Trailer : Dark Crimes, l’histoire du meurtrier qui racontait son crime dans un livre

Trailer : Dark Crimes, l’histoire du meurtrier qui racontait son crime dans un livre

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( True Crime © Bartosz Mrozowski )

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Par Lucille Bion

Publié le

On vous raconte l’histoire vraie et complètement folle à l’origine de ce film avec Jim Carrey et Charlotte Gainsbourg, dont le trailer vient de sortir.

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“L’inspiration naît-elle du vécu, ou de l’imagination ?” Telle était la question posée dans Every Thing Will Be Fine, le conte glacial de Wim Wenders sorti en 2015, avec James Franco et Charlotte Gainsbourg. L’actrice franco-britannique revient avec un thriller, scrutant le milieu littéraire. Elle donne la réplique à Jim Carrey dans True Crimes, un film qui retrace la folle enquête d’un inspecteur polonais, passionné par les puzzles complexes, obsédé par les petits détails. Ceux sur lesquels personne ne s’attarde.

Sorti en Pologne l’année dernière, le nouveau film d’Alexandros Avranas débarquera prochainement dans les salles obscures. Le cinéaste s’est appuyé sur l’article passionnant de David Grann, pilier de la rédaction du New Yorker, connu pour avoir écrit The Lost City of Z (récemment adapté par James Gray au cinéma).

Dans son célèbre papier – relayé par Slate –, le journaliste a retracé la longue enquête d’un inspecteur polonais, Jacek Wroblewski. L’homme qui a envoyé Krystian Bala du bon côté des barreaux de la prison. Cet écrivain-criminel a écrit sans complexe un bouquin sur le meurtre qu’il a commis, sans jamais se faire attraper. Retour sur cette histoire vraie qui a inspiré le cinéma…

Un corps nu flottait dans l’eau…

Comment Krystian Bala est-il devenu l’auteur le plus raté de l’histoire de l’humanité ? Pour répondre à cette question, il faut revenir quelques années en arrière. Dix-sept pour être exact. En décembre de l’année 2000, trois amis aperçoivent un corps sans vie flotter dans l’eau. L’homme est nu. Après l’identification du cadavre, la police de Wrocław annonce qu’il s’agit de Dariusz Janiszewski, porté disparu il y a un mois déjà.

L’homme de 35 ans, cheveux longs et yeux bleus, n’a rien d’un homme louche, embrigadé dans des histoires douteuses. C’est un homme d’affaires, marié, qui aime le rock. Il n’a aucun ennemi, aucune dette. Il s’est seulement disputé avec sa femme, il y a huit ans déjà, mais, depuis, le couple réconcilié prévoyait d’adopter un enfant. Pendant six mois, en dépit des nombreux interrogatoires, les trop minces indices trouvés ont conduit les détectives à abandonner les recherches. Le dossier a fini au fond d’un carton, remplacé par une dizaine d’autres affaires à résoudre.

Les années passent. Un jour, Jacek Wroblewski met la main sur ce document oublié. Fasciné, il se replonge dans les faits. Celui qui se fait surnommer “Jack Sparrow” par ses collègues s’aperçoit que les cartes bancaires de la victime n’ont pas été utilisées après son assassinat. Une note dans l’enquête le fait ensuite tiquer : selon la mère de Dariusz, qui travaille dans la même agence, son fils aurait reçu un coup de fil étrange le matin même de sa disparition. Comme il est absent, elle décroche. C’était la voix d’un homme, oppressant. Pensant bien faire, elle lui donne le numéro de téléphone portable de son fils. À son retour, Dariusz avait pris rendez-vous dans l’après-midi avec le mystérieux client du téléphone. Il n’en est jamais revenu.

Spécialiste des nouvelles technologies, l’inspecteur Wroblewski cherche à retrouver la trace de son mobile, sur lequel personne n’a jamais remis la main. Par chance, la femme du businessman avait gardé le ticket de caisse du mobile, ce qui lui permet de remonter jusqu’à l’objet. Il a été vendu par un certain Chris B. sur Allegro, quatre jours après la disparition de son propriétaire… Le policier parvient à découvrir l’identité du vendeur : Krystian Bala.

L’auteur d’un roman sulfureux pour suspect

Krystian Bala, apprend-il au fil de ses recherches, est un intellectuel polonais fasciné par la philosophie. Parti vivre aux États-Unis, alors que sa femme Stasia venait de le quitter suite à son infidélité, le trentenaire a aussi fréquenté le Japon et la Corée du Sud. La Pologne, il n’y retourne que pour voir sa famille. Lorsque l’inspecteur découvre qu’il a publié un roman sulfureux, Amok, en 2003, il en épluche immédiatement toutes les pages. Dans son article, David Grann compare ce roman à celui des écrits de Michel Houellebecq :

“Le livre est sadique, pornographique et pervers. Le personnage principal, qui raconte l’histoire, est un intellectuel polonais blasé qui, quand il ne philosophe pas, boit et baise avec des femmes.”

En un rien de temps, l’enquêteur s’alarme : le héros s’appelle Chris, comme son pseudo. Dans la fiction, Chris tue sa petite amie et s’interroge à travers le texte : “Que m’est-il arrivé ? Qu’est-ce que j’ai fait ?” Le personnage semble rongé par la culpabilité. Il évoque même, plus loin, un crime qu’il a commis il y a dix ans. Un homme mystérieux qui lui aurait manqué de respect.

Au fil de sa lecture, l’inspecteur Wroblewski note que plusieurs passages du roman corrèlent avec le meurtre de Dariusz Janiszewski. Par exemple, il a vendu l’arme du crime, un couteau, sur Internet, comme le téléphone. Il élargit ses recherches, et analyse la promotion autour du livre. L’auteur avait créé un forum et discutait souvent avec ses lecteurs, sous le pseudonyme de Chris. L’un de ses admirateurs lui demande si, comme la plupart des écrivains, son roman était une manière de laisser s’exprimer son M. Hyde, le côté sombre de sa psyché. En réponse, il plaisante : “Je sais où tu veux en venir, mais je ne vais pas répondre. Il se peut aussi que Krystian Bala soit la création de Chris… Pas l’inverse.”

L’inspecteur, ne voulant pas se noyer dans la paranoïa, ordonne alors à chacun de ses collègues de lire un chapitre du livre, pour trouver des indices. Le plus important étant de rester discret, Bala ne devant se douter de rien. Sinon, il pourrait ne pas revenir au pays ou s’enfuir à nouveau dès son retour. L’équipe sur le coup se contente alors d’interroger ses associés les plus éloignés, afin de construire son profil et le comparer à celui du héros de papier sulfureux. Il est décrit, lui aussi, comme un homme obsédé par la philosophie, qui boit beaucoup.

Pendant ce temps, Jacek Wroblewski s’aperçoit que cette histoire non résolue a le droit à sa propre émission, 977. Dans le même genre que Faites entrer l’accusé ou Les Enquêtes impossibles, le show télé retrace le meurtre de l’homme d’affaires polonais, jamais résolu. À la fin, les présentateurs font apparaître un numéro de téléphone et un bandeau, avec une adresse sur laquelle se rendre pour déposer la moindre information qui pourrait aider la police. En se penchant sur les visites du site, il s’étonne de voir des clics des États-Unis, du Japon et de la Corée du Sud… Le meurtre de Dariusz Janiszewski est avant tout une affaire locale.

L’entretien

En automne 2005, l’écrivain revient en Pologne. Jacek Wroblewski, qui jusque-là avait pris son mal en patience, met enfin la main sur son suspect. Il le ramène au poste pour essayer de le faire parler. Il évoque les étranges corrélations entre son livre et le meurtre pour lequel il a été convoqué. En vain. Il lui demande alors comment et pourquoi le téléphone de Dariusz Janiszewski s’est retrouvé entre ses mains : il ne s’en souvient pas, c’était il y a cinq ans. La police se résout alors à le relâcher. Heureusement, elle a le réflexe de comparer les voyages de son passeport, aux visites de la page de 997, censées faire avancer l’enquête. Bingo ! Bala a bien visité le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis aux mêmes moments que les visites du site.

Pour se défendre, l’auteur attire l’attention sur lui et clame aux autorités et aux médias que la police l’a torturé, après l’avoir kidnappé. Pour poursuivre sa stratégie de victimisation, il tente de retourner le monde entier contre la police polonaise qui a “ruiné sa vie familiale et espionne sans gêne des individus innocents”.

Puis, miracle. Un témoin lâche une petite bombe. Malgorzata Drozdzal, une amie de Stasia, raconte à la police que pendant l’été de l’an 2000, alors que les deux femmes sortaient dans une boîte de nuit, le Crazy Horse, elle a vu Stasia bavarder avec Dariusz Janiszewski. Son ex-femme semble donc être la dernière personne à entendre. Jacek Wroblewski obtient enfin un indice tangible : Stasia confirme la version de son amie.

Elle a passé la nuit entière à discuter avec Dariusz, jusqu’à ce qu’il lui donne son numéro de téléphone. Ils se sont retrouvés dans un motel. Mais avant qu’il ne se passe quoi que ce soit, il lui avoue qu’il est marié. Elle part. Impossible pour elle d’avoir ce rôle de briseuse de foyer. Elle se souvenait de la douleur qu’elle avait ressentie lorsque Bala Krystian l’avait trompée, elle. Ils ne se sont jamais revus. Entre-temps, les relations houleuses entre Dariusz Janiszewski et sa femme s’apaisent.

Stasia raconte aussi que cette histoire est remontée jusqu’aux oreilles de Bala Krystian, grâce, paraît-il, à un détective privé. Comme fou, il la harcèle pour qu’elle avoue sa liaison avec Dariusz Janiszewski. Il la menace de se rendre chez lui, pour lui faire du mal. Lorsqu’elle apprend la disparition de Dariusz, elle demande à son ex-mari s’il a quelque chose à voir dans cette histoire. Il nie. Le pensant incapable de faire une chose pareille, elle en reste là.

La dernière ligne du roman prenait tout son sens : “C’était le seul tué par une jalousie aveuglante.”

Bala Krystian purge maintenant sa peine en prison. Il continue de clamer son innocence et réfléchit à une suite d’Amok : De Liryk.

Article écrit le 3 juillet 2017 et mis à jour le 17 avril 2018