500 000 personnes sont inscrites deux fois sur les listes électorales

500 000 personnes sont inscrites deux fois sur les listes électorales

Nous avons rencontré Laure M., 25 ans, qui dispose, fait inédit, de deux cartes électorales. Cette dernière pourrait donc potentiellement voter à deux reprises à chaque tour des élections.

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Laure* M., 25 ans, a vécu chez ses parents dans l’Ain jusqu’à sa majorité. Puis, au gré de ses jobs étudiants et de ses études, la jeune femme a beaucoup bougé dans l’Hexagone, ayant à chaque fois recours au système du vote par procuration lorsqu’une élection avait lieu et qu’elle ne pouvait se rendre dans sa commune d’origine. Le 30 décembre 2016, domiciliée depuis plusieurs mois à Paris, Laure s’est inscrite in extremis sur les listes électorales de la ville afin de pouvoir y voter lors de la présidentielle et des législatives. Pendant trois mois, Laure s’inquiète de ne pas avoir eu de nouvelles de la mairie, craignant de n’être inscrite nulle part et de ne pas pouvoir mettre de bulletin dans l’urne.

Fin mars, en l’espace d’une semaine, les parents de Laure reçoivent sa carte électorale qui lui permet de voter dans l’Ain et la jeune femme reçoit celle de la ville de Paris. Ne sachant pas laquelle des deux est valable, Laure se dit que “la dernière reçue doit annuler la première”. Pour vérifier, elle appelle la mairie de sa commune d’origine, qui lui confirme qu’elle peut bel et bien voter dans l’Ain.

Comment cela peut-il être possible ? Il s’agit en réalité du cas de beaucoup de personnes qui ont vécu un déménagement récent. Lors d’un changement de domicile et donc de bureau de vote, la mairie doit adresser un formulaire à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) afin que ce dernier s’occupe de radier le citoyen de son ancienne liste électorale. Néanmoins, il arrive que le processus de transmission puisse rencontrer des petits problèmes, laissant actuellement environ 500 000 personnes en possession de deux cartes électorales.

“Si Marine Le Pen passe, je me dis que je pourrais peut-être faire annuler l’élection…”

Instantanément, Laure se dit qu’en cas d’un second tour de scrutin qui ne serait pas de son goût, elle pourrait faire entendre sa voix en disant : “J’ai voté deux fois, je n’ai pas respecté la loi et on est potentiellement 500 000 dans ce cas-là, il faut donc annuler et recommencer l’élection.” D’autant plus qu’elle pourrait techniquement et matériellement le faire : ne devant au départ pas se trouver à Paris pour le premier tour, Laure a demandé une procuration pour que son frère vote à sa place, mais l’annulation d’un rendez-vous fait qu’elle sera bel et bien dans la capitale le 23 avril. Tous deux pourraient donc frauder et mettre deux bulletins au nom de Laure dans les urnes.

Néanmoins, pour toute personne qui serait tentée de voter deux fois, la législation, par l’article L.92 du code électoral, prévoit évidemment une sévère punition : de six mois à deux ans de prison, ainsi qu’une amende de 15 000 euros. En découvrant la sanction qu’elle risque, Laure a décidé de pas tenter l’expérience. Néanmoins, certaines des quelque 500 000 personnes dans son cas pourraient ne pas être aussi effrayées par cette perspective. Les résultats pourraient donc être faussés, puisqu’en plus des problèmes évidents que cela pose, cette situation pourrait également augmenter le nombre d’abstentionnistes. Lors des élections législatives, cela pourrait aussi engendrer des triangulaires qui n’auraient pas lieu d’être. En effet, comme le rappelle Le Monde : “Cette distorsion du corps électoral a toutefois un impact en cas de scrutin ouvert à des triangulaires, la qualification pour le second tour se jouant à partir du nombre des inscrits et non de la participation.”

L’article 50 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 prévoit que :

“Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement des opérations, il lui appartient d’apprécier si, eu égard à la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a lieu soit de maintenir lesdites opérations, soit de prononcer leur annulation totale ou partielle. “

Il serait donc laissé à l’appréciation du Conseil constitutionnel le choix d’annuler ou non l’élection. Même si cela paraît très peu probable au regard de ce que cela impliquerait, ce scénario n’est pas à exclure.

*Le prénom a été changé à la demande de la jeune femme.