Derrière ce compte Instagram, une campagne d’un nouveau genre.
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Le 5 août dernier, un compte Instagram est lancé parmi tant d’autres. En nom de profil, une certaine Louise Delage. En biographie, des petits bouts de phrases qu’on pourrait trouver sur n’importe quelle page personnelle de ce type : “25 yo / Paris.” Le tout accompagné d’une citation attribuée à Abraham Lincoln, “Whatever you are, be a good one”.
La première image uploadée sur le réseau social montre la fameuse Louise Delage posant un verre à la main, avec en légende “About Last Night” et une fournée de hashtag classiques et chiants : “drinks”, “Paris”, “parisiangirl”, “summer”.
Rien d’extraordinaire jusque-là. Voilà une personne parfaitement normale qui poste une photo d’elle pour mieux être en phase avec l’esprit –
Louise Delage n’existe pas
On se rend compte alors qu’il ne s’agit pas d’une Parisienne ordinaire de 25 ans, habituée des sorties, qui aime les selfies et a l’habitude de se prendre en photo au cours de soirées. On sent bien qu’un secret se cache derrière l’esthétique lisse de ces images.
Le 9 septembre dernier, après un mois de publications sur Instagram, le journaliste de Libération Tristan Berteloot est l’un des premiers à comprendre. Il lance alors un thread sur Twitter, soulignant les détails qui ne collent pas, remettant en cause l’authenticité de Louise Delage :
Ce compte instagram est apparu début août https://t.co/B2TOS6xzbf
— Tristan Berteloot (@Tristan_Brtloot) 9 septembre 2016
Il présente une jeune femme de 25 ans, a priori tout à fait classique
Car à mesure que les images défilent dans la timeline, un élément devient de plus en plus visible. Une occurence a priori banale qui prend corps : elle est toujours accompagnée par de l’alcool. Un verre de vin, une bière, une bouteille : à la main, en arrière-plan, près d’un siège, sur une table, Louise Delage, la main dans les cheveux, semble tout faire pour qu’on oublie qu’elle est toujours à deux doigts de boire, ou qu’elle vient de le faire. Quand on s’en rend compte, on ne voit plus que ça.
Derrière la création de Louise Delage, une campagne contre l’addiction à l’alcool organisée par le fonds Actions Addictions et mise en scène par l’agence BETC à l’aide d’une étudiante engagée à partir de mi-juillet. Comme le précise le communiqué de presse envoyé dans le cadre de cette campagne, “on estime qu’en France les addictions sont responsables d’un mort sur cinq, et d’un acte de délinquance sur deux, principalement chez les jeunes, selon le fonds Actions Addictions”.
Et de préciser :
“Via un profil Instagram créé pour l’occasion, les followers ont pu pendant un mois et demi faire la connaissance de Louise Delage : une jeune Parisienne de 25 ans, souriante, pétillante, qui semble profiter pleinement de la vie.
Que ce soit au cours d’un after work entre collègues, lors de ses vacances en Bretagne, à Saint-Tropez, ou encore à Berlin, chacune de ses photos met en scène de façon plus ou moins discrète la présence d’alcool”.
L’idée de la campagne ? Prendre du recul face à une addiction en apparence invisible, notamment sur les réseaux sociaux à travers des images à l’apparence anodine :
“La proximité́ avec la situation ne permet pas de prendre du recul, un recul pourtant nécessaire pour pouvoir faire le lien entre tous les signes qui caractérisent une addiction.”
Sans l’intervention des réseaux sociaux, on ne sait pas ce qu’aurait pu devenir Louise Delage, dans une semaine comme dans un mois. Est-ce que des images d’elle, dans un état de plus en plus déplorable, auraient été diffusées ? Est-ce qu’on l’aurait retrouvée sur un lit d’hôpital ? Est-ce que le compte aurait été subitement supprimé après l’annonce d’un coma ? La campagne ayant été outée, l’agence de communication a dû réagir et révéler la vraie nature de Louise Delage.