En France comme partout ailleurs, l’achat de faux followers a explosé. En témoigne le nombre d’entreprises qui ont vu le jour ces dernières années. YouBoost est l’une d’entre elles. Ce site propose un suivi ultra-personnalisé sur une dizaine de plateformes, d’Instagram à Facebook en passant par YouTube, TikTok ou encore Twitter. On peut y acheter une certification, mais aussi acheter des avis Google pour être mieux référencé sur le Net.
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L’objectif ? Jouir d’une “vraie fausse” réputation pour être plus visible sur les réseaux. “Augmentez votre audience rapidement et au meilleur prix. Nous vous aidons à développer votre contenu sur les réseaux sociaux et à devenir célèbre.” Dès la page d’accueil, YouBoost donne le ton.
Alors que le business des followers est connu depuis quelques années aux États-Unis, le youtubeur Babor avait levé le voile sur cette pratique encore méconnue en France. En février 2021, il poste ainsi une vidéo sur David Michigan. Cet influenceur aurait dépensé plus de 100 000 euros pour acheter des millions d’abonnés sur Instagram.
Pour percer le mystère de cette réputation artificielle, Babor avait fait appel à Pierre, à la tête de YouBoost. Un an après, on a voulu savoir ce qu’était devenue sa société. Pierre confie : “Après la vidéo de Babor, j’ai eu plus de 300 commandes par jour. On m’a invité à BFM Business, mais j’ai décliné l’invitation. Beaucoup de gens m’ont contacté pour avoir la certification.”
Un business fructueux
Un peu de contexte sur notre personnage : après une formation en comptabilité et une alternance dans le secteur de l’isolation thermique, Pierre lance YouBoost en mai 2020, alors qu’il n’a que 24 ans, un peu par hasard : “Je ne me suis pas levé un matin en me disant que j’allais faire ça. J’ai rencontré un entrepreneur pakistanais qui m’a donné son site, clé en main, pour faire la promotion de la vente de followers en France.”
Le site a connu un succès exponentiel et, au bout de deux mois, le jeune homme a arrêté toute activité à côté. Aujourd’hui, il vit entre Bordeaux et Bucarest : “Je n’ai pas de local, je travaille depuis chez moi. J’ai un développeur qui travaille à plein temps avec moi et des fournisseurs, qui travaillent pour YouBoost et des concurrents. On communique avec Telegram et WhatsApp. Ils s’occupent des commandes que je reçois.”
Un service ultra-personnalisé
“Je peux proposer plus d’une centaine de services”, explique Pierre. Le site de YouBoost met en effet à la disposition des acheteurs différentes gammes de followers, des moins crédibles aux plus “qualitatifs”. Les clients optent pour différentes options selon leurs objectifs et leur budget.
Les followers sont générés automatiquement, selon un procédé que l’entrepreneur n’a pas souhaité nous révéler. Ceux de la gamme la moins chère sont facilement identifiables. En revanche, si un client souhaite acheter des followers crédibles, dits “de meilleure qualité”, les profils seront difficilement identifiables par l’algorithme.
“Si tu veux que personne ne voie que tu achètes des followers, je te conseille d’acheter des profils français. Ainsi, tu ne pourras pas te faire ‘cramer’. Par contre, si tu achètes des abonnés ‘bas de gamme’, c’est différent. Généralement, les entreprises qui souhaitent acheter beaucoup de followers prennent du ‘bas de gamme’ pour ne pas payer trop cher.”
Les stratégies dépendent du profil du client : “Il y a des clients qui travaillent dans les NFT et les cryptomonnaies. Il y a aussi des gens qui ne sont pas connus et qui souhaitent promouvoir leur entreprise : ils achètent d’un coup 10 000 followers, et après, ils ne reviennent plus. J’ai aussi une base de clients réguliers”, nous confie Pierre.
Le prix évolue selon la quantité et la qualité des followers. “Le prix le plus bas, ça va être 3,99 euros, et le pack le plus haut est à 2 000 euros.” Comptez 6 000 euros pour obtenir un compte certifié. D’après nos calculs et la nature des informations communiquées, on estime que Pierre gagnerait aujourd’hui entre 15 000 et 35 000 euros par mois.
Que du bluff
Si l’achat de followers est instantané, le processus de “certification” est bien plus long. En effet, si une personne souhaite être “certifiée”, il faut justifier que le compte le “mérite” : “Instagram accorde difficilement la certification”, déclare le jeune homme. Lorsqu’un client demande une certification, YouBoost va tenter de créer une réputation autour du profil.
“Si, au départ, la personne n’est pas du tout connue du public, il faudra lui créer une popularité sur les réseaux. Pour obtenir la certification, il faudra qu’elle achète des followers. On créera en parallèle beaucoup d’articles sur la personne. Ça peut être des pages Wikipédia, des articles en partenariat rémunéré…”
Le but est d’attirer les gens sur le profil pour créer un effet “boule de neige”. “Acheter 10 000 followers, ça ne fait pas tout. Le but, c’est que des gens passent sur ta page et voient que tu as beaucoup de followers et croient en ta crédibilité”, affirme le businessman.
Au sujet de David Michigan, il ajoute : “Il a acheté 11 millions de followers, il a des articles dans Forbes India, etc. Il est dans l’abus, les gens ne sont pas dupes. Il faut le faire de manière intelligente et graduelle.”
À la frontière de la légalité
Selon Pierre, le business de followers est aussi fructueux qu’éphémère : “Je suis arrivé au bon moment, là où ça marchait le mieux. Si j’avais monté mon site aujourd’hui, ça ne marcherait pas autant. Il y a beaucoup de concurrence”, estime celui qui se présente le CEO de YouBoost.
On observe une certaine généralisation de ces pratiques, bien qu’elles aillent à l’encontre des conditions générales des plateformes. À titre d’exemple, l’algorithme d’Instagram se met à jour tous les six mois pour supprimer les comptes inactifs. Les clients de YouBoost bénéficient donc d’une garantie de 30 à 60 jours sur leurs faux followers. Mais le jeune entrepreneur ne s’en inquiète pas :
“Passé ce délai, les clients peuvent perdre leurs abonnés. À ce moment-là, on en discute et on trouve une solution. Cette situation n’arrive pas souvent. Pour l’heure, Instagram n’arrive pas à tout stopper. Nos fournisseurs peuvent contourner les restrictions, c’est fascinant.”
Ce ne serait qu’une question de temps avant qu’une législation n’encadre ces pratiques abusives : “Ça ne m’étonnerait pas que dans cinq ans, ce soit interdit”, nous confie Pierre. Néanmoins, pour l’heure, son business est légal et déclaré : “Quand j’étais en France, je la déclarais en France. Maintenant, je déclare en Roumanie car il y a des facilités d’entreprise. Lorsque j’ai exporté mon site en Roumanie, j’ai changé les mentions légales.”
Enfin, côté éthique, le jeune homme ne s’en soucie pas : “Tant que le business est légal et que ça marche bien, je continuerai.” Toutefois, à titre personnel, il assure qu’il ne fera jamais appel à ce type de services : “Certains clients ont une réelle stratégie de business et je trouve ça très intéressant. Pour mon compte perso, ça me dérangerait de passer par ces systèmes-là.”
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