“Je me sens encore plus féminine avec du muscle”, on a discuté avec Barbara Ménage, championne de France de bodybuilding

“Je me sens encore plus féminine avec du muscle”, on a discuté avec Barbara Ménage, championne de France de bodybuilding

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Instagram Barbara Ménage

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Par Anna Finot

Publié le

"La féminité, c’est pas simplement mettre du rouge à lèvres, c’est un état d’esprit."

Tous les jours, Barbara Ménage a la même routine : une heure et demie de sport acharné pour sculpter son corps à la perfection. Un quotidien à la sueur de son front, récompensé par les nombreux trophées qu’elle rafle depuis qu’elle a commencé la compétition en 2015. À 47 ans, Barbara Ménage est aujourd’hui championne de France et d’Europe de bodybuilding dans la catégorie Women’s physique, une catégorie qui nécessite de développer tout le corps.

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Et il suffit de regarder son compte Instagram pour se rendre compte que Barbara a fait de son corps une véritable fierté. Une esthétique saillante qu’elle aime plus que tout mais qu’il est parfois difficile d’assumer au quotidien face au regard des autres. Car être une femme musclée, c’est se heurter aux normes sociétales de beauté qui font de la musculature une affaire de mecs. Mais la culturiste guadeloupéenne s’en moque et tente de vivre de sa passion. Pour Konbini Sports, Barbara Ménage redéfinit l’imaginaire de la féminité et déconstruit l’image de son esthétique qui en impose.

Konbini Sports | Vous avez commencé en tant que sprinteuse, vous êtes aujourd’hui bodybuildeuse… Comment décririez-vous votre parcours ?

Depuis 2001, j’étais en effet sprinteuse de haut niveau. Un bon passé de sportive qui m’a amené vers le culturisme et les compétitions de bodybuilding en 2015. Puis, au fur à mesure, j’ai évolué avec de très bons résultats, ce qui fait qu’aujourd’hui je suis la seule française à avoir ce palmarès : 4e mondiale, deux fois sacré dans le top 5 sur Mr. Olympia, la plus grande compétition au monde de bodybuilding qui se trouve aux États-Unis, évidemment. Il n’y a aucun Français ni aucune Française qui ne l’a fait, c’est aussi pour ça que j’en suis très fière.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans le culturisme ?

Quand j’étais sprinteuse, j’avais déjà un physique qui pouvait suffire pour des compétitions de bodybuilding. Plusieurs fois, on m’avait fait des propositions, mais j’avais toujours refusé parce que ça ne m’intéressait pas du tout. Beaucoup d’années ont passé et un jour, j’ai eu une opportunité et je me sentais prête à la saisir. J’étais dans un moment de ma vie où je me posais un tas de questions sur l’avenir alors comme j’adore les challenges, je me suis lancé le défi de faire du body… mais en compétition !

Comment ça a été pris dans votre entourage ?

Au début, ça n’a pas été très bien accepté. Ils étaient surtout très inquiets en voyant mon régime très strict à respecter pendant six mois. Un régime draconien avec une phase de prise de masse et une de “sèche”. Mon entourage ne comprenait pas pourquoi j’avais autant de privations et pensait surtout qu’une femme ne devait pas être aussi musclée. Enfin, comme vous pouvez l’imaginer, j’ai eu le droit à tous les commentaires possibles. Et arrivée à ma troisième compétition, où j’ai réalisé de très bons résultats, ils ont commencé à accepter, à comprendre que c’était ma voie. Aujourd’hui, ce sont eux qui m’encouragent et me félicitent.

Vous venez de le dire, être une femme musclée, c’est se confronter aux regards des autres, qu’est-ce qu’on répond aux moqueries et comment réagir à une curiosité parfois mal placée ?

C’est extrêmement compliqué, surtout au début. Il a été difficile de supporter le regard des gens et leurs réflexions. Mais c’est parce que les gens n’ont pas l’habitude. Et surtout en France ! On n’a pas ce culte de corps comme au Brésil, par exemple. Comme on vit dans un climat tempéré, on est plus couvert que découvert donc on n’a pas cette habitude de voir des corps musclés dans la rue, ils sont réservés aux hommes dans les salles de sport ou à la plage. Alors que quand je me suis rendue en Afrique du Sud ou aux États-Unis, ce n’est pas du tout le même regard, c’est plus un regard admiratif. Ici, j’ai plus de réflexions, de moqueries, plus de regards négatifs que positifs, même s’il faut le dire aussi, j’ai beaucoup d’admiration.

“J’ai toujours été coquette mais depuis que je suis dans le bodybuilding, ça s’est décuplé.”

Et vos muscles ne vous rendent pas moins féminine ?

J’ai toujours été coquette mais depuis que je suis dans le bodybuilding, ça s’est décuplé : je me sens encore plus féminine avec du muscle, c’est peut-être les rondeurs et les ondulations partout… La féminité de toute façon, c’est un état d’esprit, la féminité ce n’est pas simplement mettre du rouge à lèvres, c’est sa façon d’être, de se comporter, de penser…

On a du mal à sortir des clichés ?

Beaucoup. Affronter le regard de la famille aussi, c’était difficile au début, maintenant je l’ai dépassé parce que je me mets à la place des gens aussi, je comprends qu’on n’ait pas l’habitude de voir ce genre de physique non plus. Et le bodybuilding, c’est aussi un milieu victime de beaucoup de clichés, c’est un sport qui n’a pas une bonne réputation : on va systématiquement lui coller les clichés de dopage, de gonflette… Or, dans tous les sports, il y a la même chose, et les gens ne voient pas le travail monstrueux qui il y a derrière. Les gens pensent qu’on devient musclé grâce à l’aide de produits, mais non c’est un travail acharné à la salle tous les jours.

Quelle est justement votre routine quotidienne ?

Je m’entraîne une heure et demie par séance, et chaque jour je travaille une partie du corps.

La quantité d’entraînement a-t-elle déjà pu vous faire peur ?

Non, jamais. Je ne me pose pas de question, j’ai confiance en mon préparateur qui me suit depuis le début.

Diriez-vous que vous êtes devenue addict à la musculation ?

Ah oui complètement, on ne peut pas s’en passer. Je déprime sans mon activité. C’est mon métier, aujourd’hui !

Quels sont vos objectifs sportifs aujourd’hui ?

Retourner à Mr. Olympia dans des conditions physiques optimums. Essayer de faire mieux qu’un top 4, mon score de l’édition précédente. Cette année-là, j’espérais déjà être dans le top 2 mais comme je suis Française au milieu des Américaines qui ont des énormes sponsors et des milliers d’abonnées sur Instagram, je n’ai aucun poids. Sauf mon physique…