Vous avez sûrement déjà entendu parler d’elle. Laurence Fisher est triple championne du monde de karaté, sept fois championne d’Europe, ambassadrice pour le sport, chevalier de la légion d’honneur et on en passe. Mais au-delà de son palmarès impressionnant, elle s’engage également aux côtés des femmes et des jeunes filles victimes de violences depuis maintenant plusieurs années.
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Que ce soit en Afghanistan, en République démocratique du Congo avec la fondation Panzi ou en France, où elle fonde son association Fight For Dignity, Laurence Fischer lutte pour la libération de la parole et pour la réappropriation du corps au travers du sport. À l’occasion de la sortie de la mini-série documentaire Fight For réalisée par Hind Bensari et produite par Novoprod, la karatéka française nous a accordé un peu de temps pour revenir sur son parcours ainsi que ses différents engagements.
Le karaté, d’une histoire de passion à un besoin d’engagement
Encouragée par un père professeur de karaté, Laurence Fischer fait ses débuts dans cette discipline à l’âge de 12 ans. Quand on lui demande de revenir sur sa carrière et de nous parler de ce que le karaté lui a apporté personnellement, elle est catégorique :
“Ça m’a apporté une confiance en moi, un équilibre… Je pense que les valeurs qu’on peut identifier dans le sport en général, je me les suis appropriées dans le karaté. Parce que c’est un sport de combat et que ça ramène donc à une notion de danger, il faut être assez disponible, pour soi et pour ceux avec qui on échange. Ça m’a apporté une capacité à me sentir bien, à m’aimer et à aimer les autres… Ça m’a également permis de définir l’ego et de faire en sorte qu’il ne soit pas centré, contrairement à ce que l’on peut penser de beaucoup de sportifs de haut niveau.”
Tout ce que cette discipline lui a apporté, elle a eu envie de le partager avec tous et toutes. Comme elle nous l’explique, son engagement auprès des femmes est donc directement lié à sa passion pour le karaté et pour le sport en général. C’est au travers de ses différentes expériences sur le terrain, dans les quartiers Nord de Marseille ou au sein de différentes ONG autour du monde qu’elle a pris conscience des inégalités.
“J’ai pris conscience de cela surtout par le biais d’échanges et grâce aux retours qu’ont pu me faire les jeunes filles et les femmes concernant l’inaccessibilité à la pratique. J’ai découvert que majoritairement la vulnérabilité et les violences se retournaient vers les femmes, les jeunes filles et les enfants. Je me suis dit : ‘Comment est-ce que je peux mettre cette énergie et cette expertise à leur service ?’ Mes rencontres avec des experts, avec des femmes et leur témoignage, que ce soit dans le milieu du sport ou en dehors, et cette volonté d’accompagner et de créer Fight for Dignity : c’est l’aboutissement de cette expertise.”
Fight for Dignity, une association au service des femmes victimes de violences
En 2017, Laurence Fischer décide donc de créer Fight for Dignity, une association qui accompagne et aide les femmes victimes de violences. Par le biais du sport, et au travers d’une pédagogie adaptée, l’objectif est de placer le corps au centre du processus de résilience et d’empowerment.
“Qu’est-ce qu’on apporte par le corps, qui était la source du mal et des syndromes post-traumatiques, qu’est-ce qu’on apporte de manière accessible et adaptée à ces femmes ? Le constat global que je fais c’est qu’aujourd’hui, que ce soit en RDC ou en France, une femme qui a connu un traumatisme et des violences parfois extrêmes soit pouvoir se reconstruire par le corps. Aujourd’hui, sur la spécificité post-traumatique, on ne propose pas grand-chose, ou alors de manière très anonyme. À partir de ce constat, je me suis dit qu’il fallait absolument que le mouvement sportif en général s’inscrive dans l’accompagnement des victimes. Il faut qu’on sorte du tabou, il faut qu’on sorte du silence, il faut qu’on informe les femmes.”
C’est donc au travers de la pratique du karaté et grâce à des valeurs portées par cette discipline que Laurence s’engage alors dans cette lutte contre les violences. En plus du kimono qui permet de se transformer au travers du rituel qu’est la tenue, ou encore du cadre qui permet également de se détacher de la vie de tous les jours, Laurence nous parle d’autres valeurs inhérentes au karaté qui servent dans la reconstruction.
“Il y a un gros travail d’introspection qu’on fait naturellement. On travaille beaucoup sur la concentration et sur la présence de soi-même mais également dans le groupe parce qu’on ne travaille pas seul(e). Et puis on déconstruit les a priori qu’on peut avoir sur cette discipline de combat. On découvre aussi sa capacité à pouvoir faire quelque chose qui pouvait sembler inaccessible. On a parfois encore des femmes qui sont sous emprise, parfois psychologiquement ; à travers le karaté, elles auront donc un cadre précis et méthodique pour ne pas déclencher de l’anxiété ou de la dissociation. On peut arriver avec de la colère, penser à son agresseur, mais finir par se dire ‘je me détache de cette personne en me remplissant de choses extrêmement positives, et il n’aura plus d’emprise sur moi parce que je suis moi-même une femme forte.'”
Mettre le projet en image au travers de la mini-série Fight For
L’idée vient donc de mettre en image le combat de ces femmes au travers d’une mini-série documentaire. Laurence Fischer nous parle d’abord d’un travail d’équipe. Grâce au soutien de la fondation de France, à la disponibilité des équipes de Novoprod et au regard essentiel de la réalistarice Hind Bensari, notamment connue pour son documentaire poignant We Could Be Heroes, la mini-série Fight For voit le jour :
“On est sur une vraie prise de conscience du parcours de ces femmes pour s’en sortir, et du coup cela permet à la fois de comprendre leur parcours mais aussi le côté battante, l’idée de positivité, et la recherche de solution. Faire comprendre en donnant la parole : voilà ce qui se passe. N’ayez pas peur, vous spectateurs, écoutez-les et voyez comment on les accompagne. C’est un travail fondamental pour faire changer les mentalités, pour encourager les victimes qui sont exclues. Il faut dire qu’il y a des solutions, même si tout est améliorable. Aujourd’hui on se bat pour qu’on croie les victimes, pour que la justice soit plus attentionnée. On contribue modestement à dire qu’il y a des choses positives qui se mettent en place. Il y a des femmes qui s’en sortent.”
Lorsqu’on lui demande enfin si elle a un message à faire passer, Laurence Fischer réfléchit un temps puis nous confie : “Rigueur, méthode, il faut être uni, il faut oser, il faut se serrer les coudes, il faut se déconstruire par l’éducation et embarquer tout le monde avec nous par la connaissance.”
Pour tout renseignement sur les différentes actions menées par Fight for Dignity, rendez-vous ici. Si vous êtes témoin et/ou victime de violence, vous pouvez contacter par téléphone le 3919 pour les femmes et le 119 pour les mineurs.