Des expositions d’exception et un appétit décuplé par les restrictions sanitaires : quatre ans après la pandémie, les grands musées parisiens ont fait le plein en 2023, battant des records de fréquentation ou retrouvant leurs niveaux de 2019, selon les chiffres recueillis par l’AFP. Avec près de 3,9 millions de visiteur·se·s en 2023, le Musée d’Orsay bat un “record historique” et totalise avec son pendant, l’Orangerie (1,2 million de visiteur·se·s), 5,1 millions de visiteur·se·s.
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Ses expositions comme “Manet / Degas”, les “Pastels, de Millet à Redon” ou “Van Gogh à Auvers-sur-Oise. Les derniers mois” ont été plébiscitées par le public, parmi lequel “les Français sont de retour en masse”, dit à l’AFP son administrateur général, Pierre-Emmanuel Lecerf. À cinq semaines de sa fermeture, l’exposition sur Van Gogh bat elle aussi déjà “un record historique avec 568 000 visiteurs, soit 7 200 chaque jour”, souligne-t-il.
Bien qu’ayant maintenu une jauge de 30 000 visiteur·se·s par jour, le musée du Louvre affiche, lui, un total de 8,9 millions de visiteur·se·s (+14 % par rapport à 2022), proche de son niveau de 2019 (9,6 millions de visiteur·se·s), tout comme le château de Versailles qui totalise 8,1 millions de visiteur·se·s comme en 2019 (6,5 millions en 2022).
Public asiatique absent
Si les États-Unien·ne·s sont de retour comme en 2022, le public asiatique manque encore à l’appel. Cette défection des touristes asiatiques s’explique, selon les acteur·rice·s du tourisme et les autorités françaises, par une “reprise très progressive des liaisons aériennes” avec la Chine, notamment, ainsi que des “difficultés dans la délivrance de visas”.
Ensemble, les visiteur·se·s japonais·es, coréen·ne·s et chinois·es représentent 2,5 % du public du Louvre en 2023 et sont absent·e·s à Versailles – alors que les visiteur·se·s chinois·es représentaient 8 % de sa fréquentation en 2018 et 13 % de celle du château de Versailles en 2019. Évacué et fermé à plusieurs reprises ces derniers mois, à la suite d’alertes à la bombe infondées, le château de Versailles assure ne pas en avoir pâti. Son public a pu reporter son passage de quelques heures ou au lendemain.
Au musée d’Orsay, Christophe Leribault, son président, affirme “avoir tiré les leçons de plusieurs expositions comme celle sur Manet et Degas”, victimes de leur succès, nombre de visiteur·se·s n’ayant pu apprécier les œuvres en raison de la foule. Son objectif d’“améliorer l’accueil du public” et de “le fidéliser” s’est notamment traduit dès l’automne par “une surface d’exposition temporaire étendue” et “des œuvres accrochées en nombre limité et plus haut” afin d’en faciliter l’observation, détaille-t-il.
Si le Louvre souhaite, à terme, ouvrir une seconde entrée pour faciliter l’accès à ses collections (car l’entrée principale située sous la grande pyramide de verre était conçue à l’origine pour accueillir seulement “quatre à cinq millions de visiteurs par an”), Orsay et l’Orangerie débuteront des travaux de rénovation de leurs espaces d’accueil dès 2025, sans fermer les musées, selon M. Leribault. Devant fermer à partir de 2025 pour d’importants travaux de désamiantage et de rénovation, prévus jusqu’en 2030, le Centre Pompidou a pour sa part accueilli plus de 2,6 millions de personnes en 2023. Cette fréquentation est “proche du niveau de 2019”, malgré un “ralentissement en fin d’année”, a-t-il annoncé dans un communiqué. Il a connu ces dernières semaines plusieurs journées de fermeture liées à une grève pour protester contre les conditions de cette fermeture.
Le Centre des monuments nationaux (CMN), qui gère une centaine de sites culturels dont l’abbaye du Mont-Saint-Michel et la Sainte-Chapelle à Paris, a lui aussi fait état d’un “record historique” avec 11 millions de visiteur·se·s (+15 % par rapport à 2022), dont celui du Panthéon qui dépasse pour la première fois le million de fréquentation. Avec 1,4 million de passages (+40 % par rapport à 2022), le musée du quai Branly – Jacques Chirac annonce lui aussi “une fréquentation exceptionnelle” en 2023, supérieure aux années d’avant la crise sanitaire du Covid.
Le cas du Louvre
Avec près de 9 millions de visiteur·se·s en 2023, le Louvre retrouve une fréquentation pré-Covid, proche de son niveau de 2019 même s’il reste privé de ses visiteur·se·s asiatiques.“Cette fréquentation en hausse de 14 % par rapport à 2022 [7,8 millions de visiteurs] se rapproche du niveau pré-pandémique” de 2019 (9,6 millions de visiteurs), a précisé le musée à l’AFP.
Pour améliorer l’accueil du public, le Louvre est resté ouvert jusqu’à 20 heures pendant les fêtes de fin d’année et envisage d’instituer, outre sa programmation culturelle élargie – intégrant de la danse, du théâtre ou du cinéma – une seconde visite nocturne à partir d’avril chaque mercredi en complément de celle du vendredi.
Le plus grand musée du monde, qui maintiendra sa jauge quotidienne pendant les JO de Paris (26 juillet-11 août), dit cependant “moins tabler sur des records de fréquentation” – il avait totalisé 10,2 millions de visiteur·se·s en 2018 – que sur “l’amélioration de l’accueil du public et de la qualité des visites” de ses collections, dont la célèbre Joconde de Léonard de Vinci.
Elles ont été admirées par 68 % de touristes étranger·ère·s (13 % d’États-Unien·ne·s, 7 % venant d’Italie, 5 % du Royaume-Uni et d’Allemagne, 4 % d’Espagne) et 32 % de visiteur·se·s français·es en 2023 (dont 62 % de Francilien·ne·s). Comme en 2022, vous avez été 60 % à découvrir le Louvre pour la première fois, dont 43 % avaient moins de 26 ans et dont 40 % ont aussi bénéficié de la gratuité du musée. Ce dernier va augmenter ses tarifs, avec un billet à 22 euros à partir du 15 janvier.
Les touristes peu refroidi·e·s par la hausse du prix du billet au Louvre ?
“Je serais prête à payer le double du prix” : entrer au Louvre coûte 22 euros en plein tarif depuis lundi matin, une hausse de cinq euros qui ne semble pas repousser les touristes étranger·ère·s. C’est le premier changement de tarif en sept ans pour le plus grand musée de France et le plus visité au monde, avec 86 000 mètres carrés d’espaces ouverts au public. Cette augmentation a été attribuée à l’inflation et à l’ouverture élargie du musée six mois avant les Jeux olympiques de Paris (du 26 juillet au 11 août). La hausse des coûts de l’énergie de 88 % entre 2021 et 2022 et le projet d’étendre les horaires d’ouverture (avec une seconde nocturne potentielle) justifient un prix d’entrée plus cher, se défendait l’établissement dans un communiqué en décembre.
“Les collections sont inestimables, c’est une opportunité assez rare pour nous […] et je comprends que ce soit cher de faire fonctionner une telle institution”, réagit une touriste australienne abonnée à Paris et impatiente de revoir La Vénus de Milo. “Une augmentation de cinq euros, ça ne chamboule pas nos plans”, indique un autre touriste australien. D’autant qu’en Australie, les activités culturelles sont plus onéreuses qu’en France, avance-t-il avant de nuancer : “Si le Louvre était aussi payant pour les enfants, ce serait déjà plus difficile”.
Un touriste états-unien surenchérit : cette hausse “n’est pas vraiment importante” ni décourageante pour aller voir la Joconde de Léonard de Vinci. “C’est le premier musée que je voulais voir dans Paris”, se réjouit-il. En revanche, plus loin, un Italien se dit surpris par le prix du billet qu’il a réservé la semaine précédente. “C’est l’augmentation de trop pour moi. Je trouve ça trop cher pour un bien culturel.”
D’autres grandes institutions culturelles ont elles aussi récemment revu leurs tarifs. Début janvier, la visite du château de Versailles est passée de 19,50 à 21 euros et, dans les établissements du Centre des monuments nationaux, le tarif a augmenté d’un euro. Au MoMa et au musée Guggenheim à New York, il faut dépenser 30 dollars au lieu de 25 depuis fin 2023.