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Dans The Players’ Tribune, Pierre Gasly raconte le jour où tout a basculé

Dans The Players’ Tribune, Pierre Gasly raconte le jour où tout a basculé

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Pierre Gasly of France and Scuderia Toro Rosso in the paddock during previews ahead of the Spanish Formula One Grand Prix. (Photo by Marco Canoniero/LightRocket via Getty Images)

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Par Lucie Bacon

Publié le

"J’étais complètement brisé. J’ai pleuré jusqu’à ce que je ne puisse plus pleurer."

“Je vous le promets : dans cette tribune, je vais vous dire la vérité.” C’est par ces mots que Pierre Gasly, qui a rendez-vous le week-end prochain à Bahreïn pour la reprise du championnat de Formule 1 au volant de son AlphaTauri, commence sa longue et émouvante lettre dans The Players’ Tribune.

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Il y raconte comment sa vie personnelle et sa vie de pilote ont basculé, sur le circuit de Spa, en Belgique, en août 2019. C’était un week-end très particulier pour Pierre Gasly. Sur le plan sportif d’abord, alors qu’il avait commencé la saison dans la prestigieuse écurie Red Bull, celle-ci venait de le rétrograder chez sa petite sœur, AlphaTauri. Si Pierre Gasly n’est jamais véritablement revenu sur cet épisode, cette fois il se livre, racontant le mal-être qu’il a connu chez Red Bull :

“À partir du moment où j’ai commis ma première erreur dans la monoplace, j’ai eu l’impression que les gens là-bas ont lentement commencé à se retourner contre moi. J’avais eu un accident aux essais hivernaux et, à partir de ce moment-là, la saison n’a jamais vraiment commencé. Ensuite, les deux premières courses ont été difficiles avec Red Bull et les médias m’ont juste épuisé. […]

La voiture n’était pas parfaite et je faisais de mon mieux pour essayer de m’améliorer et d’apprendre chaque semaine. Je me sentais vraiment pas soutenu et traité de la même manière que les autres. Et c’est quelque chose que je ne peux tout simplement pas accepter. Je travaillais tous les jours, essayant d’obtenir des résultats pour l’équipe, mais je n’avais pas tous les outils dont j’avais besoin pour réussir.”

L’été 2019, juste après avoir appris que Red Bull le rétrogradait, il reçoit alors un texto d’un de ses meilleurs copains, Anthoine Hubert, pilote lui aussi :

“Quand la nouvelle est tombée quelques jours plus tard, j’ai reçu un texto d’Anthoine. ‘Prouve-leur qu’ils ont tort. Sois fort, mon frère. Tu vas leur montrer que tu mérites ta place dans une équipe de premier plan et leur prouver qu’ils ont tort.’ Et ma tristesse s’est transformée en passion. Je savais qu’il restait neuf courses au calendrier. Neuf courses pour leur montrer qu’ils avaient commis une erreur.”

31 août 2019 : Pierre Gasly arrive donc à Spa et doit courir sous ses anciennes nouvelles couleurs, celles d’AlphaTauri. Mais un événement va rendre ce week-end encore plus spécial. Le samedi, jour des essais et qualifications, il regarde les premiers tours du GP de F2. Et un accident se produit alors :

“J’ai tout de suite su que ce n’était pas bon du tout. Je savais. Il y avait des pièces partout, et je savais que sur cette partie de la piste, si quelque chose se passe mal à cette vitesse, cela fait très mal. C’était vraiment difficile de dire qui avait été impliqué dans l’accident.

J’ai commencé à trembler. Je ne sentais plus mes mains. Je n’entendais plus rien. Ma respiration est devenue irrégulière et mes mains sont devenues si moites que j’ai eu du mal à sortir mon téléphone pour essayer de voir les nouvelles sur les réseaux sociaux.

Dès la fin de notre débriefing, je me suis précipité dans la zone d’accueil pour voir mes parents et ma petite amie parce que je savais qu’ils auraient plus d’informations. Je me souviens d’avoir descendu les escaliers et de les avoir tous vu pleurer. J’ai compris ce que cela signifiait. Je savais que mon pote était parti. J’étais complètement brisé. J’ai pleuré jusqu’à ce que je ne puisse plus pleurer. Je ne me suis jamais senti aussi mal. Jamais.”

Peu à peu, Pierre Gasly comprend qu’il s’agit donc d’Anthoine Hubert, “le garçon au casque orange” comme il l’appelle, celui avec qui il partage tout depuis l’enfance, les cours, les entraînements, les victoires, les défaites, les rêves :

“Je me souviens, nous étions au gymnase et l’un d’entre nous regardait l’autre et disait : ‘Tu es fatigué ? – Nan. Et toi ? – Nan.’ Nous étions tous les deux vraiment fatigués. Épuisés. Mais nous nous sommes juste nourris de l’énergie de l’autre. Nous savions tous les deux quel genre de sacrifices nous avions fait, ce que nos familles avaient fait pour nous mener là où nous étions.

Nous avions du talent, nous avions la passion, mais nous n’avions pas de gros soutien financier ni aucune des autres ressources dont vous avez souvent besoin pour vous donner une chance en F1. Mais notre rêve a fait de nous des amis. Et notre amitié nous a donné la chance de nous dépasser.

Mais ce samedi est arrivé, et mon monde s’est écroulé. J’ai perdu mon ami, mon frère. J’ai perdu l’une des seules personnes, comme il y en a peut-être deux ou trois autres, qui comprend vraiment ce que c’est que de vivre cette vie. Anthoine et moi avions vécu tellement de choses ensemble. Nous avions partagé ce chemin, ce voyage. Et quand il nous a quittés, une partie de moi est partie aussi.”

Le 31 août 2019 est donc le jour où tout bascule pour Gasly. Un an plus tard, il revient sur le circuit de Spa, dépose des fleurs au virage où son ami a perdu la vie et comprend qu’il a changé. Qu’une nouvelle vie commence. Le week-end suivant, à Monza, il remporte son premier Grand Prix de Formule 1. Forcément, dans sa tête, le garçon au casque orange n’est pas très loin…

“Je n’arrêtais pas de penser : ‘Aujourd’hui, c’est mon jour. Il n’y a aucun moyen que je laisse passer ce moment. Il n’y a pas moyen.’ Et c’était ma journée. C’était notre journée. Quand j’ai franchi la ligne d’arrivée, j’ai juste pensé à mon équipe, à ma famille, j’étais tellement reconnaissant pour tout leur travail acharné, leurs sacrifices. Je savais que j’étais celui qui avait franchi physiquement la ligne, mais ils étaient tous là, juste à côté de moi. […]

Et puis j’ai pensé au garçon au casque orange. Je l’ai senti. Je savais qu’il regardait. Ses rêves étaient mes rêves. Mes rêves étaient ses rêves. Et ce moment était notre moment. Anthoine m’a appris tellement de choses. Il n’y a pas un jour de course qui passe sans que je pense à lui.”

Pour lire le texte de Pierre Gasly en entier, rendez-vous sur The Players’ Tribune