergents. Mais cela n’arrivera pas du jour au lendemain et, cela aura malgré tout un impact limité.
La promotion des émergents doit être encouragée par tous les acteurs de l’industrie musicale, “labels, distributeurs, artistes”, conclut l’étude. A défaut, “99% d’artistes se retrouveront sous une chape d’obscurité, pendant que les superstars bénéficieront d’un tour de piste supplémentaire”. La route est encore longue donc, avant que les artistes indépendants puissent se tailler une part convenable du gâteau.