Comment se réconcilier avec le foot de sélection ?

Comment se réconcilier avec le foot de sélection ?

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(© Laurence Griffiths/Getty Images)

Histoire de faire en sorte que ces trêves internationales s’apparentent un peu moins à une punition.

Les temps changent, le football évolue et avec lui ses règles, ses codes et ses mentalités. Il fut un temps où le moment des retrouvailles avec l’équipe nationale était attendu. Et ce, pour des raisons qui vont bien au-delà de l’aspect purement patriotique, aspect que le temps semble lui-aussi avoir quelque peu dilué. Loin de l’indigestion footballistique offerte par notre époque, avec des compétitions qui pullulent sans répit, il fut un temps où le match de l’équipe nationale constituait l’une des rares lucarnes offertes par le petit écran sur le football. C’est à ce rendez-vous avec la sélection que toute une génération de cinquantenaires doit, en partie, sa passion dévorante pour ce sport.

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L’essor, économique comme médiatique, connu par l’industrie du football depuis les années 1980 nous impose d’adapter notre approche à l’ère du temps. Mais il ne nous affranchit pas d’une réflexion indispensable : à l’heure où le football de clubs ne cesse d’étendre son influence, dans les instances comme dans les esprits, par où peut passer le salut d’un football de sélection qui semble mourir à petit feu ? Comment a-t-on pu en arriver au point de voir les fans rejeter aussi massivement, les matches des équipes nationales, alors qu’elles sont censées rassembler l’élite de chaque nation, et susciter chez nous un sentiment supérieur d’appartenance ? Et surtout, quelles solutions existent pour inverser la tendance ?

Réconcilier les fédérations et les clubs

Les fédérations et les clubs ont vu leur rapport de force s’établir et même se renforcer au fil des saisons. Et pour cause, les points de divergence sont nombreux : délais de mise à disposition des joueurs pour les grands tournois, redistribution des gains vers les clubs qui mettent leurs joueurs à disposition, calendriers, indemnisation des clubs suite aux blessures advenues lors des matches internationaux… Autant de chantiers qui n’ont pas fini d’attiser les tensions. Et pourtant, sans la bonne volonté de tous, il sera impossible de réformer en profondeur l’organisation globale. Alors pourquoi ne pas commencer par ce qui est susceptible de faire consensus, plutôt que de s’opposer systématiquement ? Ces points semblent rares de prime abord, mais ils existent, probablement.

Repenser le calendrier

C’est un aspect qui concerne les acteurs de tous bords, clubs, fédérations, confédérations, ligues, mais en premier lieu les joueurs, dont la santé était censée redevenir un enjeu de premier plan. Mais alors concrètement, en quoi le foot de sélection ressortirait grandi d’une nouvelle organisation du calendrier ? Par un lien de cause à effet selon lequel, on ne peut exiger d’un joueur soumis à 60 ou 70 matches par saison qu’il montre le même niveau d’implication, la même qualité de jeu à chaque rencontre. Et que fatalement, ce joueur aura plus facilement tendance à privilégier ses échéances en club – qui demeure son employeur – qu’avec sa sélection, qui plus est lorsque les trois quarts des matches internationaux ont un enjeu limité voire nul. “Les grands joueurs veulent faire des grands matchs. Ce qui les emmerde, c’est de faire des petits matchs”, avait notamment argué en ce sens Arsène Wenger, au moment de défendre sa réforme contestée du calendrier international. Alors, si on commençait par supprimer des matches, plutôt que de les multiplier, M. Wenger ?

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Limiter les compétitions

Celui qui occupe aujourd’hui le poste de directeur du développement du football pour la FIFA a récemment évoqué la perspective d’un Mondial tous les 2 ans. “Au départ les gens sont réticents, car il y a la tradition et le fait d’avoir attendu cette compétition. Mais en même temps, le monde a changé”, s’était-il expliqué sur les ondes de RMC. À travers cette approche plus mercantile qu’autre chose, portée par une argumentation tronquée, bancale et parfois même antinomique (“ce n’est pas la fréquence des compétitions qui peut poser problème, mais la qualité”), Wenger et la FIFA donnent l’impression de scier la branche sur laquelle ils sont assis, omettant un principe élémentaire, celui qui veut que la rareté d’une chose détermine en partie sa valeur. Et ce, alors que le public exprime une forme de saturation, noyé par la multiplication des compétitions (la Ligue des Nations et la Ligue Europa Conférence existent depuis moins de 3 ans), et que les joueurs tirent la langue.

Une réforme des éliminatoires, avec moins de rassemblements

Cependant, tout n’est pas à jeter dans les propositions d’Arsène Wenger. L’une d’entre elles pourrait même rapprocher clubs et sélections d’un terrain d’entente, tout en relançant l’intérêt autour des sélections : “la grande idée, au départ, est de regrouper les matches de qualifications sur deux fenêtres internationales, en octobre et mars, pour une plus grande visibilité du calendrier, une plus grande simplicité pour les clubs, et moins de problèmes à résoudre pour les sélections. L’idée est de réduire le nombre de matches de qualification, les regrouper […]. Entre les deux fenêtres de qualification, le joueur resterait dans son club toute l’année.” La proposition se tient, car elle permettrait de contenter les clubs, tout en permettant aux sélections de ne plus travailler avec des joueurs qui, à peine arrivés, ont déjà la tête tournée vers leurs futures échéances en club.

(Re)faire du match de la sélection un événement

Avec des rendez-vous internationaux moins fréquents, il resterait à jouer sur ce principe de rareté pour restaurer le prestige de ces matches de sélection. Des effectifs plus complets, à même de travailler plus sur la durée, des sélectionneurs moins en flux tendu dans leur approche : ce sont des facteurs susceptibles de tirer le niveau des équipes nationales vers le haut. Et indirectement, de rehausser l’intérêt purement footballistique des matches. Mais à côté de cela, la FIFA et les différentes fédérations auraient un rôle important à jouer sur la partie entertainment, car ces fenêtres internationales aspirent à constituer un événement alléchant et attendu.

Faire cohabiter clubs et sélections, comme au rugby

Dans un scénario où chacun camperait sur ses positions, avec des instances qui continueraient chacune à tirer à la couverture à elles, c’est en quelque sorte le droit qui viendrait arbitrer : on garderait le principe des dates FIFA, sur lesquelles les clubs seraient sommés de libérer leurs internationaux (comme c’est actuellement le cas), sauf que la vie des clubs continuerait pendant ce temps comme si de rien n’était, avec des matches de championnat voire de Coupe d’Europe disputés pour répondre au rythme insensé du calendrier et des compétitions. Avec des joueurs internationaux libérés par leurs employeurs sur injonction de contrats fédéraux. En quelque sorte la solution de l’extrême, et c’est peu dire qu’elle n’est pas souhaitable tant elle attesterait d’un point de non-retour atteint entre les clubs et les sélections : tout le monde serait perdant.