Selon Anouk Grinberg, “quand un producteur engage Depardieu, il sait qu’il engage un agresseur”

Selon Anouk Grinberg, “quand un producteur engage Depardieu, il sait qu’il engage un agresseur”

photo de profil

Par Konbini avec AFP

Publié le

L’actrice s’est une nouvelle exprimée sur le comportement de l’acteur.

Anouk Grinberg, l’une des actrices qui ont décidé de briser “le silence” autour des agressions sexuelles dans le 7e art, revient sur le tournage du film Les Volets verts (2022), après lequel une membre de l’équipe a porté plainte pour agression sexuelle contre Gérard Depardieu.

À voir aussi sur Konbini

Elle qui connaît de longue date l’acteur et s’est attiré les foudres de ses avocats en évoquant son comportement sur ce tournage, soutient aussi Charlotte Arnould, dont les accusations en 2018 valent à Depardieu une mise en examen pour viols depuis 2020. Elle a répondu aux questions de l’AFP et appelle désormais d’autres actrices à prendre la parole.

AFP | Comment s’est passé le tournage des Volets verts (2022) de Jean Becker ?

Anouk Grinberg | Ce que les gens ont vu dans Complément d’enquête (sur Depardieu), c’est à peu près soft par rapport à ce que moi j’ai vu sur les Volets verts, et je ne suis pas la seule, on l’a tous vu, on l’a tous entendu […]. Du matin au soir, on avait le droit à ses salaceries […]. Sur Les Volets verts, il y avait paraît-il une dame [une référente] dévolue [à prévenir les] agressions. On ne me l’a jamais présentée, […] elle n’a jamais apporté son soutien aux femmes qui se sont fait agresser. Elle n’est jamais intervenue quand on entendait parler de moule, de chatte, de bite, de se faire sucer.

Une décoratrice du film a porté plainte pour agression sexuelle, une autre a dénoncé aussi une agression.

Quand des producteurs de film engagent Depardieu sur un film, ils savent qu’ils engagent un agresseur. Pas un agresseur potentiel : un agresseur […]. [Jean] Becker ose dire dans les journaux que mes propos sont scandaleux et qu’évidemment si Depardieu avait mal agi, il lui en aurait parlé entre hommes. Allons ! Il savait très bien que deux femmes avaient été agressées gravement. C’est pour couvrir leur lâcheté, leur incapacité à protéger les femmes que [Jean Becker et les producteurs du film] m’accusent [de mentir].

Vous connaissez Gérard Depardieu depuis longtemps. Son comportement a évolué sur les tournages ?

Je l’ai toujours entendu avoir des propos sexuels, graveleux, mais oui ça a très, très gravement empiré, avec la permission du métier qui le paie pour ça et qui couvre ses délits.

Comment s’explique l’omerta que vous dénoncez dans le cinéma ?

Sur certains films avec Depardieu, on dit à l’équipe avant le tournage : “S’il y a le moindre problème, vous vous taisez. Si vous parlez, vous êtes virés”. C’est efficace. […]. Les gens ont peur pour leur pomme, peur de perdre leur boulot, et peur de ne pas être crus.

D’autres actrices renommées ont tourné avec Gérard Depardieu. Pourquoi êtes-vous la seule à dénoncer aussi fort ces violences sexuelles ?

C’est une affaire de conscience de soi à soi et d’empathie. C’est leur affaire. Mais bien sûr que j’aimerais que beaucoup plus de femmes parlent, car beaucoup de femmes savent.

Des légendes du cinéma français comme Catherine Deneuve et Isabelle Huppert ont tourné avec Gérard Depardieu et Benoît Jacquot. Vous avez envie qu’elles parlent ?

Ce n’est pas dans mon disque dur de comprendre comment on peut se taire devant la souffrance des autres donc je ne peux pas les comprendre. Mais le peu que je peux comprendre, c’est qu’elles travaillent pour leur paroisse, elles défendent leur image. Est-ce que ça abîmerait leur image que de contribuer à la vérité ? […] Je crois que c’est très désirable, la vérité.

Est-ce que vous observez un changement dans le monde du cinéma ?

Ça ne change pas comme ça [mais] l’écoute a commencé à se faire, c’est déjà bien. [Le réalisateur Philippe] Garrel est le seul homme à avoir accepté de faire un pas, de réfléchir et de demander pardon [il a été mis en cause par des comédiennes pour des tentatives de baisers non consentis notamment]. Ce n’est pas rien. En ça, il participe à cette révolution. […] Les autres, qui sont dans le déni, participent à cette puanteur.

Vous avez reconnu avoir été à une époque “complice” de ces agressions. Qu’est-ce qui fait que vous ne l’êtes plus ?

J’ai changé de vie. […]. Après avoir été démolie par [le réalisateur Bertrand] Blier [son ex-mari, ndlr] et son cinéma, j’ai passé dix ans loin de ça, et pendant ces dix années je n’ai pas rien fait, j’ai réfléchi. Après, il y a des rencontres très importantes qui font qu’on est révélé à soi-même, qu’on a accès à sa vérité […]. Il y a six ans, j’ai rencontré Charlotte Arnould, qui à ce moment-là était très, très seule, complètement démolie par ce qu’elle venait de subir.

Avez-vous vous-même subi de telles agressions ?

Bien sûr que j’ai eu à subir des agressions et que j’ai été entraînée à les considérer comme normales, pas seulement pour pouvoir fonctionner dans le métier mais tout simplement pour pouvoir fonctionner dans la vie. Quand on est une femme, on a intégré que se faire agresser, ça fait partie de la vie. C’est ça qui est en train de changer.