Si j’adore les jolies choses, le beau, l’élégant et la finesse (bref, je suis Taureau), j’ai un aveu à vous faire : hormis la truffe, ma seule marotte un peu raffinée, mes goûts culinaires sont similaires à ceux d’un clébard. Je n’ai aucun problème à manger du surgelé. J’adore quand le gras dégouline au point d’être suspect. J’ai une addiction aux nouilles instantanées – moins elles sont chères, mieux c’est – et je trouve que chaque plat réchauffé au micro-ondes le lendemain est un océan de saveurs dans lequel je mérite de nager. Bref, je n’ai pas les goûts d’une personne chic ou gentrifiée et, preuve en est, mon unique critique culinaire jusqu’ici concerne un taco burger (quelle grâce). 2024 étant l’année où l’on sort de sa zone de confort, j’ai donc tenté d’améliorer mon palais de toutou et me suis rendue au Marie Akaneya, resto japonais et discret dans le 9e arrondissement parisien dont les avis Google vantent l’excellence de la viande. Je ne crois que ce que je vois ou que ce que je goûte, donc let’s go.
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L’endroit est clairement pour les connaisseurs. La devanture ne paie pas de mine et il faut appuyer sur un bouton pour entrer, comme dans pas mal de pays d’Asie. C’est peu de le dire, dès lors que j’entre, j’ai l’impression d’être revenue en vacances à Tokyo avec cette décoration distinguée mais discrète, ce clair-obscur propice à l’intimité, les grandes serviettes chaudes pour se nettoyer les mains et ces petites tables-barbecues qui sentent bon la graille. L’enjeu est double en ce midi de tous les dangers : je vais m’essayer à des mets raffinés auxquels je ne suis pas si accoutumée (#fraude), et surtout, nous avons opté pour un menu long de plusieurs plats, ce qui nous cloue à table pendant plusieurs (délicieuses) heures de supplice. Or, j’ai un palais de clebs, mais un appétit de moineau – oui, la métaphore animale est infinie. Pas sûre de tenir longtemps dans ce marathon. Pour nous mettre d’aplomb, on nous file un petit verre de saké aux prunes, puis une soupe miso. Habituellement, c’est une entrée que je saute, la trouvant fade et inutile. J’ai toujours été difficile, que voulez-vous. Eh bien, ici, je la lèche comme un labrador lapant jusqu’au bout sa gamelle. Le nectar est divin. Et ce n’est que le début des festivités.
Slurp : une soupe miso d’Hokkaido (Konbini)
Une viande qu’on ne goûte pas mais qu’on embrasse
Le hot pot de légumes et champignons est de la même teneur, je me régale et je découvre que oui, j’apprécie finalement les légumes comme une vraie adulte – presque envie d’écrire à ma daronne pour lui annoncer l’heureuse nouvelle. Arrive enfin le nerf de la guerre, ce qui fait la réputation du lieu : le bœuf. Et ça, je vais en manger à toutes les sauces et cuissons. Du wagyū harami (une hampe de bœuf), du shimofuri (un faux-filet) et surtout du Matsusaka, aka la viande de bœuf nippone la plus reuch et recherchée, devant celle désormais plus populaire de Kobe. Je ne ferai pas durer le suspense plus longtemps, et je présente mes excuses les plus plates à mes amis végétariens : c’est la régalade. Une zinzinerie. À chaque bouchée, je sens que le doberman en moi gagne en sagesse, se gentrifie. La viande est si moelleuse que j’ai même l’impression de la galocher. Le vin blanc me monte à la tête, j’ai les larmes aux yeux (de bonheur ? la chaleur du barbec ?) et me vois contrainte de faire un break aux WC. Les toilettes aussi sont japonaises. Et là, c’est la chialade. Ce moment hors du temps, où mes fesses sont bien au chaud, est comme un cadeau d’anniversaire avant l’heure.
Le meilleur bœuf du Japon, askip, mais à Paris (Konbini)
Mais il faut bien que je retourne à table terminer le salé. Je remarque toutefois que je suis habituée aux saveurs, mais pas forcément in a good way : j’ai du mal à repérer, à force, ce qui est “mieux” ou “plus recherché”. L’excellent devient juste très cool au gré du temps. Mon amie, elle, me dit l’inverse : “Tu rigoles, c’est d’une tendreté ! C’est meilleur de bouchée en bouchée.” Bien que pour moi ça ne soit pas le cas, je la crois, même si je suis sûre qu’elle voulait juste caser le mot “tendreté” en bonne fan de Top Chef qui se respecte. Amis amateurs de sucré, j’aurai peu de choses à vous dire sur les desserts. J’ai dû sauter celui au matcha (hélas), car il contenait un ingrédient auquel je suis intolérante, et même si j’adore les toilettes du restaurant, j’aimerais ne pas y passer plus de temps, si vous voyez ce que je veux dire… À la place, on me confie un moelleux au chocolat convenable mais qui n’a pas le caractère exceptionnel des plats qui l’ont précédé. Voilà, vous voyez, je deviens déjà snob.
Heureusement (ou pas), le côté doberman revient devant le clou du spectacle : le Kuraunmeron, ou l’un des meilleurs melons du monde. Le hic, c’est que… je n’aime pas le melon. Trois généreux coups de cuillère n’y feront rien. Mon escapade culinaire s’achève donc sur cette note un peu tiède mais mon ventre de femme désormais enceinte non pas d’un marmot mais de viandes d’exception est la preuve que j’ai passé un moment dantesque dans ce Disneyland de la bouffe, où j’ai clairement gagné en maturité (maman, j’ai mangé autre chose que des frites, t’as lu ça ??). Ce qui ne m’a pas empêchée de m’enfiler un sandwich hyper douteux (mais tout aussi délicieux) dans un souk au Maroc deux jours après. Je suis une femme aux multiples facettes, que voulez-vous ?
Le “Kuraunmeron”, aka la star du Melon (Konbini)
On y va quand ? Pour un événement inoubliable qui mérite une célébration qui l’est tout autant : un anniversaire, une demande en mariage, la sortie de l’album de Dua Lipa (à chacun ses batailles).
On commande quoi ? Tous les menus se valent et proposent une belle expérience mais celui à 180 euros est le bon compromis si vous en avez le budget.
On boit quoi ? On demande conseil et on profite des boissons made in Japan, histoire de ne pas faire le connard qui commande un vin français (typiquement, ce que j’ai fait).
On s’habille comment ? “Casual chic” (oui, on sait, ça ne veut rien dire), mais ni trop strict ni trop à l’aise, d’autant plus que vos fringues risquent de sentir le barbec…
Marie Akaneya
12 rue Godot de Mauroy (9e arrondissement, Paris)
Article réalisé dans le cadre d’une invitation presse.