Fallout 76 va probablement devenir un cas d’école dans les études marketing et les analyses de l’industrie vidéoludique. Un an après sa sortie, les polémiques ne semblent pas dégonfler. La franchise Fallout a toujours été un vrai condensé de post-apo saupoudré d’humour et de personnages fantasques. Depuis 1997, l’univers de ce monde loufoque ravagé par les bombes nucléaires était une source inépuisable de grandes aventures pour de nombreux joueur·ses. C’était sans compter sur Fallout 76 qui aura changé la donne, en mal.
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En juin 2018, à la conférence Bethesda de l’E3, Tom Howard, charismatique réalisateur et producteur exécutif chez Bethesda Game Studios, bien connu des fans, arrive tel un messie pour apporter des nouvelles du nouveau Fallout. “Une carte 4 fois plus grande que Fallout 4 (…) encore plus de personnalisation…”. A l’époque, Tom avait très bien su vendre son bébé…
Un concept de base bancal.
De base, Fallout 76 semblait aborder quelque chose d’assez dangereux pour une franchise RPG : le multijoueur. C’était l’argument principal de ce titre, la révolution venait du fait qu’on allait pouvoir s’amuser entre ami·es sur des serveurs partagés pour construire et se battre ensemble. L’idée n’est pas idiote en soi, mais elle ne correspondait en rien à l’esprit même de la franchise Fallout.
A l’instar de The Elder Scrolls (Skyrim, Oblivion, etc.), Fallout se doit d’être avant tout une aventure solo dans laquelle on nous offre un vaste univers où tout est permis. Les choix sont les plus importants, nous décidions de ce que notre personnage allait devenir : un héros valeureux ou un fieffé bandit cannibale (et tous les degrés entre). L’aventure solo s’apprécie avant tout pendant de longues sessions, dans une relation de long terme entre le joueur, son personnage, l’univers et les Personnages Non Joueurs (PNJ) qui le composent.
Utiliser le live-action et la cinématique, une technique bien connue pour la cacher la misère de ses graphismes.
En ouvrant au multijoueur, et surtout en en faisant l’argument principal du titre, Fallout 76 s’est perdu. Bethesda a succombé à la mode du “tout online” comme si utiliser les fonctionnalités en ligne étaient devenues une norme, une recette magique pour assurer le succès du jeu. Il faut bien sûr comprendre que dans le online se cachent aussi des micro-transactions et une monnaie virtuelle (les “atomes”) qui permettent d’obtenir des skins (cosmétiques) en échange d’euros sonnants et trébuchants.
Un démarrage laborieux.
Le démarrage de Fallout 76 fut un vrai chemin de croix pour Bethesda. On passera rapidement sur le “Bag gate” lorsque les gens qui avaient déboursé 200€ pour l’édition collector s’étaient retrouvé avec un affreux sac en nylon en lieu et place d’un sac en vraie toile annoncé.
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Du côté des ventes, les fans de la franchise restaient au rendez-vous puisque le jeu s’est tout de même écoulé à un million d’exemplaires dans sa première semaine. Mais lorsque les joueurs purent enfin jouer au jeu, ne serait-ce qu’à la bêta, la déception fut grande.
Un jeu bugué, des crash récurrents, des fonctionnalités online laborieuses ou encore une intelligence artificielle inexistante, toute la lie technique du jeu vidéo était réunie. Preuve d’un jeu sortie bien trop tôt et d’un développement probablement chaotique, un patch “Day One” pesant plus de 50 Go fut à télécharger le jour de la sortie, soit plus lourd que le jeu de base.
Mais même après cette “correction” majeure, rien n’y faisait : Fallout avait déjà perdu toute sa splendeur.
Les gouttes de trop : Battle Royal et “Fallout First”.
Pendant toute l’année 2019, Bethesda Studios peinait à se redorer son image, déjà parce qu’ils bannissaient beaucoup de joueurs pour avoir “osé” créer des mods gratuits destinés à améliorer le jeu (graphiquement ou techniquement). Mais surtout après que divers idées comme des loot boxes qui donnaient des réels avantages à ceux qui payent plus étaient émises (toujours plus…).
Ainsi l’E3 2019 fut celui du mea culpa pour le studio et l’éditeur, mais aussi une occasion de déclarer qu’ils n’abandonnaient pas leur titre (comme EA a pu le faire avec Anthem).
Au programme : un accès gratuit au jeu pendant une semaine, une mise-à-jour, elle aussi gratuite, qui tentait de corriger les erreurs du passé : meilleure IA, ajout de PNJ, bugs corrigés (en partie), etc. Mais parti de si bas dans l’estime des joueurs, c’était probablement trop tard, les fans voulaient tirer un trait sur le passé.
Bethesda s’accroche et en vint même à proposer un mode battle royale, décidant de foncer droit dans le mur du suivisme mercatique le plus pur. La “Fortnite-mania” commençait déjà à s’essouffler tout comme la “mode” du BR en général, le dernier gros challenger en date Apex Legends étant sorti 5 mois avant….
Le dernier coup de grâce fut donné le 23 octobre 2019 : l’annonce de “Fallout First”, un service “premium” à 13 dollars par mois… Après s’être fait troller en beauté par reddit (qui a pris le nom de domaine en premier), c’est carrément une “lutte des classes” qui est arrivée sur les serveurs entre ceux qui payaient et ceux qui ne payaient pas, ce qui donne aujourd’hui lieu à des scènes surréalistes.
Reddit a fait un beau pied de nez à Bethesda en les doublant sur le nom de domaine.
Il est clair que Fallout 76 entrera au moins dans des cours de marketing et sera un exemple pour de nombreux studios et éditeurs dans les années à venir. Bethesda Studios, oubliant les racines de sa franchise, a fait le pari du online, du battle royale et de l’abonnement, il aurait presque manqué un battle pass pour que la boucle soit bouclée.
Après cette série d’échecs marketing, c’est toute l’industrie vidéoludique qui a, heureusement, appris une leçon : les gamers sont rancuniers, vous n’aurez pas dix mille chances.