Taha Bouhafs, journaliste engagé : “On m’a toujours qualifié de ‘journaliste militant’, histoire de dire ‘journaliste mais pas trop quand même'”

Taha Bouhafs, journaliste engagé : “On m’a toujours qualifié de ‘journaliste militant’, histoire de dire ‘journaliste mais pas trop quand même'”

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Par Constance Derouin

Publié le

Celui qui a fait éclater l’affaire Alexandre Benalla, en filmant avec son téléphone ses agissements violents le 1er mai 2018, se confie.

Taha Bouhafs est journaliste, il a 24 ans. Il vient d’Échirolles, une ville en périphérie de Grenoble, portant les “trois Z”. Il les énumère en riant : zone d’éducation prioritaire, zone de sécurité prioritaire, et zone urbaine prioritaire. Orienté vers ce qu’il nomme les “voies de garage”, il est formé comme électricien, puis s’oriente dans la vente. Il est sensibilisé au syndicalisme et rejoint les manifestations contre la loi Travail, déclic de sa politisation.

“Je me suis dit qu’il fallait que je raconte nos vies, que je raconte nos récits, que je raconte nos luttes. Parce qu’à chaque fois que j’allumais la télévision en rentrant d’une manifestation, je regardais à la télé et ce n’était pas du tout ce que je venais de vivre ! Je me suis dit qu’il fallait que je filme, qu’il fallait que je raconte moi-même, qu’il fallait reprendre la main sur nos récits, ne pas laisser les autres raconter à notre place.”

Progressivement, les vidéos de Taha Bouhafs obtiennent de la visibilité sur les réseaux sociaux, jusqu’à la vidéo qui le propulse dans la sphère médiatique. Le 1er mai 2018, il filme Alexandre Benalla, proche collaborateur d’Emmanuel Macron, alors muni d’un casque à visière de forces de l’ordre, participant à une violente interpellation de manifestants.

Taha Bouhafs est ensuite embauché comme journaliste dans un média en ligne, début de sa carrière.

Le jeune journaliste a ainsi couvert les principaux mouvements sociaux du quinquennat Macron, des Gilets jaunes jusqu’aux marches antiracistes, en passant par le piquet de grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles.

Le choix de ses sujets lui vaut la qualification négative de “journaliste militant”, son travail étant souvent remis en question par des individus aux idées politiques inverses. À cette qualification de “militant”, il préfère celle de “journaliste engagé” : “Il n’y a pas de neutralité journalistique, il y a l’honnêteté de dire d’où l’on parle.”

Opposant revendiqué à la politique d’Emmanuel Macron, le jeune journaliste est engagé dans plusieurs procédures judiciaires en raison de multiples vagues de haine à son encontre. Il a également été reconnu coupable d’injure raciale envers une syndicaliste de police, décision dont il a fait appel.

Le journaliste a publié un ouvrage intitulé Ceux qui ne sont rien, référence à la phrase mentionnée par Emmanuel Macron : “Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien.” Pour le journaliste, “cette phrase est particulièrement violente. Tout de suite, je l’ai ressentie comme une phrase adressée aux gens comme moi, des gens qui viennent de banlieue, de milieux ruraux, des travailleurs, des pauvres, des immigrés […]. Ç’a été la première phrase d’une longue série d’insultes de violence symbolique : ‘Je traverse la rue je vous trouve du boulot’, ‘Le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien’.” Des phrases représentatives, selon le journaliste, de la violence symbolique et du mépris politique des cinq dernières années.