Mais qui est donc Camille Noûs ? Ce·tte chercheur·euse qui a publié des dizaines de papiers scientifiques en moins d’un an – soit plus de 180 articles dans 110 revues exactement, cosignés par 280 co-auteurs dans plus de 35 pays – et dans des disciplines aussi variées que l’astrophysique, la biologie moléculaire et l’écologie.
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Prodige ? Que nenni. Camille Noûs n’existe pas – du moins pas vraiment. C’est un avatar créé de toutes pièces pour exprimer le ras-le-bol de chercheurs. Une figure symbolique créée pour “lancer une alerte sur certains aspects de la diffusion des sciences“, nous raconte l’une des personnes impliquées dans le projet, jointe par téléphone.
Camille Noûs a été lancé·e par le collectif français RogueESR, qui regroupe des chercheurs et enseignants français de domaines épars. Camille – prénom mixte – Noûs – nom forgé à partir du mot “nous” et qui en grec ancien signifie “esprit” ou “raison” – est là pour mettre en exergue plusieurs choses. Notons que ce n’est pas la première fois qu’un faux nom est intégré volontairement dans un article scientifique. À titre d’exemple, Andre Geim, qui a reçu le prix Nobel de physique en 2010, avait cosigné un article avec son… hamster. Drôle, mais moins percutant que la démarche de Camille Noûs :
“Des centaines d’articles publiés sous ce nom vont en faire le premier auteur de la planète“, écrit le collectif dans une newsletter, citée par le magazine Science, premier à avoir couvert le sujet, “avec la conséquence de déformer certaines statistiques bibliométriques et démontrer l’absurdité de l’évaluation quantitative individuelle.”
Plus clairement, c’est le système “entrepreneurial” des publications scientifiques à l’heure actuelle qui est dénoncé. “Ce système impose le ranking, les grands classements, l’évaluation individuelle et favorise le côté entrepreneurial de l’activité du scientifique. Ce qui est très loin de l’aspect désintéressé avec lequel on devrait aborder la science de notre point de vue“, nous explique-t-on du côté de RogueESR par téléphone. Du côté des revues où sont publiés les articles où apparaît le nom Camille Noûs, RogueESR encourage les auteurs à la transparence. Cela étant dit, comme nous l’apprend Science, la démarche est bien reçue du côté français, moins du côté américain.
Ce système jugé normatif est mis en place par des grands pôles de l’édition scientifique, qui y voient des sources de profits. On parle aussi des revues prédatrices, qui poussent les chercheurs à payer pour être publiés – et donc lus et remarqués – avant de vendre des “packages” aux universités et autres, pour que les articles soient consultés. “Il y a des bouquets qui sont proposés aux universités à des prix exorbitants et comme ce sont des monopoles qui s’installent, ça devient de plus en plus difficile d’assurer ces financements. Certaines y renoncent d’ailleurs, continue-t-on à RogueESR. On écrit les articles, on les juge, on les analyse gratuitement et on doit payer pour les lire. C’est le monde à l’envers.”
Dans cet écosystème, Camille Noûs est un moyen de dire le ras-le-bol face au système en place.