À la découverte de la bande de frappés à qui l’on doit Burning Man, SantaCon et Fight Club

À la découverte de la bande de frappés à qui l’on doit Burning Man, SantaCon et Fight Club

Si vous pensez que Fight Club et Burning Man n’ont rien en commun, vous avez tout faux.

À voir aussi sur Konbini

On a déjà tous rêvé de fonder une communauté, un mouvement, quelque chose de nouveau, d’inspirant. Bien sûr la difficulté c’est de passer le cap et de se lancer. C’est ce qu’a réussi à faire une bande de penseurs libres, d’explorateurs urbains, devenus influenceurs depuis les années 1980. Un peu malgré elle, la Cacophony Society est à l’origine de plusieurs piliers de notre culture populaire actuelle, comme SantaCon, Burning Man et Fight Club.

Fondée à San Francisco en 1986, la Cacaphony Society est un réseau d’individus répartis sur tout le continent américain unis par la quête d’un esprit de communauté, de rassemblement de connaissances. Mais ils ont quelque chose en plus, qui va au-delà des normes mondaines de la société.

John Law, membre fondateur et explorateur urbain de la première heure, a expliqué à Konbini comment le rassemblement du groupe Cacophony dans le désert de Californie est devenu le festival Burning Man ; comment Chuck Palahniuk a été inspiré par le caractère mystérieux et subversif du groupe pour écrire le best-seller Fight Club ; ainsi que la genèse de SantaCon, une réunion annuelle de “pères Noël” qui a désormais lieu dans toutes les grandes villes du pays.

Du feu de joie du solstice d’été à… Burning Man

Tous les ans, Larry Harvey et Jerry James, deux membres de San Francisco, organisaient un feu de joie pour célébrer le solstice d’été sur la plage de Baker Beach. Interdit par les forces de l’ordre en 1990, l’évènement a dû être délocalisé. Heureusement, John Law savait exactement où aller :

“J’ai été dans le désert de Black Rock pour la première fois au milieu des années 1980. À l’époque, nous organisions des virées entre membres de la Cacophony, pour avoir l’impression de se balader sur une autre planète.

Nous sommes revenus dans la région de Los Angeles en 1989 pour escalader les lettres du mot ‘Hollywood’, puis de nouveau en 1990 pour fêter ce que nous appelons Bad Day. Cette fois nous avons choisi Black Rock, que nous surnommions la ‘zone trip #4′, le futur lieu d’installation de Burning Man.”

Le Bad Day était une manifestation très étudiée, régie par plusieurs idéologies du groupe, à commencer par une certaine vision de l’exploration de l’espace public. John Law explique :

“Ne prenez rien et ne laissez rien. Utilisez l’espace et respecter le. On ne brisera aucun cadenas pour entrer. On ne brisera aucune fenêtre pour entrer. Nous trouverons le moyen d’entrer par le toit ou autrement.”

John Law s’est détourné de l’évènement en 1996, à cause du changement d’état d’esprit :

“Les gens s’amusent, c’est une fête géniale où l’on voit des choses drôles, mais c’est impossible de gérer les déchets de 70/80000 personnes avec un vent à 60 kilomètres par heure.

L’équipe de nettoyage qui intervient fait un travail incroyable, mais c’est malgré tout impossible de ne pas causer de dommages irréversibles sur l’environnement avec un évènement comme celui-ci.”

Il constate maintenant à Burning Man, ce qu’il appelle un “système pyramidal glorifié”, avec l’installation de sites de camping luxueux et la gentrification du festival. “C’est devenu exactement ce à quoi j’essayais d’échapper en venant dans le désert”, dit-il.

Le SantaCon dans les années 1990 : embrouiller les médias

Santa Con est également né à San Francisco, en 1994. Il s’agissait alors d’une manifestation visuelle de mélange des cultures, ou, autrement dit : “d’embrouiller les médias“, comme le dit John Law.

L’organisateur, surnommé Santa Rob pour préserver son anonymat, est tombé sur un article du milieu des années 1970 évoquant un groupe danois spécialisé en blagues politiques. Ses membres se sont un jour introduits dans un grand magasin à Copenhague habillés en “pères Noël”, où ils ont distribué gratuitement à la foule des articles en rayon. L’histoire s’est finie avec l’intervention de la police qui a tabassé le groupe et repris les jouets aux enfants.

Si on perçoit cet événement comme un acte politique, tous ces enfants qui ont vu la police donner des coups au père Noël et reprendre leurs jouets ne l’oublieront jamais“, ajoute John Law.

Alors que le premier SantaCon a eu lieu en 1994, dès 1995, l’évènement était déjà hors de contrôle. John Law, à qui on a reproché d’être un mauvais père Noël en 1995, explique :

“Il y avait 100 ‘pères Noël’. Un groupe de 100 personnes c’est une foule. En 1994, l’un d’entre eux avait vomi dans un bus et trois autres avaient été arrêtés.

La branche de Portland de Cacophony était intéressée par le fait d’organiser l’évènement en 1995 malgré tout, nous avons donc pris un avion pour nous y rendre. Imaginez 45 ‘pères Noël’ dans un avion.”

Dans ses souvenirs, l’édition de 1995 ne s’était pas fini avec du vomi mais une tentative avortée d’assister à un spectacle de patinage de la championne olympique Tonya Harding. Face à la rangée de policiers qui leur interdisait l’accès au bâtiment, le groupe de ‘pères Noël’ a d’abord chanté “Jingle Bells” avant de déguerpir.

Puis la fièvre SantaCon s’est emparée de Los Angeles en 1997, avant de débarquer à New York en 1998. John Law y était :

“C’est la dernière année fois que j’ai participé. À ce stade, c’était devenu un énorme mème qui faisait la une des journaux, et je me souviens avoir entendu des années plus tard qu’il y avait eu 10 000 ‘pères Noël’ dans les rues de New York et m’être dit : bon sang…”

© SantaCon London.

Une virée en camping qui a inspiré Fight Club

Au début des années 1990, Chuck Palahniuk était un jeune diplômé de journalisme travaillant comme mécanicien et membre de la Cacophony Society de Portland.

Pour John Law, Chuck Palahniuk, qui a rédigé la préface de son livre paru en 2013 Tales of the San Francisco Cacophony Society, s’est beaucoup inspiré de la culture underground et trash de la Cacophony pour écrire Fight Club.

Dans son livre paru chez Denoël en 2005 intitulé Le festival de la couille et autres histoires vraies, Chuck Palahniuk confirme qu’il a définitivement pioché dans les pratiques et les évènements excentriques de la Cacophony Society pour imaginer le concept du Project Mayhem de Fight Club.

Sa plus grande source d’inspiration a été une altercation à laquelle il pris part lors d’une virée en camping. Alors qu’il était revenu au travail le visage gonflé et parsemé de bleus, ses collègues ont évité de lui demander ce qui s’était passé. Cette réticence à s’immiscer dans sa vie privée lui a donné l’idée du Fight Club.

En dehors de l’influence qu’elle a eue sur la culture du mème et les médias, la Cacophony Society s’est montrée particulièrement innovante pour concocter de nouvelles façons de bousculer le système, devenues aujourd’hui des habitudes pour certains citadins.

Les deux célèbres artistes de street art Ron English et Shepard Fairey (à qui l’on doit entre autres l’affiche de campagne d’Obama en 2009), ont par exemple tous deux été influencés par la Cacophony, qui substituait à l’époque des lettres et des mots par d’autres sur les panneaux d’affichages dans le secteur de San Francisco pour en altérer le sens.

“Nous n’avions pas intellectualisé un quelconque objectif d’avoir un impact sur la culture ou le monde avec nos conneries, c’était simplement un élan de créativité et d’organisation d’évènements.”

Le mouvement d’unité présent dans les évènements organisés par la Cacophony a grandi jusqu’à devenir une forme d’avant-garde. S’il y a toujours eu des légions de jeunes plus ou moins créatifs qui se lancent dans des explorations spontanées du milieu urbain et qui commettaient joyeusement des petits larcins, John Law sait bien qu’il suffit d’un mot ou d’un geste qui sort de la norme pour tout changer.

Traduit de l’anglais par Sophie Janinet