Mais qui sont les vrais éco-anxieux, gagnés par la peur du dérèglement climatique à l’approche de l’été ?

Mais qui sont les vrais éco-anxieux, gagnés par la peur du dérèglement climatique à l’approche de l’été ?

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Par Audrey Parmentier

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Alors que la période estivale approche, Lucas, Michel ou encore Marion se retrouvent angoissés à l’idée des grosses chaleurs, se remémorant l’été 2022.

Les terrasses s’ouvrent, les parcs sont bondés… Les beaux jours arrivent, mais cela ne plaît pas à tout le monde. À commencer par Marion, 24 ans, qui vit entre Lyon et Paris. “Je redoute la chaleur”, confie la jeune femme. Le déclic a lieu l’année dernière quand elle a compris que chaque été sera “caniculaire”. Elle se remémore son quotidien marqué par la crainte de mal dormir et de ne pas réussir à conserver la fraîcheur. Pour Lucas, 29 ans, l’anxiété a commencé dès le printemps 2022. “J’étais en état d’alerte maximum, je m’attendais au pire”, raconte ce Parisien qui a travaillé dans une exploitation agricole ovine l’été dernier. “La sécheresse et la chaleur sont vite apparues : moins de nourriture pour les moutons, comme tout était grillé. On devait complémenter leur alimentation, veiller à la mortalité, à leur consommation d’eau excessive, le tout suivi d’une récolte des foins désastreuse…”

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Ce dernier se dit préoccupé à l’idée d’une hausse des températures, ce qui peut s’assimiler à de l’éco-anxiété dans le langage courant. Le trouble anxieux se porterait plutôt sur des choses qui ne sont pas dangereuses, ce qui n’est pas le cas des problèmes climatiques. On devrait plutôt parler de peur, car elle est rationnelle”, rectifie Xavier Briffault, sociologue, chargé de recherche au CNRS. En effet, lorsque Lucas évoque ses craintes dues au dérèglement climatique, elles s’accompagnent de faits : “Je suis allé en Bretagne en août pensant trouver de la fraîcheur, mais il y a fait aussi chaud qu’ailleurs, ce qui n’était jamais arrivé ici. Tout était sec et la forêt de Brocéliande a brûlé au moment où j’y étais. Face à l’incendie, le réchauffement climatique m’a frappé de plein fouet. Ces scènes apocalyptiques qu’on pense loin de chez nous se sont déroulées devant moi et ça a vraiment été une claque.”

Ne pas avoir d’emprise

Au total, combien de personnes sont concernées par ce qu’on appelle l’éco-anxiété ? Difficile à dire, selon Xavier Briffault : D’un point de vue épidémiologique, sur la base de véritables données dont on dispose, l’éco-anxiété est plus un concept qu’une chose véritablement définie.” Dans les médias, en revanche, le terme s’est fait une place, surtout chez les jeunes. L’une des difficultés reste de ne pas avoir d’emprise sur les événements. Une situation qui crée de la frustration et un sentiment d’impuissance. On essaie de se positionner dans la maîtrise du risque, mais une personne individuelle n’aura pas d’effet pondérable sur le risque”, souligne le sociologue.

La solution est donc d’être dans l’action et de s’adapter. À l’instar de Michel, 40 ans, qui investit pour préparer son logement aux grandes chaleurs : voiles d’ombrage, stores, volets roulants extérieurs et moustiquaires pour ouvrir les fenêtres la nuit. La prochaine étape sera d’installer un puits canadien si c’est techniquement faisable”, complète cet homme qui habite près d’une forêt domaniale en Île-de-France. Même discours chez Marion, prête pour enclencher sa routine estivale. Au programme : ventilateur, rideaux occultants et bouteilles froides au frigo. Je les mettrai dans mon lit avant de me coucher ou je les garderai contre moi pour me rafraîchir”, dit-elle.

Si la jeune femme ne se décrit pas comme une militante écologiste, elle fait en sorte de polluer le moins possible. Une façon aussi d’agir à son échelle pour diminuer le stress lié aux effets climatiques. Autrement dit, en augmentant le sentiment d’efficacité personnelle, on peut faire baisser l’anxiété. Si en plus on s’est confrontés à la réalité empirique qu’on va maîtriser ce phénomène, alors le sentiment d’anxiété va beaucoup diminuer”, confirme Xavier Briffault.

Bousculer ses choix de vacances

Le choix de la destination estivale est aussi une façon d’échapper à la chaleur et à d’éventuelles canicules. L’année dernière, nous avons découvert le lac Majeur en Italie. Cette année, nous allons dans les Pyrénées à 900 mètres d’altitude”, confie Michel. Idem pour Louis-Gabriel, 30 ans, qui passe désormais tous ses étés en Bretagne où il habite. Ces dernières années, j’allais vers Avignon, mais la chaleur est difficilement supportable”, estime-t-il.

Lucas, de son côté, cherche la nature et son ombre” s’il n’arrive pas à trouver la fraîcheur. Par exemple, partir en vacances dans les Alpes permet d’avoir moins d’ensoleillement qu’en plaine grâce à l’ombre que les montagnes apportent et la fraîcheur qui tombe beaucoup plus vite le soir”, déroule ce féru des grands espaces et de sport. En parallèle, il tente de poser ses vacances en décalé pour ne pas subir les vagues de chaleur qui limitent ses activités en extérieur. Comme je pratique beaucoup de sport et que je suis plutôt dans la team ‘vacances actives’ avec randonnée, course à pied, trail running, vélo, VTT, des lieux frais ou ombragés s’imposent car le type de vacances que j’apprécie fait naturellement le tri des destinations”, insiste-t-il.

L’une des seules raisons qui peut le faire renoncer à une aventure sportive, c’est donc la chaleur : Pendant l’été 2022, je me suis retrouvé complètement assoiffé pendant une sortie trail en Haute-Savoie. Toutes les fontaines naturelles étaient à sec et toutes les communes avaient dû fermer leurs fontaines d’eau publiques à cause des arrêtés préfectoraux liés à la sécheresse et aux restrictions d’eau. Ce jour-là, je me suis vraiment senti très vulnérable.”

Parfois, c’est l’inaction de leur entourage ou des pouvoirs publics qui peut être déstabilisant. “Sur les risques de pénuries d’eau, il n’y a aucune mesure ou communication de la part de l’agglomération pour avertir du niveau préoccupant de notre nappe. C’est déroutant de voir les lavages auto ouverts ou les golfs arrosés dans ces circonstances”, confie Michel en parlant des pouvoirs publics locaux. Pour pallier la méconnaissance sur le sujet, Louis-Gabriel a décidé de faire son maximum pour sensibiliser les gens autour de lui afin qu’ils aient une certaine conscience écologique. Je m’informe au maximum par le biais d’articles, de vidéos, de reportages, etc.”, explique-t-il. Une façon aussi de combattre son anxiété.