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“Le foot, c’est pour tout le monde” : la joueuse de l’OL Selma Bacha fait le bilan de ses 5 années pro

“Le foot, c’est pour tout le monde” : la joueuse de l’OL Selma Bacha fait le bilan de ses 5 années pro

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© adidas

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Par Abdallah Soidri

Publié le

"On aimerait être reconnues comme les hommes. Car on fait les mêmes compétitions." Profitant de la sortie de la nouvelle Predator, on a discuté foot et vie pro avec Selma Bacha.

À 21 ans seulement, la joueuse de l’OL Selma Bacha a déjà un palmarès impressionnant : triple championne de France et d’Europe et deux fois vainqueur de la Coupe de France. Un CV qui en impose pour celle qui a débuté en pro dans le club rhodanien, il y a cinq saisons.

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À l’occasion de la présentation d’une nouvelle paire de crampons de son équipementier, les Predator Edge, on a pu s’entretenir avec la latérale gauche lyonnaise sur l’exigence du haut niveau, ses modèles de réussite et les efforts à faire pour une meilleure représentation des femmes dans le sport.

Konbini Sports | Tu en es à ta 5e saison à l’OL et en tant que pro. Comment juges-tu ces cinq années ?

Selma Bacha | Avec beaucoup d’émotions. La saison dernière a été dure, avec le Covid et le fait qu’on n’a pas atteint nos objectifs. Mais ces cinq années ont été magiques, quand je vois ma progression et les titres remportés. J’espère continuer à en remporter d’autres.

Ce n’est pas trop dur de continuer à se motiver pour progresser quand on évolue dans un des meilleurs clubs du monde ?

J’ai de la chance parce que je fais un métier qui est ma passion. Je me lève tous les matins pour jouer au foot quand d’autres vont à l’usine. J’aime le foot et je suis une compétitrice dans tout, donc ce n’est pas dur de se motiver. Le mot-clé, c’est le travail. C’est parfois dur, avec tous les sacrifices, le fait que je ne vois pas beaucoup ma famille, même si j’habite à Lyon. Mais c’est comme ça, je l’ai décidé, car j’aime ce que je fais.

Avec du recul sur ces 5 années, explique-nous comment tu fais pour garder un tel niveau de performance dans le plus grand club de France ?

Comme je l’ai dit, c’est beaucoup de travail. Il faut se fixer des objectifs. Une saison, c’est long, avec des hauts et des bas, des blessures et des matches perdus, mais il faut toujours se remotiver et tirer le positif. Être positive ça aide énormément, notamment pour récupérer rapidement. Personnellement, j’ai toujours ma routine avant l’entraînement : je vais toujours à la salle et après, j’essaie de travailler un peu plus que les autres. Je reste une jeune joueuse qui veut sa place de titulaire.

“Un monde d’écart entre les U19 et le milieu professionnel”

Tu as des modèles dont tu t’inspires pour réussir et maintenir le cap ?

En dehors du foot, j’ai mon père. C’est un modèle. C’est un homme de principes, avec des valeurs, qui a toujours travaillé et qui est toujours là pour me motiver. Dans le foot, je parle beaucoup avec Amel [Majri], Wendy [Renard] ou Griedge [Mbock]. Elles charbonnent tout le temps. J’ai juste à prendre exemple sur elles.

Vous échangez sur quoi ?

Il y a un monde d’écart entre les U19 et le milieu professionnel. C’est vrai qu’au début, sur la nutrition par exemple, je ne faisais pas trop attention. Mais plus j’avance, plus je discute avec elles de nutrition, de l’entraînement invisible, de la récupération… Parce que c’est vraiment important. Aujourd’hui, j’ai un peu plus d’expérience : je fais attention à ce que je mange, à l’hydratation ou au sommeil. Mais elles me donnent toujours des conseils, parce qu’on peut toujours faire mieux.

Plus jeune, à qui voulais-tu ressembler ?

Encore une fois, mon père. C’est vraiment impressionnant, parce qu’il a toujours la motivation. Il est chauffeur routier, il se lève tôt le matin, il rentre tard le soir et il est toujours motivé. Je pense qu’il m’a donné un peu de sa motivation.

“Toute ma vie, je le remercierai”

Tu peux nous parler de la relation que tu as avec ton père ?

C’est le plus important à mes yeux. Il est là depuis le début. Il m’emmenait aux tournois et il m’a acheté mes premiers crampons. C’est lui qui m’a emmenée tout en haut. Toute ma vie, je le remercierai.

Est-ce que tu as l’impression que le fait d’évoluer à l’OL et en équipe de France a fait de toi un modèle à suivre pour d’autres joueuses ?

En signant mon premier contrat pro en 2016, l’OL m’a demandé d’être la porte-drapeau de l’académie, pour donner l’exemple. C’était la première fois que le club signait une joueuse aussi jeune. J’étais à l’école en même temps et le club m’a demandé d’avoir le bac. J’ai galéré, mais je l’ai eu. Même si je suis humble et que je me dis que je n’ai encore rien fait, j’ai à cœur d’être un exemple pour certaines jeunes. J’essaie de discuter avec les personnes qui sont “fans de moi” pour leur donner des conseils.

Ça arrive que sur Instagram, sur d’autres réseaux sociaux ou dans la vie réelle, on te demande des conseils ?

Sur Instagram, je ne peux pas répondre à tout le monde. J’essaie de le faire à ceux qui tiennent les pages de fans. J’ai droit à beaucoup de questions comme : “Comment as-tu fait pour en arriver là ?”, “Le foot, c’est pour les garçons ?”, “Est-ce que tu as déjà eu des critiques ?”, “Est-ce que c’est dur ?”

“Je me suis prise pour Lionel Messi”

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Tu penses que pour une jeune fille ou une jeune femme, les modèles de réussite au féminin sont assez nombreux pour s’identifier ?

Dans le tennis, il y a Serena Williams. Dans le foot, on a des joueuses comme Wendy, Amel, Griedge et plein d’autres encore. Le foot et d’autres sport, c’est pour tout le monde. Mais, ma génération a vraiment de la chance qu’on ne vienne pas lui dire “Ah ! Les filles, vous êtes nulles ! Le foot c’est pour les garçons”. Ça a changé.

Tu dis que ça a changé, mais est-ce qu’on te fait parfois des remarques sur ton style de jeu, qu’on compare à celui d’un homme ?

On me dit parfois que je suis brute et que je ressemble à Jordi Alba. Mais ce n’est pas grave. Je suis moi, Selma Bacha. Je ne ressemble qu’à moi-même.

Ça t’arrive de choisir des paires de crampons en fonction des joueurs ou des joueuses qui les portent ?

J’ai des petits pieds et il n’y avait pas de chaussures haut de gamme pour ma pointure. Mais Adidas a tout fait pour que j’en aie et que je me sente bien dans mes chaussures. Quand ils m’ont envoyé la Predator, je me suis prise pour Lionel Messi.

“On aimerait être reconnues comme les hommes”

Tu penses qu’à l’avenir, c’est important pour les marques de développer des coloris neutres pour leurs modèles de chaussures, pour que tout le monde puisse s’identifier ?

C’est important. Mais, tu sais, nous les filles, on n’est pas difficiles. Tu nous donnais des crampons, on était contente. Les crampons ne font pas la joueuse, c’est la joueuse qui fait les crampons.

La prochaine étape, ce ne serait pas d’avoir une joueuse avec une paire des chaussures signature ? Et aimerais-tu avoir ce rôle un jour ?

Pourquoi pas (sourire). Pour l’instant, j’y vais étape par étape et si ça doit arriver, je prendrai avec plaisir (rires).

Si demain tu avais ta propre collection, comment la verrais-tu ?

Avec beaucoup de couleurs, parce que c’est la joie. Sportswear. Et avec SB4 comme logo.

À ton niveau, qu’est-ce que tu fais ou aimerais faire pour faire bouger les choses sur la représentation des femmes dans le sport ou d’autres domaines ?

À mon niveau, je ne me sens pas encore de parler, parce que je suis encore concentrée sur le foot. Mais, si demain j’en ai l’occasion, je pourrais parler du foot féminin ou de sport, car le monde du sport féminin se développe et se médiatise. On aimerait être reconnues comme les hommes. Car, au final, on fait les mêmes compétitions.