Le 21 février dernier, la campagne Technopolice, menée par La Quadrature du Net, dénonçait l’utilisation par la RATP de “ses stations de métro comme laboratoires des technologies de surveillance de masse”, comme l’avaient repéré nos confrères de Clubic.
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En cause, la mise en place au sein de la station Châtelet-Les Halles, la plus grande de l’intramuros parisien, d’un “laboratoire de l’intelligence artificielle” qui serait une porte ouverte à la reconnaissance faciale, affirme Technopolice.
Contactée, la RATP affirme que les technologies de reconnaissance faciale ne sont pas à l’ordre du jour et explique que le laboratoire en question n’a pas encore été mis en place, mais qu’il le sera en 2020.
La “vidéosurveillance intelligente” à Châtelet-Les Halles
Technopolice fonde ses allégations sur deux textes, publiés à un an d’intervalle par l’Institut Paris Région, organisme spécialisé dans l’étude de l’urbanisme en France.
Le premier date du mois d’avril 2019 et est extrait d’une étude intitulée “La Police prédictive”. Il parle d’un “projet de surveillance intelligente mené par la RATP à la station Châtelet-Les Halles, permettant de repérer des individus sur la base d’éléments de couleurs de leurs vêtements”, dont la CNIL venait “de prendre connaissance”.
L’étude continue : “L’algorithme utilisé détecte les masses et pixels de couleurs permettant de faciliter le repérage d’un individu dans les couloirs, pour permettre son interpellation si nécessaire.” L’extrait est disponible à l’avant dernier paragraphe de la page 7.
Le second texte, disponible à la deuxième page, est plus récent. Publié en février 2019, c’est celui sur lequel s’appuie principalement Technopolice pour dénoncer les choix de la RATP sur Twitter :
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Plus loin dans le document, on trouve également mention des images enregistrées “quotidiennement, en floutant les visages des usagers, pour créer une base d’apprentissage pour les prochains algorithmes et les entraîner aux conditions réelles de ces espaces (luminosité, vibrations, flux aux heures de pointe, notamment)”.
La réponse de la RATP
Contactée par Konbini techno, la RATP explique n’avoir “aujourd’hui recours à aucune technique de reconnaissance faciale“. Entre 2016 et 2018, toutefois, un “algorithme de détection automatique des objets avait été mis en place”, souligne la régie par la voix de son service presse, au téléphone.
“Les tests sont terminés et ont permis de montrer qu’il y avait des points positifs sur ces algorithmes, mais aussi des obstacles techniques”, nous précise-t-on. Pour quelle utilité ? Ces algorithmes auraient été utilisés dans le cadre de la “gestion des flux et mouvements de foule”, explique la RATP, qui ne souhaite pas révéler quels sont ses partenaires sur ce type d’expérimentations.
Le groupe précise également que les informations de l’Institut Paris Région sont partiellement erronées : le laboratoire dédié à l’intelligence artificielle n’a pas encore été mis en place, mais le sera au “second trimestre de l’année 2020”. “Nous sommes en discussions avec la CNIL concernant le cadre légal, le type de technologies, le type de partenaires et d’algorithmes”, précise-t-on à Konbini techno.
Suite à cette conversation téléphonique, la RATP nous a transmis un texte, afin de préciser la situation. Le voici :
“La RATP n’a aujourd’hui recours à aucune technique de reconnaissance faciale. Si des expérimentations devaient avoir lieu en lien avec Île-de-France Mobilités, elles devraient faire l’objet d’un cadre légal stabilisé et incontestable.
La RATP a expérimenté depuis 2016 à Châtelet-Les Halles, un dispositif de détection automatique d’évènements à partir des caméras déployées dans ses espaces, dans le respect du cadre légal existant. Pour cela elle a utilisé des données anonymisées et ne fait pas appel à la reconnaissance faciale. Concrètement, il s’agit d’algorithmes capables de repérer des situations anormales (mouvements de foule, comportements violents ou objets délaissés, par exemple) et de donner l’alerte plus rapidement afin que, le cas échéant, une intervention humaine puisse être déclenchée.
Les tests réalisés par la RATP ont permis de mettre en avant les points positifs et les obstacles techniques et juridiques liés à ces nouvelles technologies.
Le “Lab Intelligence artificielle Vidéo”, qui sera lancé par la RATP au cours du 2nd semestre 2020, a pour objectif de poursuivre les expérimentations, afin de suivre l’évolution des technologies et d’optimiser le réseau de caméras vidéo au bénéfice des voyageurs. Ceci se fera également, bien entendu, dans le cadre légal applicable, incluant le RGPD. Des échanges ont lieu entre la RATP et la CNIL pour préciser ce cadre.
Rappelons que la vidéo protection constitue un outil indispensable dans la chaîne de sécurisation, en complémentarité d’une présence humaine dense et réactive. La RATP a, en Île-de-France, un dispositif de vidéoprotection composé de près de 51 000 caméras (36 000 embarquées et 15 000 fixes dans les espaces).
Pour l’ensemble du matériel roulant et les espaces de la RATP en Île-de-France, les images sont conservées jusqu’à 72 heures. Durant ce délai, elles ne peuvent être réquisitionnées que par la préfecture de police dans le cadre d’enquêtes judiciaires.”