Qui est Samir Flynn ? Le grand gagnant d’un concours de rap en France

Publié le par Simon Dangien,

Samir Flynn lors de la finale du Buzz Booster. © Rastagraphe

Sa victoire survenue le 24 juin dernier, Samir ne l’a pas vécue comme une fin en soi. Retour sur ce qui l’a mené jusqu’au Buzz Booster et sur la suite de sa carrière.

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Le 24 juin, sur la scène Paloma à Nîmes, Samir Flynn, ce rappeur né d’une mère tunisienne et d’un père irlandais, rejoignait les Eesah Yasuke, Nemir, Vadek, Kikesa… tous anciens vainqueurs du Buzz Booster. Ce concours, qui existe depuis 14 ans, “valorise la scène musicale rap” et accompagne les artistes de demain avec différents outils et un fort réseau. Derrière la victoire de Samir Flynn se cache un véritable passionné de musique, au destin particulier et à la personnalité tonitruante. On a discuté avec le gagnant du Buzz Booster 2023.

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“Un soir, 16 jurys ont ressenti l’énergie”

Samir Flynn représentait la région Occitanie (région déjà victorieuse l’an passé avec le rappeur Moody) et a remporté le concours face à 10 autres artistes comme Gonzy, Muchos ou encore Noham. En plus des différentes récompenses promises au vainqueur, dont la somme de 15 000 € à investir dans la musique ou encore une tournée de 11 dates, le Buzz Booster lui aura permis de faire plusieurs rencontres : “Les finalistes Good Bana, Paul Vitesse (il avoue être fan bien avant de le rencontrer au concours), on va se capter en studio et même dans la vie, c’était vraiment des bêtes de découverte.”

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Pour ce concours comme dans sa musique plus globalement, il est soutenu par le programme toulousain d’accompagnement artistique La Capsule. C’est avec eux que Samir s’est inscrit : “À la base, on ne le faisait pas forcément pour gagner mais plutôt pour avoir une motivation, des échéances et un très bon entraînement. En plus, on pensait que je n’avais pas le profil du gagnant pour ce concours. Cette faculté de recul total sur sa victoire, Samir nous l’explique avec clarté.

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“J’essaye de rester très terre à terre. C’est-à-dire que, un soir, 16 jurés ont ressenti l’énergie. Des gens me disent que je l’ai mérité mais il y a quand même beaucoup de chance. On est 11 sur plus de 1 000 artistes, donc nous avions tous largement notre place. J’essaye de ne pas trop m’expliquer et de justifier ma victoire.”

Gagner face aux autres, ça n’a jamais été un leitmotiv dans la vie ou la carrière de Samir. Lui qui ne voit pas la musique comme “un truc de concurrence” galère un peu avec ce qui lui revient pourtant de droit : “Ce qui est grave cool avec le Buzz Booster, c’est la visibilité que ça donne, et merci à tous ceux qui se battent pour ce genre de dispositifs, mais en tant qu’artiste ça ne peut pas définir ma valeur.” Ses valeurs justement, Samir Flynn les met en contradiction avec sa vie actuelle. Se vendre, faire de l’argent et se distinguer en tant qu’artiste, “c’est assez compliqué”. Pendant l’entretien, il évoque ce paradoxe d’être un rappeur “assez antisystème” dans un métier ancré dans ce système justement.

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Du cœur, de la cervelle et beaucoup de tripes

La musique existe dans la vie de Samir depuis toujours. Au collège, il a un groupe puis commence à écrire en découvrant le rap. Mais c’est seulement depuis 2020 qu’il “prend ça vraiment au sérieux”. Il voit sa proposition artistique comme une “musique hybride”, tentant d’envoyer le plus possible dans les cordes les cases et autres catégories. “Mes inspirations, ça peut être Népal ou bien Balavoine, mais en général j’aime tout ce qui est à texte français, le fait d’écrire une chanson. Ces dernier temps, c’est aussi beaucoup dans le rock que je me retrouve.”

Cette fascination pour le texte poursuit l’artiste de 24 ans depuis petit. Une époque où il enchaîne les lectures : “J’ai eu une petite période où je n’aimais que les chansons qui disaient quelque chose. […] Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais je pense que ça a quand même défini une partie de ma musique.”

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“Ma musique est très impudique.”

Depuis avril 2023, il a sorti 3 singles qui sont pour lui les bases pour s’affirmer véritablement artistiquement et créer ce qu’il appelle “une vraie patte Samir Flynn”. “Ressens-tu”, dévoilé le 30 juin, quelques jours seulement après sa victoire au Buzz Booster, est un morceau qui plonge dans les tripes de l’artiste.

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“Je me souviens écrire ce refrain ‘Énergie, ressens-tu l’énergie ?’ et me dire ‘mais c’est ça la question !’, et les gens ont le droit de dire qu’ils ne la ressentent pas ! Ma musique est très impudique, et cette question arrive à la fin comme pour dire ‘est ce qu’on se comprend ?”’

Son prochain EP sortira le 18 août prochain et Samir prévient : “Ça va être doux dans les productions musicales mais pleinement engagé dans les paroles.” Un exercice déjà amorcé dans “pas parfait”, le dernier morceau de son projet mAAAquête mis en ligne en décembre 2022. L’engagement, c’est le prolongement de Samir et de sa musique, il infuse et diffuse son parfum dans chaque ligne de texte, chaque intonation de voix et prise de position.

“Mon père a fait mon éducation politique très tôt, je le voyais aller à toutes les manifs et maintenant, malgré moi, les rapports de pouvoir, l’état du monde, ce sont des choses qui reviennent et dont je suis passionné. Malgré cet engagement politique profond, le Toulousain ne voit pas forcément la musique comme un espace de lutte et il rejette les termes “rap engagé” ou “rap conscient”, ne se sentant “pas plus conscient que quelqu’un qui ne parlerait pas de politique.”

Un squat, la bohème

“Pendant un moment, j’ai été une sorte d’ingénieur son/directeur artistique du squat dans lequel j’étais.” C’est comme ça que Samir Flynn résume LA grande aventure de son début de carrière. Cette aventure s’appelle Cluster, un squat dans le centre de Toulouse transformé en véritable studio et qui aura duré presque 2 ans, de septembre 2020 à décembre 2022. Là-bas, tous les enregistrements étaient gratuits et Samir ne gagnait quasiment pas d’argent, “il n’y avait pas cette idée de chaîne. C’était une sorte de bohème et j’avais l’impression que le monde autour n’existait plus, c’était ultra-marginal.” Derrière sa tête trotte maintenant cette idée de faire un documentaire pour montrer ce qui s’est passé et, pourquoi pas, relancer le concept “de manière plus construite, car la réalité nous rattrape et que niveau santé ou financier j’ai dû arrêter car ce n’était pas viable à long terme.

“Ça m’a fait rencontré des gens et glow up artistiquement en découvrant de nouveaux artistes aux inspirations différentes et inconnues encore pour moi. C’était un échange permanent de vie.”

Dans le clip de “ALLRIGHT”, vous pourrez découvrir quelques bribes de vidéos tournées à cette époque dont Samir nous parle avec tant de passion :

Du Cluster est sorti l’EP mAAAquête, les 12 meilleurs sons conçus dans cet endroit hors du temps. On retrouve plusieurs artistes présents durant cette épopée, comme Selug sur le morceau “la vague”. Pendant ces presque 2 ans, ce n’est pas moins de 3 ou 4 groupes qui se sont lancés : “On a tous tourné dans des bars de Toulouse“, dit-il. Cette expérience lui a permis de s’affirmer jusqu’à devenir le 14e vainqueur du concours Buzz Booster. “J’ai un truc avec la scène, c’est un peu comme un bain brûlant. Ça fait peur, ça brûle un peu, mais très vite je me sens dans mon élément.”

Au final, Samir Flynn ne peut pas être considéré uniquement comme le gagnant du Buzz Booster, véritable tremplin et vivier du futur du rap français. Un humain qui a des trucs à dire “et qui a le droit de le faire”, c’est plutôt comme ça qu’il perçoit et ressent sa musique, sa victoire n’étant qu’une étape dans la carrière d’un artiste de 24 ans.