Nous sommes au Royaume-Uni au milieu des années 1970. Le racisme devient un courant de pensée ancré dans l’imaginaire commun, presque une norme. Le National Front, parti d’extrême droite, grimpe en flèche emmené notamment par son candidat Enoch Powell, alors membre conservateur du Parlement. Après des siècles de colonialisme, la Grande-Bretagne se retrouve face à son histoire, et décide de la renier.
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Même certains des plus grands artistes de l’époque cèdent à la tentation du racisme pathologique, pensant naïvement qu’il s’agit de la meilleure solution pour redorer le blason d’un pays en perdition, comme coincé dans une période d’après-guerre dévastatrice et sans fin. Sous l’influence de drogues – du moins c’est ce qu’il dira au moment de présenter ses excuses des années plus tard –, David Bowie affirme que le Royaume-Uni “est prêt pour un leader fasciste”, alors qu’il a déjà été photographié en train de faire le salut nazi.
La montée de l’extrême droite
Eric Clapton, immense guitariste du blues, la musique des esclaves par ailleurs, apporte publiquement son soutien au suprémaciste blanc Enoch Powell lors d’un concert bien arrosé – c’est aussi ce qu’il dira bien après. Le chanteur Rod Stewart y va lui aussi de son avis sur l’immigration, pensant qu’il faut tous les “renvoyer chez eux”.
Il n’en faut guère plus pour raviver les douloureux souvenirs de la Seconde Guerre mondiale, et le National Front prend soudain des airs de Troisième Reich. D’autant plus que les militants d’extrême droite draguent de plus en plus une jeunesse abandonnée, contrainte de passer ses journées à l’usine ou au chômage.
Même une partie des médias commence à embrasser cette idéologie nauséabonde, tandis que la police arrête à tout-va grâce au “soupçon de délit d’intention”. Cette loi, absurde, permettait d’arrêter quelqu’un soupçonné “à une date inconnue d’avoir cherché avec des inconnus à voler d’autres inconnus”. Autant dire que les arrestations se font à la tête du client et que les condamnations vont bon train.
“Woodstock Punk”
C’est à ce moment que la musique va se dresser en dernier rempart de la liberté. L’organisation Rock Against Racism multiplie les initiatives pour sensibiliser une jeunesse qui n’a alors guère d’autre choix que de tomber dans un nationalisme abject, car elle ne connaît finalement que ça.
Les débuts sont certes balbutiants, avec de nombreux concerts dans de petites salles, des fanzines et des expositions, mais agacent terriblement l’extrême droite. À tel point que les provocations du National Front iront crescendo, appuyées par le soutien de politiques et des forces de l’ordre.
Pour donner du poids au mouvement Rock Against Racism, les artistes d’envergure de la scène punk et reggae de l’époque se joignent aux événements. The Clash, Steel Pulse, Sham 69 ou encore Tom Robinson pour ne citer qu’eux, tous apportent leur soutien et se forgent par la même occasion une conscience politique, fortement engagée contre le National Front. Avec, comme inoubliable point d’orgue, un défilé et un concert géant dans le cœur de Londres le 30 avril 1978, qui réuniront des dizaines de milliers de personnes venues dire non au nazisme et autres fachos.
C’est l’histoire que retrace le documentaire White Riot de Rubika Shah, en salles dès ce mercredi 5 août. Si les séquences de concert se font finalement assez rares, le long-métrage brille par son excellente documentation et un sens de la narration précis. Alors que les luttes sociales sont revenues au cœur de l’actualité ces derniers mois, Rock Against Racism demeure un magnifique exemple qui devrait inspirer les spectateurs.