Du 14 au 25 mai 2024, le festival de Cannes ne sera pas le seul événement à célébrer le septième art en France. Aux mêmes dates, en région parisienne, le Decolonial Film Festival présentera une vingtaine de films visant à questionner “les notions de colonisation, de pouvoir, et de résistance”. L’ouverture du festival se fera avec le nouveau film de Mati Diop, Dahomey, qui a remporté l’Ours d’Or à la Berlinale cette année. La projection aura lieu le mardi 14 mai à 20 heures au cinéma Luxy à Ivry-sur-Seine et sera animée par Elvire Duvelle-Charles du ciné-club féministe Tonnerre, en présence de la productrice Judith Lou Lévy.
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Partant d’un état des lieux plutôt “alarmant” du contexte politique français et de “la censure dans le monde de la culture, où on ne peut pas parler très librement, notamment de la Palestine”, tel que le note Sam Leter, coordinateur du festival, plusieurs collectifs ont imaginé conjointement “une plateforme engagée et militante pour des visions cinématographiques alternatives”.
En proposant un festival dédié aux questions de décolonisation, les collectifs souhaitent “ouvrir la discussion au plus grand nombre, sortir des cercles exclusivement militants et académiques, qui peuvent être assez niches, et viser le grand public”. “Les outils qui permettent cette ouverture, c’est la culture, le ciné et la musique notamment”, résume Sam Leter, qui a roulé sa bosse autant personnellement dans les milieux militants que professionnellement dans le cinéma et la distribution – deux milieux qui se croisent peu, déplore-t-il.
Les trois premiers épisodes de la série documentaire Nos statues coloniales de la chaîne Histoires crépues seront diffusés dans le cadre du Decolonial Film Festival, suivie d’une discussion avec le coréalisateur Seumboy Vrainom :€. (Photo : Reha Simon)
C’est aussi en réaction aux annulations des séances-ciné du collectif juif décolonial Tsedek!, dont il fait partie, que Sam Leser a eu la volonté de créer un festival indépendant. En février dernier, deux des projections du film de Jonathan Glazer sur la Shoah, La Zone d’intérêt, s’étaient vu annulées au dernier moment. Le cinéma Grand Action évoquait “des pressions extérieures [ayant] conduit à l’annulation de la participation des intervenant·e·s prévue·e·s”, rapportait Le Monde.
Le Majestic Bastille parlait quant à lui “de raisons techniques” menant à une annulation, ajoutait Télérama. De son côté, Tsedek! dénonçait sur Instagram une censure qui privait, par deux fois “en moins de deux mois”, “des voix juives antiracistes de parole”. “Le message est clair : en tant que juif·ve·s antisionistes, nous ne serions pas légitimes à parler publiquement de l’antisémitisme et de la Shoah sur lesquels porte le film de Glazer.”
© Thémis Belkhadra
Un festival intersectionnel
Pour ne pas dépendre de gros réseaux de l’industrie, le Decolonial Film Festival s’organise de façon indépendante et solidaire, grâce à une levée de fonds. Pensé comme “un contre-pied audacieux” aux tapis rouges élitistes et parfois soumis à la censure, le festival décolonial vise l’intersectionnalité, avec “un comité de programmation constitué de plusieurs organisations antiracistes, féministes, queers, et diasporiques”, tels que le Festival Ciné-Palestine, Manifesto XXI, le podcast JINS, l’association Cinewax ou encore Artagon. “Le cinéma permet d’être exposé à des pensées plus rigoureuses, ici décoloniales par exemple, et c’est plus accessible que d’aller en manif ou d’assister à des conférences”, souligne Sam Leter.
La vingtaine de films sélectionnés dresse un état des lieux de “la colonisation élargie” à travers le monde (de la Palestine aux Antilles en passant par l’Afrique de l’Ouest et du Nord) et les époques en écho à cinq thèmes différents : “héritage, diaspora, spiritualité, terre et résistance”. Les cinémas franciliens projetteront des courts et longs-métrages, des documentaires, des fictions, des films récents ou plus anciens, afin que chacun·e y trouve son compte, même celles et ceux qui ne sont “pas forcément intéressés par les questions diasporiques et identitaires”. “L’idée n’est pas de créer de l’entre-soi mais quelque chose de bienveillant, un espace décolonial et libérateur” afin de combler un manque de dialogue et “d’enseignement sur la colonisation française”.
Le Decolonial Film Festival aura lieu du 14 au 25 mai 2024 dans cinq cinémas d’Île-de-France. Vous pouvez retrouver les infos du festival sur le compte Instagram du Decolonial Film Festival et participer à la levée de fonds sur KissKissBankBank.
