“Tu étais habillée comment ?” : cette expo s’attaque à la culture du viol dans les universités américaines

Publié le par Mélissa Perraudeau,

@https://twitter.com/saramarieshep/status/907978746988298240?ref_src=twsrc%5Etfw&ref_url=https%3A%2F%2Fnytlive.nytimes.com%2Fwomenintheworld%2F2017%2F09%2F15%2Fpowerful-display-on-university-campus-confronts-myths-about-sexual-assault%2F

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Une université américaine déconstruit une question encore trop souvent posée aux victimes d’agressions sexuelles, pour que la honte et la culpabilité pèsent sur les véritables responsables.

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La culpabilisation des victimes de viol et la déresponsabilisation des agresseurs et des violeurs sont de plus en plus dénoncées dans les facultés américaines. La jeune femme qu’a violée Brock Turner, un nageur de l’université de Stanford, avait par exemple été moins bien considérée par la justice que son agresseur.

Libéré pour “bonne conduite” après seulement trois mois de prison, soit la moitié de sa peine − déjà très légère −, le coupable avait bénéficié des craintes du juge qui ne voulait pas que ce viol ait un “grave impact” sur… Brock Turner. Il était ainsi question des exploits sportifs de l’étudiant champion de natation et de sa carrière promettant d’être glorieuse, sans jamais s’attarder sur les conséquences du viol qu’il avait commis sur la victime, qu’il avait détruite. À elle, on lui avait notamment demandé “ce qu’elle portait ce soir-là”.

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Une culture du viol omniprésente dans notre société

Et son cas semble malheureusement représentatif : selon un sondage publié par le journal Washington Post et la fondation Kaiser Family en 2015, “20 % des jeunes femmes qui sont allées à l’université ces quatre dernières années disent avoir été sexuellement agressées”. La même année, une étude de l’université Brown (Rhode Island) précisait que plus d’une femme sur six était agressée sexuellement pendant sa première année universitaire, “le plus souvent en état d’ébriété ou dans l’incapacité de se défendre”. Le problème du viol et des agressions sur les campus américains apparaît ainsi comme particulièrement important, et il s’inscrit dans une culture du viol qui dépasse les murs des établissements scolaires.

Cette culture du viol est également particulièrement présente en France, où une étude sur le viol et la façon dont il est perçu par la population, réalisée en 2015 et publiée par Ipsos, montrait par exemple que 40 % de la population considérait qu’une attitude provocante en public atténuait le viol ou responsabilisait en partie la victime. Et 27 % des interrogés affirmaient qu’une tenue sexy dans la rue (une jupe ou un décolleté) pouvait justifier le crime.

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Pour ne plus entendre “Tu étais habillée comment ?”

Pour déconstruire la culture du viol et le mythe selon lequel la victime serait responsable de son agression, une université américaine a trouvé une nouvelle façon de sensibiliser ses élèves. Le Huffington Post rapporte l’initiative de l’université du Kansas, qui a présenté mi-septembre pendant plusieurs jours un projet artistique intitulé “What Were You Wearing?” (“Tu étais habillée comment ?”). Dix-huit tenues inspirées de dix-huit témoignages y étaient exposées pour montrer l’invalidité du slut-shaming infligé aux victimes de viol.

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Ce sont Jen Brockman, directrice du Centre de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles de l’université du Kansas, et la doctoresse Mary A. Wyandt-Hiebert, qui supervise toutes les initiatives du service de sensibilisation au viol de la faculté, qui ont eu l’idée du projet en 2013. Des étudiantes de l’université du Kansas et de grandes écoles de la région victimes de viol ont partagé leur histoire sur des forums anonymes, un journal exposé dans des galeries ou encore Internet à l’aide de hashtags. Les tenues ont ensuite été données d’après les descriptions qui en avaient été faites dans les récits par des étudiantes, voire par les victimes elles-mêmes. Le Huffington Post explique qu’une femme ayant été agressée trois fois au cours de sa vie a par exemple donné les trois tenues qu’elle portait. Et l’exposition a été présentée dans d’autres établissements, comme les universités de l’Arkansas et de l’Iowa.

Faire peser la culpabilité sur les agresseurs

Le projet réunit 40 récits de violences sexuelles, mais n’en expose que 18 à l’université du Kansas. Il met les victimes au centre, en invitant les visiteurs à se mettre à leur place. Les vêtements montrent un seul point commun entre les victimes : l’horreur et l’injustice qu’on leur a fait subir. Une robe de petite fille, un bikini, un jean et un T-shirt, une robe rouge près du corps… Les récits, courts et choquants, accompagnent les tenues. Le Huffington Post a notamment traduit :

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Tu étais habillée comment ? Une robe d’été. Des mois plus tard, en regardant dans mon placard, ma mère m’a reproché de ne plus mettre mes robes. J’avais 6 ans.”

Ou encore :

Tu étais habillée comment ? Je ne suis pas allée au travail pendant deux jours après l’agression. Lorsque j’ai raconté à ma chef ce qui m’était arrivé, elle m’a posé cette question. Je lui ai rétorqué : ‘Un T-shirt et un jean, ce qu’on porte quand on va voir un match de basket, connasse !’ J’ai démissionné sur le champ.”

L’objectif du projet, comme Jen Brockman l’a expliqué au site, est de sensibiliser aux violences sexuelles et de lutter contre la stigmatisation des victimes, de “tordre le cou à la croyance selon laquelle il suffit d’éviter de porter cette tenue pour être sûre de n’avoir aucun problème, ou que l’on peut faire disparaître les violences sexuelles en changeant de manière de s’habiller”. On ne peut qu’espérer voir ce genre d’initiatives bientôt en France.