Dans Warm Up, on réalise un focus sur des artistes dont vous allez (sûrement) entendre parler dans les mois à venir. Alors que son EP Momentary vient de paraître, on a échangé avec Demo Taped, la nouvelle pépite de la pop d’Atlanta.
À voir aussi sur Konbini
Originaire d’Atlanta, Demo Taped, n’a pas grand-chose à voir avec la vibe trap qui émane de la capitale de l’État de Géorgie. Sa musique, composée depuis les alcôves rassurantes et familières de sa chambre, fait résonner une pop douce et réconfortante aux accents électroniques.
De nature anxieuse, le jeune artiste, qui a côtoyé la dépression très jeune, a fait de son art un espace de sérénité dans lequel il questionne et exorcise ses démons, bien loin des démarches morbides de XXXTentacion ou Lil Uzi Vert. Sa voix chaude et soul chante ainsi l’angoisse qui peut s’insinuer dans le quotidien ou les relations amoureuses, tout en diffusant un message encourageant à l’amour-propre et à la prise de temps pour soi.
Du haut de ses 20 ans et malgré l’insécurité qui le gagne parfois, Demo Taped a déjà développé une identité artistique solide. Inspiré par l’art surréaliste et les nanars un peu kitsch, ses visuels aux tons pastel, qui peuvent au premier abord sembler naïfs, ne manquent pas de sens. Le clip de “Pack of Gum” développe par exemple le parcours d’un morceau de chewing-gum (en référence à la sucrerie qu’il explique avoir l’habitude de mâcher pour calmer ses crises d’angoisse).
Signé sur le label 300 Entertainment, l’artiste dévoile Momentary, un EP rayonnant qui s’affranchit de l’univers pop dans lequel il s’épanouissait pour faire entrer la chaleur du gospel. Rien de plus normal pour le jeune homme dont le grand-père était révérend. Pour lui rendre hommage, il a d’ailleurs insisté pour se servir de l’orgue utilisé par sa congrégation. Un moment de grâce concocté pour la première fois hors de sa chambre et avec l’aide de Frank Dukes (Post Malone, Drake, Frank Ocean), qu’on vous invite à découvrir le temps d’un échange avec le musicien.
Qui es-tu ?
Je m’appelle Adam Alexander. J’ai 20 ans et j’aime les câlins.
D’où viens-tu ?
Je viens d’Atlanta, Géorgie.
Quand est-ce que tu as commencé la musique ?
J’ai commencé la musique très jeune. Mes parents m’ont inscrit à des cours de piano quand j’avais quatre ans. À partir de là, mon professeur a compris que je pouvais aussi chanter et j’ai alors commencé à me produire à des récitals.
Mes parents m’ont aussi offert un ordinateur quand j’avais neuf ans et c’est à ce moment que j’ai commencé à m’entraîner avec Garageband, mais aussi à écrire des morceaux. Ils m’ont toujours soutenu dans tous les projets que j’ai entrepris et je leur en suis très reconnaissant pour ça.
Est-ce que tu as eu différents projets avant ?
Oui. C’était des trucs que j’ai jetés mais qui m’ont permis de comprendre ce que je voulais faire.
Quelles sont tes inspirations musicales ?
Curtis Mayfield, George Clinton, David Byrne, Bowie, etc. J’ai toujours écouté beaucoup de styles de musique différents. Je cherche l’inspiration auprès d’artistes qui, la plupart du temps, ne sonnent pas du tout comme moi.
Y a-t-il des œuvres qui t’inspirent aussi ?
Je suis très inspiré par les travaux surréalistes. J’aime mettre des films comme Eraserhead ou juste des nanars bizarres des années 1980, enlever le son et faire de la musique par-dessus.
Je suis très inspiré par David Lynch et tous les artistes qui te sortent de ta zone de confort. J’aime quand quelque chose d’intéressant ou de substantiel me frappe et ne pas savoir pourquoi. Tout l’amusement est de comprendre pourquoi.
Comment est-ce que tu composes ? Décris-nous ce processus.
J’essaye de ne pas trop penser. Si je trouve le temps ou que je suis dans mon home studio, j’aime pratiquer la méditation transcendantale avant de composer. Ensuite, je couche sur le papier une sorte de flot de conscience en jouant la production. Je la passe en boucle juste pour voir ce que ça me fait ressentir. Une fois que mon idée principale est solidifiée, je creuse réellement et commence à écrire.
Le thème de l’anxiété est très présent dans tes paroles, mais tes visuels, comme tes compositions, semblent très colorés. Comment expliques-tu ce contraste ?
Ce n’est pas vraiment une décision consciente. Je pense qu’en vivant avec une maladie mentale, tu apprends à porter des masques. Tu souris quand tu es blessé. Tu dis aux gens que tu vas bien alors que c’est faux. Les productions colorées masquent l’anxiété des paroles.
Est-ce plus difficile pour un artiste noir d’aborder ces questions ?
Pour ma part, non. Mais pour d’autres, peut-être. Il y a un stigmate dans la communauté noire qui a longtemps existé. Beaucoup de gens voient les problèmes de santé mentale comme une faiblesse et restent fidèles à cette pensée. J’aimerais que ce questionnement reste dans la lumière et briser cette façon de penser.
De plus en plus d’artistes s’expriment à propos de la dépression. Penses-tu que l’industrie progresse à ce niveau ?
Je pense que oui. Les messages d’amour-propre et l’idée de prendre soin de soi sont en train de se répandre. Quand je traversais le pire, j’ai réellement pensé que j’étais seul à vivre cette tristesse. Les artistes qui possèdent des plates-formes pour s’exprimer commencent à sortir du placard à ce sujet, en disant “Oui, j’ai traversé ça aussi“, ou “Oui, j’ai souffert de ça aussi“. Et je pense que cela peut vraiment aider ceux qui se sentent complètement seuls.
Comment définirais-tu ton projet Momentary ?
Momentary est une collection de moments, de pensées, de mémoires et d’idées. C’est moi qui pose des questions et qui essaye de comprendre la vie.
Pour Momentary, j’ai lu que tu avais travaillé avec Frank Dukes. Que penses-tu que cette collaboration amène au projet ?
J’ai été très chanceux d’avoir un sample de Frank Dukes. J’ai fini par le reproduire, mais sans ce sample il n’y aurait pas eu “Insecure”. Je pense que cette collaboration a amené une évolution des sonorités et de ma pensée. Elle a fondé le reste de l’EP.
Si tu as des conseils aux auditeurs pour écouter ta musique, quelles seraient les meilleures conditions ?
Il faut être relax et détendu. Échappez-vous. Faites exactement ce que vous avez envie de faire. Bougez comme vous le voulez. Vous pouvez avoir l’air stupide pour ceux qui sont autour de vous, mais qui s’en soucie ? N’essayez pas d’avoir l’air cool ou stylé quand vous bougez, juste bougez.
Momentary est disponible depuis le 23 février.