Pierre est tout sauf un gamer. Il a bien, par le passé, joué à Mario Kart ou Wii Sports en famille, mais ça s’arrête là. Même s’il n’est pas joueur, il reste très curieux, et un sujet le fascine au plus haut point : l’e-sport.
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Le problème, c’est que l’e-sport n’est pas aussi simple qu’une partie de Super Mario Bros. Pourtant, cela ne m’a pas empêché d’emmener mon collègue voir le Prixtel Day, la rencontre en physique entre équipes, joueurs et supporters de la Ligue française de League of Legends (LFL).
Oui, League of Legends, ce jeu qui déchaîne les foules à travers le monde, premier titre e-sport en termes d’audience, mais surtout… incroyablement complexe et incompréhensible pour un profane qui n’y aurait jamais joué.
“Je m’attendais à plus d’amateurisme”
Je donne rendez-vous à Pierre à la Seine musicale de Boulogne-Billancourt. C’est ici que la LFL a posé ses valises le temps d’une soirée. Dix équipes, cinq matches, et plus de 3 600 personnes agglutinées dans les gradins de la salle. Premières impressions pour le newbie ? La production. Elle est démentielle.
“Le dispositif est ouf ! Que ce soit les lumières sur scène ou ces écrans géants pour voir toute l’action. C’est dingue ! Mention spéciale aux deux petits vidéoprojecteurs qui ne servent qu’à afficher le logo des équipes.”
<em>Crédits : @ElliottLeCorre</em>
Bien qu’il ait déjà vu des images et reportages sur les compétitions e-sport, il me confie à demi-mot : “Honnêtement, je pensais que c’était plus amateur.” Une idée reçue qui s’efface bien vite lorsqu’il voit la quantité de sponsors et de moyens qui ont été investis dans la soirée.
Il est également impressionné par les joueurs, qu’il peut observer grâce à la présence de dix webcams situées au-dessus des écrans des joueurs, eux-mêmes sur scène, devant leur PC :
“Ils sont tellement sérieux ! Ils ne bougent pas, ils sont hyper concentrés !”
<em>Laure Valée à gauche, Chips et Marex, tous les trois dans l’équipe OTP en charge du cast. Crédits : ©ElliottLeCorre</em>
Enfin, ce sont les casters, les commentateurs, de la chaîne OTP qui ont le plus bluffé Pierre. Par duo, Tweekz, Chips, Noi ou encore Marex se relaient pour commenter les parties en direct. Un exercice très difficile du fait de la myriade d’actions et de détails qui peuvent arriver en quelques secondes sur League of Legends, le tout avec un vocabulaire très spécifique.
“Ils sont trop forts. Au foot, tu regardes juste où va le ballon ; eux, ils arrivent à analyser aussi vite quelque chose d’aussi complexe avec un débit de paroles intense.”
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Le “Karmine Incident”
Et l’ambiance, alors ? Car je n’ai pas amené mon collègue à une rencontre en physique pour qu’il ne me donne pas ses impressions sur ce qu’il peut comprendre : la ferveur des supporters.
Crédits : ©ElliottLeCorre
Les premiers matches, Pierre n’est pas très surpris, il me nargue même d’un “franchement, je m’y attendais, j’avais vu des reportages déjà, etc. Les gens sont chauds, mais sans plus”.
J’insiste alors pour qu’il assiste bien au dernier match : Karmine Corp contre Vitality.Bee, deux géants de la LFL, qui vont s’affronter dans un match à grands enjeux. Et quand on parle de la KCorp, on parle évidemment du Blue Wall, ce groupe de supporters et ultras dédiés à l’équipe créée par Kameto il y a quelques années.
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Avant même l’arrivée des joueurs, la salle est remplie d’un brouhaha assourdissant, elle tremble. Je vois la stupeur dans les yeux de mon collègue alors qu’il observe les nombreux supporters brandir tous leurs drapeaux “Karmine” et entamer leurs chants de supporters – sur petit livret, s’il vous plaît.
“Cela n’avait plus rien à voir avec ce qu’il y avait avant, on avait carrément changé de paradigme. Les supporters étaient complètement déchaînés.”
Pierre me confie même avoir de la peine pour les supporters de l’équipe adverse, Vitality.Bee. Certes moins nombreux, les Golden Hornets donnent tout de même la réplique au Blue Wall.
Les supporters de Vitality obtiendront la victoire de leur équipe face à la KCorp. Crédits : ©ElliottLeCorre
“Je ne comprends rien et c’est frustrant”
En ce qui concerne les games, Pierre est bien plus perdu. “Mais même avant le match, il se passe des trucs ?”, me demande-t-il, incrédule. Le “avant”, c’est la phase de “draft”, où les équipes sélectionnent à tour de rôle les champions qu’ils vont jouer (pick) tout en interdisant (ban) d’autres champions à l’équipe adverse.
Une phase très stratégique qui peut parfois décider du sort d’un match avant même qu’il se joue – on parle alors de “draft diff”. Mais pour Pierre, c’est du sud-coréen, surtout quand j’essaie de lui expliquer pourquoi le pick de Lee Sin est particulièrement apprécié par le public du fait des “skill shots” et de la dimension spectaculaire du champion.
Durant les games, j’essaie de lui expliquer quelques détails, mais surtout, je lui dis, grosso modo, quelle équipe est en train de prendre l’avantage sur l’autre. Il n’a jamais touché à League of Legends, il y a donc des dizaines, si ce n’est des centaines, de détails que je ne peux lui expliciter.
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Passera-t-il le cap pour autant ? Que nenni ! Il sent que l’investissement en temps (et en émotions) est trop intense. Il me dit se sentir comme un “païen à qui les portes du paradis du gaming sont fermées”, presque exclu.
Au moins, il comprend mieux mon propre enthousiasme lorsque je parle avec d’autres collègues fans de LoL, même si les conversations en soi restent encore cryptiques.
Pour ma part, je ne doute pas que la graine a été semée et que d’ici quelques années, Pierre nous fera des call Nash à 21 minutes après dewarding complet.