“Deux poids, deux mesures” : des militantes féministes attaquent Instagram en justice

“Deux poids, deux mesures” : des militantes féministes attaquent Instagram en justice

photo de profil

Par Pierre Bazin

Publié le

Elles dénoncent la censure qui s'applique à leurs comptes tandis que leurs harceleurs s'en sortiraient indemnes.

Quatorze militantes féministes francophones, principalement actives sur Instagram, ont assigné en justice sa maison mère Facebook. Elles reprochent à la plateforme de censurer certaines de leurs publications tandis qu’elle laisserait, à l’inverse, des utilisateurs les harceler en toute impunité, comme nous le rapporte mercredi l’AFP.

À voir aussi sur Konbini

À l’origine de la procédure, les instagrameuses évoquent un “deux poids, deux mesures devenu insupportable“. Parallèlement, ces dernières “subissent au quotidien, du harcèlement, des messages d’appel à la violence, à la haine” qui ne sont pas modérés, a expliqué à l’AFP l’une de leurs avocates Me Valentine Rebérioux.

Leur objectif ? “Obtenir des réponses” sur la manière dont le géant américain conçoit et applique sa politique de modération, aux règles “bienveillantes mais absolument incompréhensibles“, poursuit-elle.

Selon l’assignation consultée par l’AFP, les militantes reprochent à Instagram d’avoir supprimé des publications telles que “Comment faire pour que les hommes arrêtent de violer ?” ou “Les hommes sont des prédateurs”, relayées après la révélation d’affaires d’incestes. Le tout assorti parfois de menaces de suppression de leurs comptes.

À l’inverse, un mot-clé comme “#féminazi” peut être repris dans près de 300 000 publications sans modération, pointe le document. Sont également dénoncées la suppression de photos de corps ou parties de corps dénudés ou suggérés, et “les censures permanentes” de comptes évoquant la sexualité comme @jouissanceclub.

L’activiste féministe Camille Lextray, l’une des plaignantes à l’origine du référé déposé auprès du tribunal judiciaire de Paris, relate :

“On s’est rendu compte qu’Instagram allait cacher certains comptes, pratiquant ce qu’on appelle du ‘shadow ban’, mais sans jamais l’assumer, ni [en] donner les règles.”

De son côté, la créatrice du compte @hysterique_mais_pas_que affirme avoir “des preuves indéniables” de l’existence de cette pratique, longtemps discutée sur les réseaux, qui ferait perdre “plus de la moitié de la visibilité du jour au lendemain” à certains comptes visés.

Enfin, la militante et danseuse Habibitch, associée à la procédure, raconte pour sa part avoir effectué en vain “des centaines de signalements” à Instagram après avoir subi plusieurs “raids soit de trolls, de fascistes ou de masculinistes“. Elle témoigne d’un certain épuisement psychologique dans les rangs des militantes : “Au bout d’un moment on est plus en colère contre la plateforme que contre les fascistes eux-mêmes.”

Instagram a répondu, dans une déclaration à l’AFP, que ses “règles sont conçues pour assurer la sécurité de [sa] communauté tout en lui permettant de s’exprimer aussi librement que possible“. Elle assure que ses équipes “examinent des milliers de signalements par jour“.

Konbini techno avec l’AFP.

Pensez-vous qu’il y ait une modération à deux vitesses sur les réseaux ? Vous pensez avoir témoin d’un “shadow ban” ? Écrivez-nous à hellokonbinitechno@konbini.com